Le valet dans la comédie avant la naissance de Figaro
La « nouvelle comédie » de Ménandre (vers 340 av. J.-C. - 292 av. J.-C.) met des esclaves au cœur de l’intrigue.
Les comédies de Ménandre inspireront l’Amphytrion de Plaute (vers 254 av. J.-C. - 184 av. J.-C.) et le personnage de Sosie.
Les ressemblances entre le faux (Mercure déguisé en Sosie) et le vrai esclave (Sosie lui-même) créent des effets comiques reposant sur le quiproquo.
Cette pièce a été reprise
par Molière sous le même titre d’Amphytrion (1668) ;
par Giraudoux sous le titre Amphitryon 38 (1939).
Dans la comédie antique, l’esclave est un archétype : il est d’emblée identifiable par son langage, ses vêtements, le rôle qui lui est attribué.
L’esclave devient valet dans la commedia dell’arte.
Ce théâtre reprend les types comiques de la « nouvelle comédie » antique : les personnages y portent des habits et des masques aussitôt identifiables.
Les valets (ou zanni) tirent leur vis comica de leur stupidité ou, au contraire, de leur ruse.
Le théâtre de Molière fait la part belle aux valets en s’inspirant à la fois de la comédie antique, de la farce médiévale et de la commedia dell’arte.
Ces domestiques n’ont que rarement des fonctions précises à accomplir dans la maison.
Ils sont surtout caractérisés par leur proximité, voire leur familiarité, avec leur maître respectif.
Sortis du carcan des archétypes, ils ont leur caractère propre.
Mais leurs points communs sont :
d’être au courant de tout ;
de dire ce qu’ils pensent ;
d’entreprendre des actions très souvent en opposition avec celui auquel ils devraient normalement obéissance.
Ils se divisent toutefois en deux catégories, comme dans la comédie italienne : les idiots et les vifs d’esprit, souvent fourbes.
Les causes de la permanence des valets dans le théâtre comique
La permanence des valets au théâtre s’explique bien sûr par leur fonction comique.
Elle naît de la relation ambivalente qui se crée entre le valet et le spectateur.
quand le valet fait preuve de bêtise et de maladresse, le spectateur rit de son idiotie ;
quand, au contraire, le valet triomphe des obstacles par son intelligence ou sa rouerie, le spectateur s’identifie au héros et rit de contentement.
Le valet symbolise alors les aspirations de tout un chacun pour une société juste dans laquelle les faiblesses sont punies et les qualités récompensées.
Les valets accomplissent ainsi la devise latine Castigat ridendo mores.
Les six types de comique sont d’ailleurs déclinés par les valets.
La persistance des personnages de serviteurs dans le théâtre s’explique également par le long maintien d’une société fondée sur de forts rapports hiérarchiques inégalitaires.
En France, c’est la Révolution de 1789 qui renversera l’Ancien Régime. Dès lors, le théâtre, en prise avec les réalités sociales, évoluera en parallèle.
Annonciateur de ces transformations, le valet dans le théâtre du XVIIIe siècle devient un personnage contestataire et critique d’un certain ordre social.
Il s’émancipe et porte en germe les idées des Lumières en dénonçant notamment les abus de pouvoir.
Dans le Mariage de Figaro, Beaumarchais montre la frivolité et le libertinage d’une société décadente représentée par le comte Almaviva.
Quant à Figaro, il est doué d’une vraie psychologie.
Figaro
Le personnage de Figaro est une création de Beaumarchais.
On voit en lui l’influence marquée du roman picaresque.
Cette influence apparaît nettement dans le monologue de l’acte V, scène 3 où le valet résume les principaux épisodes de son existence et énumère ses différentes activités.
Contrairement à beaucoup de valets de théâtre, Figaro a des fonctions auprès de son maître qui sont nettement définies.
Si beaucoup d’événements de sa vie ne sont connus du spectateur que par ce que Figaro lui-même en dit, son passé proche a été représenté sur scène (cf. Le Barbier de Séville).
Le public a donc vu le personnage évoluer et s’étoffer de la première à la deuxième pièce.
Cette récurrence de Figaro l’ancre dans le temps, l’éloignant ainsi de stéréotypes, et lui donne une épaisseur psychologique et humaine.
S’il était l’adjuvant d’Almaviva dans le Barbier, il devient ici son opposant : cette situation va permettre au valet de faire montre de son inventivité.
Beaumarchais qualifie d’ailleurs son héros de « machiniste ».
Le déroulement de l’intrigue tient en effet à la capacité de Figaro d’inventer des moyens de se tirer d’affaire ou de parvenir à ses fins.
Le valet a donc une fonction dramatique cruciale.
Dans la scène 2 de l’acte II, Figaro a déjà tout manigancé quand il expose son plan à Suzanne et à la Comtesse :
l’emploi répété du verbe « faire » ;
mais également l’emploi du futur proche ;
du présent à valeur de futur ;
ainsi que des impératifs, souligne son rôle d’organisateur et de metteur en scène.
L’action est donc le maître mot de Figaro.
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