Le projet européen remis en question : les crises de la coopération européenne

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Introduction :

La chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, puis la réunification de l’Allemagne quelques mois plus tard marquent un véritable tournant dans l’histoire de la construction européenne. Le nombre d’États membres va alors considérablement augmenter, passant en quelques années de 12 à 28. Un tel élargissement implique d’intégrer des populations qui ont un niveau de développement inférieur à celui des pays fondateurs. Face aux réformes qui s’imposent, cette situation va bientôt entraîner une crise des institutions européennes et susciter l’impopularité du projet européen dans l’opinion publique.

  • Comment évolue la gouvernance de l’Union européenne depuis les années 2000 ?

  • Comment se manifeste le scepticisme de l’opinion publique envers le projet européen ?

Dans une première partie, nous traiterons des crises liées à la gouvernance européenne tandis que la deuxième partie traitera de la montée et des manifestations de l’euroscepticisme.

Quelle gouvernance pour l’Union européenne ?

Entre 1992 et 2013, la Croatie étant le dernier État à intégrer l’UE, quinze nouveaux pays vont progressivement rejoindre l’Union européenne (voir la carte ci-dessous), ce qui implique de repenser sa gouvernance.

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Définition

Gouvernance :

Manière de gouverner, d’exercer le pouvoir qui assure le bon fonctionnement d’un territoire.

Les élargissements successifs de l’Union européenne Les élargissements successifs de l’Union européenne

Vers une Europe unioniste ou fédéraliste ?

Il existe traditionnellement en Europe deux conceptions de la construction européenne et de sa gouvernance. Chaque crise que traverse l’Union européenne fait rejaillir cette opposition.

  • Les unionistes (ou souverainistes) :

Les pays qui défendent cette conception envisagent une Europe au sein de laquelle chaque pays conserverait son entière souveraineté. Les décisions majeures liées à la gouvernance de l’UE seraient prises à l’unanimité par les chefs d’États et de gouvernements des pays membres. Le Royaume-Uni, avant sa sortie de l’UE en 2020, incarnait ce courant en refusant d’intégrer les accords de Schengen en 1985 (voir le cours précédent, La création d’une Europe ouverte et d’un marché commun) et en conservant la livre sterling au lieu d’adopter l’Euro en 2002.

  • Les fédéralistes :

Cette vision de la construction européenne était défendue par Robert Schuman, père fondateur de l’Europe, dès 1950. Les fédéralistes souhaitent une accélération du processus d’intégration européenne par le transfert d’une partie des pouvoirs nationaux aux institutions européennes. Ce courant est notamment populaire dans les pays pour lesquels l’intégration assez récente au sein de l’UE a accéléré le développement économique et social de sa population (pays méditerranéens, pays baltes, etc.).

Doter l’Union européenne de nouvelles institutions

Conscients de la nécessité de réformer les institutions européennes élaborées initialement pour une Union européenne comportant 12 membres, les 25 chefs d’État et de gouvernement décident de se réunir en 2004 à Rome. Un accord final est alors signé, qui stipule notamment l’élaboration d’une constitution pour l’Europe et prévoit la nomination d’un président de l’UE ainsi que d’un ministre des Affaires étrangères.
Ce projet de constitution donne lieu en France à l’organisation d’un référendum le 29 mai 2005. Lors de la campagne électorale, l’opinion publique parait plus divisée que jamais sur la question européenne. C’est finalement le Non qui l’emporte majoritairement. Il en est de même aux Pays-Bas où un référendum est organisé le 1er juin. Face à ces deux refus, le projet de constitution européenne n’a pas pu entrer en application.
L’Union européenne entre alors dans une période de doute et de crise institutionnelle dont elle ne sortira qu’en décembre 2007 avec la signature du traité de Lisbonne qui modifie le fonctionnement des institutions. Approuvé par les pays membres, il entre en application à partir de 2009.

Le fonctionnement des institutions européennes en 2009 Le fonctionnement des institutions européennes en 2009

Un président européen est nommé à la tête du conseil de l’Europe pour cinq ans. Il est le représentant de l’UE dans le monde. Un haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité est également nommé. Pour faciliter les prises de décision au sein du Conseil de l’UE, les décisions se prennent désormais à la majorité qualifiée.

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Définition

Majorité qualifiée :

Depuis le traité de Lisbonne en 2007, la majorité est dite qualifiée lorsqu’elle regroupe au moins 55 % des États membres représentant 65 % de la population.

