La Ve République de De Gaulle

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Introduction :

En 1958, un putsch de militaires en Algérie entraîne une crise politique majeure en France. Pour résoudre la crise, le général de Gaulle, retiré de la vie politique depuis 1946, est appelé au pouvoir. Il accepte de prendre la tête du gouvernement en échange d’un changement de Constitution, qui donne naissance à la Ve République. Avec ce nouveau régime, Charles de Gaulle impose une république semi-présidentielle qui va lui permettre de résoudre les défis auxquels la France doit faire face depuis l’après-guerre : la décolonisation et la question algérienne. Cette nouvelle donne politique lui permet de s’installer au pouvoir pour une longue durée et de mener ses projets pour la France jusqu’à sa démission en 1969.

Nous verrons dans ce cours comment Charles de Gaulle parvient habilement à résoudre la crise algérienne et la décolonisation, puis nous nous attarderons sur les changements politiques majeurs institués avec la nouvelle Constitution de la Ve République. Enfin, nous verrons comment la présidence de De Gaulle coïncide avec des évolutions économiques et sociales, mais également sa réaction face aux mouvements de la jeunesse.

La résolution de la crise algérienne et la fin de l’empire colonial

Propulsé à la tête de l’État français par la crise algérienne, Charles de Gaulle va faire de sa résolution son cheval de bataille. À la tête de la France, il va également amorcer une politique internationale radicalement différente de celle adoptée par la France de la IVe République.

Les accords d’Évian

En 1958, l’Algérie, divisée en départements français, est en proie depuis 1954 à une lutte armée de la part du mouvement indépendantiste FLN. Cette guerre de décolonisation s’est transformée en une guerre sale, faite d’exactions, de répression et de terrorisme de la part des deux belligérants. Arrivé au pouvoir à l’issue d’un putsch militaire en Algérie, Charles de Gaulle entend régler l’épineux problème algérien. Malgré une reprise en main des militaires en Algérie, le FLN étend le terrorisme en France métropolitaine. Alors que les militaires pensaient que le nouveau chef de l’État serait favorable au maintien de l’Algérie française, il les prend de cours en annonçant un référendum d’autodétermination en Algérie. Les généraux en Algérie se rebellent alors, organisant un second Coup d’État, appelé le putsch des généraux (21 avril 1961). Cependant, impopulaire et contré par l’habileté médiatique de De Gaulle qui s’exprime à la télévision en uniforme de général, le coup de force vire à l’échec. Les partisans les plus farouches de l’Algérie française organisent alors un mouvement terroriste contre le gouvernement : l’Organisation armée secrète (OAS). En 1961, lors de l’attentat de Pont-sur-Seine, l’organisation tente d’assassiner le général de Gaulle. Un an plus tard, l’OAS tente encore de s’en prendre au général lors de l’attentat du Petit-Clamart.

Sans surprise, à l’issue du référendum, la population algérienne choisit l’indépendance, qui est signée aux accords d’Évian, le 18 mars 1962.

La délégation algérienne présente aux accords d’Évian, le 19 mars 1962 - Histoire - Terminale - SchoolMouv La délégation algérienne présente aux accords d’Évian, le 18 mars 1962

De nombreux Français d’Algérie (appelés les pieds-noirs), des juifs algériens et des harkis (Algériens partisans de l’Algérie françaises), menacés de mort, quittent le pays en toute précipitation. Ils laissent derrière eux leurs biens et partent en exil avec les quelques valises qu’ils peuvent emporter avec eux. En métropole, où un tel afflux de population n’avait pas été anticipé (près d’un million d’habitants), ils vivent dans des conditions déplorables, avant d’être relogés dans des cités dortoirs.

L’indépendance algérienne ne rentrait pas initialement dans les plans de De Gaulle, mais elle s’est imposée à lui comme unique issue afin de pouvoir réformer la France à sa guise.

La dissolution de l’empire colonial et le repositionnement de la France

De Gaulle a la conviction que pour avancer, la France doit tourner la page de son passé colonial, sans quoi elle resterait bloquée dans un cycle de crises indépendantistes sans fin. Ainsi, il favorise les indépendances des colonies françaises restantes en Afrique et liquide l’empire colonial en 1960. Cette approche permet de libérer le pays des problématiques africaines et d’adopter un nouveau positionnement sur la scène internationale. Alors que la France s’était alignée depuis 1945 derrière les positions du camp occidental contre le bloc communiste, De Gaulle entend faire de la France un pays indépendant et libre de ses choix diplomatiques, qui puisse s’engager dans une voie alternative à la bipolarisation. Il expulse donc tous les militaires américains encore présent sur le sol français et favorise un rapprochement avec les pays communistes. La France de De Gaulle est ainsi la première à reconnaitre le gouvernement de la Chine populaire de Mao Zedong comme la Chine légitime, en 1964.

