Les nouvelles figures de la rhétorique

Sémiotique de la communication : la voix et l’image

  • La parole s’étudie aujourd’hui sous l’angle de la sémiologie (sciences des signes).
  • La sémiotique est l’analyse de phénomènes à travers les signes qu’ils représentent ou laissent apparaître (cf. un mouvement du bras qui signifie « viens »).
  • La sémiologie est donc l’étude des signes qui se voient, mais aussi des signes qui s’entendent.
  • À notre époque, la parole dispose de dispositifs de diffusions ; alors qu’avant l’invention de l’appareil photo ou de la caméra il fallait se trouver devant la personne ou l’œuvre d’art pour l’entendre et la voir.
  • À ce titre, l’examen d’un nouvel art de la parole ne peut se passer d’une analyse philosophique de la parole contemporaine.
  • Roland Barthes notamment s’est attaché à comprendre les caractéristiques des nouvelles figures de la rhétorique.
  • Dans Éléments de sémiologie, il établit une nouvelle différence entre « Parole » et « Langue ».

La langue

  • La Langue fait référence à un système de valeurs partagé et imposé : elle est déjà là.
  • Ainsi, l’individu ne la crée pas et en fait un usage conformiste.
  • C’est pourquoi, au sein d’une même nation ou d’un groupe particulier, la langue parlée est stéréotypée et constitue un code de reconnaissance.
  • Il faut en apprendre à la fois les règles et les règles d’usage.

La Parole

  • La Parole est l’expression personnelle par l’appropriation personnelle de la Langue.
  • Pour Barthes le sujet parlant a la capacité de combiner les mots pour exprimer sa pensée.
  • Il ne s’agit pas d’un système, comme pour la Langue, mais d’un « acte individuel ».
  • « La Langue, c’est donc, si l’on veut, le langage moins la Parole. »

L’art de la parole publique et médiatique

  • Aujourd’hui, l’art de la parole s’inscrit principalement dans la sphère politique.
  • En 2013, Christiane Taubira a prononcé un discours devenu célèbre dans le cadre de la présentation du projet de loi relatif au mariage homosexuel.
  • Ce discours utilise les éléments d’une rhétorique traditionnelle qui se double d’une rhétorique moderne et personnelle.
  • Il est caractéristique du concept de « Parole » revisité par Barthes, puisque Christiane Taubira s’approprie la tradition rhétorique et la renouvelle.

Reprises d’éléments de la rhétorique traditionnelle (ethos et logos)

  • L’oratrice utilise :
  • un discours délibératif pour exhorter les détracteurs du projet de loi à revenir sur leur position ;
  • un discours judiciaire pour défendre une cause familiale et sociale ;
  • la péroraison (une synthèse conclusive qui cherche à emporter l’adhésion par un ton enlevé).

Nouvelles formes de la rhétorique

  • Plusieurs éléments en relèvent :
  • l’orateur est une oratrice ;
  • la voix est sonorisée (microphone) ;
  • le discours est filmé, très largement diffusé et surtout médiatisé.
  • Ainsi, si le fond est nouveau – puisqu’il est lié à la problématique d’une époque – dans la forme, les moyens de la rhétorique n’ont guère changé.

Désastre de la parole politique : le contre-exemple d’un art

  • Certains discours politiques sont désastreux dans leurs effets.
  • Dans l’ordre de l’inventio le discours nazi repose sur nombre d’arguments et de concepts utilisés de façon fallacieuse comme celui de Lebensraum (espace vital).
  • Ces arguments et ces concepts sont utilisés pour « justifier » la doctrine nazie.
  • Dans le discours d’Hitler la manifestation du pathos s’accompagne de plusieurs outils oratoires :
  • l’éloquence du corps (il se frappe le cœur, serre les poings) ;
  • il module sa voix (il la fait criarde, effrayante, puis la radoucit soudainement).
  • Chaplin reprendra ce discours pour en faire une parodie dans Le Dictateur (1940).
  • Il singe le pathos tout en simulant la langue allemande et ses accents.
  • Il propose ainsi une pure exhibition des sentiments, des effets gestuels et des intonations d’une parole qui n’est persuasive que par la seule forme de son discours.
  • Plus généralement même, la parodie de Chaplin est une parodie grotesque de l’« art » de l’éloquence dans ce qu’elle peut avoir de théâtrale et de caricaturale.