25 dirigeants européens traité Lisbonne - SchoolMouv - Histoire - Terminale Les chefs d’État et de gouvernement réunis devant le Monastère des Hiéronymites à Lisbonne le 13 décembre 2007 ©Archiwum Kancelarii Prezydenta RP

La crise financière de 2009 attise les tensions entre unionistes et fédéralistes

La crise bancaire et financière de l’automne 2008 qui touche les grandes banques américaines va rapidement s’étendre à l’Union européenne. Pour garantir la viabilité de leur secteur bancaire mais aussi pour sécuriser les dépôts bancaires de leurs citoyens, les États européens sont amenés à s’endetter en injectant des dizaines de milliards d’euros. En quelques mois, la crise financière se transforme en crise de la dette des États, notamment dans les pays les plus fragiles tels que la Grèce, l’Irlande et le Portugal. Les spéculations contre l’Euro se multiplient, menaçant sa stabilité.
En mars 2012, pour sortir de cette crise, l’Union européenne met en place un outil de gestion de crise, le « mécanisme européen de stabilité ». Il permet à la Banque centrale européenne de prêter 750 milliards d’euros aux pays européens. Certains pays considérés comme unionistes (notamment le Royaume-Uni) souhaitent aller plus loin. Ils proposent l’exclusion de la Grèce de la zone euro, pays le plus en difficulté, tandis que d’autres États plus fédéralistes (comme la France) vont prôner un maintien dans la zone euro ainsi qu’une surveillance plus stricte des déficits budgétaires nationaux par l’Union européenne. C’est en fin de compte cette deuxième solution qui est retenue. Cette crise aura toutefois montré la difficulté des pays européens à parler d’une même voix pour résoudre une situation conflictuelle.

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À retenir

L’élargissement et l’approfondissement de la construction européenne impliquent une profonde réforme des institutions. Cette dernière met en lumière différentes manières d’envisager la gouvernance de l’UE entre les pays membres. Elle souligne également les difficultés à trouver un compromis en cas de crise grave.

Des citoyens qui se désintéressent du projet de construction européenne

Afin de développer le sentiment d’appartenance à l’Union européenne, le traité de Maastricht (1992 - voir le cours précédent, La création d’une Europe ouverte et d’un marché commun) instaure une citoyenneté européenne qui s’ajoute à la citoyenneté nationale. Malgré cela, on note depuis les années 1990 une montée de l’euroscepticisme dans de nombreux pays.

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Définition

Euroscepticisme :

Sentiment de méfiance voire d’opposition d’une partie de l’opinion publique face au projet de construction européenne.

Des citoyens mis à l’écart ?

Les citoyens estiment bien souvent que l’administration européenne est trop éloignée de leurs préoccupations. La technocratie de Bruxelles, les salaires élevés des hauts fonctionnaires choquent souvent l’opinion publique qui ne perçoit pas l’impact que la construction européenne peut avoir dans leur vie quotidienne.
Par ailleurs, la crise migratoire qui frappe l’Europe à partir de 2015 suscite un développement du nationalisme dans plusieurs pays. Ce sont plus d’un million de migrants venant d’Afrique et du Moyen-Orient qui cherchent à traverser la mer Méditerranée au péril de leur vie pour rejoindre les littoraux grecs ou italiens. L’Union européenne est alors accusée par les eurosceptiques de perdre le contrôle de ses frontières extérieures, ce qui menacerait la souveraineté des pays membres et la sécurité de ses habitants. Après de longues et difficiles négociations, un programme de réinstallation des migrants entre les 28 pays de l’UE est finalement signé en mai 2016, ce qui permet de dénouer la crise.
Des affaires très médiatisées viennent également contribuer à alimenter cette défiance. On peut citer notamment celle de 2016, lorsque l’on apprend que Jean-Claude Junker, alors président de la Commission européenne, aurait favorisé l’évasion fiscale vers le Luxembourg lorsqu’il était Premier ministre de ce pays. L’affaire fait grand bruit, et pour cause, sa fonction de président de la Commission européenne l’amène précisément à lutter contre ces pratiques.