De plus, dans sa stratégie de puissance, De Gaulle investit dans l’énergie nucléaire afin de doter la France de l’arme nucléaire. Figurant dans le très restreint club des pays dotés de l’arme atomique, la France acquiert de fait une indépendance militaire et une force de dissuasion lui permettant de mener librement ses politiques. Cette politique indépendante et imprévisible secoue le camp des pays occidentaux, et en particulier les États-Unis, qui se méfient du président français. Estimant que l’OTAN était moins une alliance qu’une réalisation impérialiste de l’hégémonie américaine, de Gaulle décide de faire sortir la France de l’alliance atlantique en 1966, au grand dam des Américains. Basant sa diplomatie sur son statut de membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU et disposant à ce titre du droit de veto, de Gaulle autonomise sa diplomatie et n’hésite pas à aller à l’encontre des États-Unis.

Charles De Gaulle et le président américain John F. Kennedy - SchoolMouv - Histoire - Terminale Charles De Gaulle et le président américain John F. Kennedy

La création d’une République semi-présidentielle

En imposant une nouvelle Constitution, Charles de Gaulle met fin au régime parlementaire et fait du président de la République le personnage central de la politique nationale.

La nouvelle constitution

En arrivant au pouvoir, de Gaulle réclame un changement de Constitution, qu’il fait valider par un référendum. Cette nouvelle Constitution fait entrer la France dans la Ve République. Contrairement à la IVe République qui reposait sur un régime parlementaire, la réforme voulue par de Gaulle impose un régime semi-présidentiel. Désormais le président de la République devient l’acteur central de la vie politique en France, tandis que le Premier ministre passe au second plan. De Gaulle voit le rôle du président de la République comme étant en lien direct avec le peuple, et c’est pour cela qu’il rend cette fonction éligible par les électeurs en 1962. Le président de la République obtient aussi plus de pouvoirs : en plus d’être le chef des armées, et de pouvoir dissoudre l’Assemblée Nationale, il s’octroie la gestion de la politique extérieure de la France et la consultation du peuple par référendum : ce sont donc les domaines réservés du président de la République.

Bien qu’il ne rompe pas avec le bicaméralisme, de Gaulle impose le principe de l’élection législative à deux tours, pour renforcer le parti majoritaire et restreindre le nombre de formations politiques élues au parlement. Cette mesure permet d’empêcher les gouvernements minoritaires et évite la chute des gouvernements. Charles de Gaulle veut faire des parlementaires des députés godillots, c’est-à-dire fidèles et soumis au pouvoir du président, qui votent les lois sans exprimer d’opinions personnelles. Le Sénat, élu par un suffrage indirect, s’occupe de la seconde lecture des lois. La Constitution de 1958 prévoit également la fondation du Conseil constitutionnel, chargé de vérifier la constitutionnalité des lois et la bonne tenue des élections.

La réforme de la Ve République est vouée à s’inscrire dans le temps et marque un renforcement présidentiel, si bien que certains parlent d’une monarchie présidentielle.

Un pouvoir croissant pour le président

La nouvelle Constitution permet certes de renforcer la stabilité de l’exécutif mais elle affaiblit considérablement l’opposition, affaiblie par les nouvelles règles, et qui voit s’éloigner ses chances de renverser la majorité en place. L’opposition socialiste tente de se réorganiser autour de figures importantes de la vie politique, comme Pierre Mendès France ou François Mitterrand. Cependant, de Gaulle ne laisse pas de place à l’opposition et entend imposer sa voix, tant en France que face à ses partenaires européens. Fidèle à une vision historique de la France comme puissance européenne majeure, de Gaulle promeut l’Europe des nations, au centre de laquelle, selon lui, la France doit rayonner.

Bien que favorable à l’intégration européenne tant qu’elle est profitable à la puissance française, de Gaulle refuse la modification du principe d’unanimité qui régit les rapports entre les six États de la CEE. En effet, jusqu’alors les mesures d’approfondissement du projet européens sont décidées à l’unanimité des six chefs d’États, et alors que certains de ses partenaires souhaitent faire prévaloir le principe de majorité, de Gaulle s’y oppose. Par ce geste, il souhaite maintenir une mainmise sur les décisions européennes et surtout refuser à tout prix l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE. Il considère en effet ce pays comme un cheval de Troie des Américains pour bloquer les efforts de construction européenne. Il va donc pratiquer la politique de la chaise vide, laissant en suspens la construction européenne pendant plusieurs années.

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Définition

Politique de la chaise vide :

Attitude qui consiste à ne pas siéger à un conseil dans lequel le représentant absent est indispensable pour prendre une décision. Cette attitude vise à signifier l’opposition du membre absent aux autres membres du conseil et empêcher les prises de décision contraires à ses intérêts.

Les changements socio-économiques de la France du général

En plein dans les Trente Glorieuses, la France connait une forte croissance économique depuis l’après-guerre et va connaitre une diversification industrielle grâce à l’impulsion de De Gaulle, qui va axer l’économie sur des secteurs novateurs. Cependant, il va devoir faire face aux demandes de changements sociaux et culturels de la jeunesse.