Des mesures sont toutefois adoptées par le traité de Lisbonne (2007) pour développer le sentiment d’appartenance des citoyens à l’Union européenne :

  • une charte des droits fondamentaux est rédigée en 2005. Elle est ensuite intégrée à la version finale du traité ;
  • une initiative citoyenne européenne est également mise en place. Si une pétition rassemble au moins un million de citoyens de l’Union européenne venant d’au moins un quart des pays membres, la Commission européenne peut donner suite à cette initiative, sans y être toutefois obligée. Ainsi, le collectif « Sauvons nos abeilles » est venu présenter leur ICE (Initiative citoyenne européenne) à la Commission européenne le 12 février 2020. Leur action vise à demander une meilleure réglementation européenne sur les usages des produits chimiques dans l’agriculture intensive afin de préserver les abeilles dont la survie est menacée.

L’euroscepticisme s’exprime avant tout dans les urnes

Depuis 1979, les députés du parlement européen, situé à Strasbourg, sont élus au suffrage universel. Cette première élection est organisée au sein des neuf pays alors membres de la CEE et mobilise 62 % de l’électorat, ce qui correspond au meilleur taux de participation jamais enregistré aux élections européennes. Depuis lors, la participation se situe le plus souvent entre 40 % et 55 %, cette proportion pouvant varier en fonction des élections et des pays.

Vote Union européenne famille - SchoolMouv - Histoire - Terminale ©Parlement européen - Bureau de liaison en France

Malgré les campagnes publicitaires organisées par l’Union européenne pour inciter les électeurs à aller voter, beaucoup d’entre eux estiment que les enjeux de ces élections sont encore une fois trop déconnectés de leur réalité quotidienne et qu’elles n’auront aucun impact sur leur futur.
Plus significatif encore, lors d’organisations de référendums, les électeurs se sont prononcés à plusieurs reprises contre l’approfondissement du projet européen. Ce fut le cas au Danemark en 1992 où, contre toute attente, les électeurs se sont exprimés d’une courte majorité contre le traité de Maastricht. Quelques années plus tard, en 2005, les Français et les Néerlandais se sont quant eux exprimés contre la ratification du projet de constitution européenne, rendant ainsi impossible sa mise en œuvre.

Le Brexit ou la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne

David Cameron, Premier ministre britannique conservateur, cédant aux membres les plus eurosceptiques de son parti politique, décide d’organiser un référendum le 23 avril 2016 à propos d’une éventuelle sortie de son pays de l’Union européenne. À l’issue d’une campagne politique qui divise profondément le Royaume-Uni, une majorité des voix s’exprime en faveur d’un divorce avec l’Europe. C’est ce que l’on appelle le Brexit.
Theresa May, nommée Première ministre peu après le référendum, à la suite de la démission de David Cameron, est en charge des négociations avec l’UE pour mettre en œuvre le Brexit. Étant donné les relations économiques et commerciales que le Royaume-Uni a tissé avec les pays européens depuis 1973, date d’adhésion au sein de la CEE, les négociations se sont révélées beaucoup plus compliquées que prévues. À trois reprises, le parlement britannique refuse les projets d’accords proposé par la Commission européenne, estimant qu’ils ne sont pas suffisamment conformes aux intérêts du pays.

Manifestation anti Brexit Londres - SchoolMouv - Histoire - Terminale Les partisans d’un maintien du Royaume-Uni au sein de l’UE profitent des difficultés rencontrées lors des négociations pour faire entendre leur voix en manifestant en octobre 2019 ©Ilovetheeu – CC BY-SA 4.0

Les négociations se trouvant dans une impasse, Theresa May démissionne à son tour. Elle est remplacée par Boris Johnson, fervent défenseur du Brexit lors de la campagne électorale de 2016, en avril 2019.

  • À l’issue de négociations particulièrement difficiles, le Royaume-Uni sort officiellement de l’Union européenne le 31 janvier 2020.
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À retenir

Si le Brexit montre l’importance de l’euroscepticisme au Royaume-Uni, les difficultés rencontrées lors des négociations pour sortir effectivement de l’Union européenne prouvent qu’il est extrêmement difficile de revenir sur plusieurs décennies de coopération économique entre les pays membres.

Conclusion :

Au lendemain de la guerre froide, l’Union européenne intègre en son sein dix nouveaux pays dont huit sont issus de l’ancien bloc communiste. Cet élargissement sans précédent de la construction européenne pose de nouveaux défis, dont celui de la réforme de sa gouvernance. La crise économique et sociale qui frappe l’Europe à partir de 2008 favorise le développement des nationalismes et de l’euroscepticisme, soulignant ainsi la difficulté du projet européen à susciter l’adhésion des citoyens ainsi que le sentiment d’appartenir à une même communauté.