Une France à la pointe de la technologie

Accédant au pouvoir alors que la France connaît les Trente Glorieuses, une période de croissance sans précédent, de Gaulle va tirer profit du dynamisme et de l’optimisme de la société française. La poursuite de la politique keynésienne et de l’État providence, installés depuis l’après-guerre, permet à de nombreux Français de voir leurs conditions de vie s’améliorer. Soucieux de faire de la France la plus grande puissance d’Europe et de faire partie des nations les plus importantes du monde, de Gaulle va soutenir la réalisation d’infrastructures modernes et de qualité et accompagner les efforts de modernisation.

Souverainiste, de Gaulle va également miser sur la mise en place d’une économie diversifiée pour rendre le pays autonome et créer de nombreuses filières industrielles, notamment dans les domaines des nouvelles technologies. C’est ainsi qu’il va pousser la France à développer sa filière nucléaire. Cette technologie, à la pointe de l’innovation à l’époque, peut permettre à la France d’être moins dépendante énergétiquement vis-à-vis d’autres ressources comme le pétrole et le charbon. Le développement de l’énergie nucléaire permet aussi à la France de se doter rapidement de l’arme nucléaire, fondement de son prestige international sur le plan militaire, et base de sa nouvelle doctrine de sécurité. Cependant, les efforts de croissance économique et de diversification ne profitent pas à tous, et si la société semble se moderniser à grands pas, certains semblent exclus des fruits de la réussite de la France.

Les réacteurs de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux, construite pendant la présidence de Charles de Gaulle - Schoolmouv - Histoire - Terminale Les réacteurs de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux, construite pendant la présidence de Charles de Gaulle

La contestation sociale

En misant sur les grands fleurons de l’industrie française, de Gaulle marginalise les petites entreprises qui ferment, faute de pouvoir concurrencer les champions industriels nationaux. Certains secteurs comme la métallurgie, la mécanique et le textile sont particulièrement éprouvés et se retrouvent en difficulté. Au final, près de deux millions de travailleurs, provenant du secteur des emplois les moins qualifiés, touchent le salaire minimum, loin de la richesse vantée par le gouvernement de De Gaulle. De plus, la colère sociale gronde au sein de la nouvelle génération issue du Baby-boom, mécontente de l’autoritarisme de la France de De Gaulle, et réclamant des changements sociaux et culturels majeurs. Cette génération, bercée par la culture américaine, rêve de liberté et rejette les valeurs traditionnelles et l’ordre patriarcal de la France du Général, réclamant des réformes démocratiques et sociétales importantes.

En 1968, suivant un vent de contestation mondial et en protestation face aux répressions policières, les étudiants occupent les universités. Ce mouvement étudiant, qui se cristallise lors du mois de mai 1968, est porté par Serge July et Daniel Cohn-Bendit, et réclame une plus grande ouverture culturelle, l’extension des libertés politiques et la fin des pratiques autoritaires de la police. En opposition avec toutes les valeurs de l’ordre traditionnel, la jeunesse attaque les institutions qui en sont les plus représentatives : l’Église, l’armée, l’État, les professeurs, l’école et surtout le Général de Gaulle. Le 13 mai 1968, le mouvement étudiant est rejoint par d’autres secteurs qui organisent une grève générale qui paralyse le pays pendant des semaines.

Manifestation étudiante à Toulouse pendant le mouvement de Mai 68 - Histoire - SchoolMouv - Terminale Manifestation étudiante à Toulouse pendant le mouvement de Mai 68 -©André Cros, archives municipales de Toulouse – CC BY-SA 4.0

De Gaulle surpris par la tournure des évènements décide de dissoudre l’Assemblée Nationale et négocie des mesures concrètes avec les syndicats lors des accords de Grenelle. Recherchant le soutien populaire, il prépare en 1969 un référendum sur la création des régions, qui devrait renouer son lien avec le peuple. Le résultat, défavorable au président, le pousse à annoncer sa démission le jours suivant, le 28 avril 1969.

Conclusion :

Avec la Ve République, Charles de Gaulle a imposé à la France son modèle idéal de gouvernance du pays, permettant de doter le pays d’institutions solides avec un exécutif stable. Au pouvoir, de Gaulle a réussi à résoudre la crise algérienne grâce aux accords d’Évian et a accordé l’indépendance aux autres colonies d’Afrique. Optant pour une politique indépendante vis-à-vis de ses alliés, de Gaulle s’est éloigné du camp occidental pour prendre ses distances avec le jeu des deux superpuissances. Considérant la France comme une puissance à part entière en Europe, il a affirmé son rôle central incontournable en Europe par la politique de la chaise vide. Le développement de la France de De Gaulle, fondée sur le développement de secteurs innovants a aussi accompagné le pays dans une nouvelle époque, face à de nouveaux défis incarnés par la jeunesse. À peine un an après avoir démissionné, à la suite des évènements de Mai 1968, Charles de Gaulle mourrait, tournant la page de la France de la guerre et de sa reconstruction.