Les politiques de lutte contre le chômage

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Introduction :

Le chômage est aujourd’hui au cœur des préoccupations des économies modernes et contraint les États à mobiliser les instruments les plus divers pour l’enrayer.
Comme nous l’avons vu précédemment dans le cours intitulé « Définir et mesurer le chômage », il n’existe pas une, mais plusieurs formes de chômage et les spécificités propres à chacune d’elles influeront sur le choix de la politique de l’emploi la plus adaptée.

Afin d’étudier la façon dont les économies luttent contre le chômage, nous analyserons dans un premier temps quelles sont les solutions proposées par les classiques qui prônent notamment un allègement du coût du travail ; puis nous examinerons, dans un deuxième temps, les réponses apportées par les keynésiens, favorables à une politique de relance de la demande pour enrayer le chômage. Enfin, nous verrons comment la flexibilisation apparaît aujourd’hui comme la solution privilégiée pour réduire une partie du chômage structurel. Et ce même si elle s’avère souvent insuffisante pour anticiper l’évolution de l’emploi, et peut contribuer à fragiliser l’intégration sociale des plus fragiles.

Les politiques d’allégement du coût du travail pour lutter contre le chômage classique

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Définition

Chômage classique :

Le chômage classique est dû à un coût du travail trop élevé qui réduit la rentabilité de la production. Les entreprises jugeant qu’il n’y a pas suffisamment d’avantage à produire (la rentabilité étant faible), ils font le choix de produire moins, réduisant les besoins en main-d’œuvre et augmentant ainsi le chômage.

Les causes du chômage classique et les solutions préconisées par les classiques

Pour les classiques, le chômage trouve sa principale cause dans le coût du travail, qu’ils jugent trop élevé : de fait, les travailleur·se·s les moins qualifié·e·s (dont la productivité marginale est moins élevée que le coût du travail) seront jugé·e·s trop cher·e·s et auront du mal à se faire embaucher.
De même, le salaire minimum ou les cotisations sociales trop élevées, en alourdissant le coût du travail, seraient de nature à dissuader les entreprises de recruter. Les classiques estiment que, en France notamment, le salaire minimum (Smic) est supérieur au niveau du salaire d’équilibre : dès lors, le coût du travail étant trop élevé, les employeur·se·s n’ont plus suffisamment d’avantage à produire (puisque leurs bénéfices décroissent) et préfèrent ne plus embaucher.

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Définition

Salaire d’équilibre :

Pour les classiques, le salaire d’équilibre (ou prix d’équilibre) est celui pour lequel l’offre et la demande sont égales. Il permet à l’offre de travail (les demandeur·se·s) et à la demande de travail (les employeur·se·s) de s’équilibrer : il n’y a donc pas de chômage.

Les classiques expliquent qu’il existe une rigidité des salaires à la baisse (qui s’entend comme une difficulté à baisser le niveau des salaires du fait des mesures mises en place par l’État ou de la pression des syndicats par exemple) qui conduit à une offre de travail supérieure à la demande et donc à un accroissement du chômage.

La rigidité à la baisse du taux de salaire

  • Comme le montre le schéma ci-dessus, le salaire d’équilibre désigne le point d’équilibre entre l’offre et la demande de travail : pour les classiques, ce salaire d’équilibre étant inférieur au salaire minimum dont bénéficient les travailleur·se·s les moins qualifiés, il dissuade les entreprises de recruter ces travailleur·se·s et génère donc du chômage.
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À retenir

Dans l’analyse néoclassique le niveau d’emploi dépend du salaire versé puisque celui-ci détermine l’offre et la demande de travail. Si le salaire versé correspond au salaire d’équilibre on est en situation de plein emploi : les seul·e·s chômeur·se·s sont alors des chômeur·se·s « volontaires » qui ne souhaitent pas travailler pour le salaire proposé.

Mais, dans cette analyse, si le salaire versé est supérieur au salaire d’équilibre (du fait de l’existence d’un salaire minimum ou d’un salaire d’efficience par exemple) il va exister un chômage dû à un excès d’offre de travail et une insuffisance de demande de travail.

Pour réduire le chômage, les classiques préconisent :

  • une baisse du coût du travail notamment pour les travailleur·se·s les moins qualifié·e·s de manière à inciter les entreprises à augmenter leur niveau d’emploi ;
  • une diminution des charges sociales ;
  • une limitation des politiques passives de l’emploi, qui dissuadent les chômeur·se·s de reprendre un emploi si le salaire proposé leur semble insuffisant.

Les mesures mises en œuvre par l’État pour lutter contre le chômage classique

De manière à lutter contre ce chômage de type classique, l’État peut mettre en place des politiques de l’emploi notamment destinées à lutter contre le coût du travail et à encourager les entreprises à recruter les travailleur·se·s les moins qualifié·e·s.
Ces mesures peuvent être actives ou passives :

  • les politiques actives cherchent à accroître le niveau de l’emploi dans l’économie ;
  • les politiques passives apportent une aide financière aux sans-emplois.
  • Politiques passives
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À retenir

Les politiques passives n’ont pas pour objectif l’augmentation du niveau de l’emploi, elles sont un traitement social des conséquences de la perte d’emploi.

Parmi les mesures passives, on peut citer :

  • les aides sociales ;
  • les dispositifs censés favoriser le retour à l’emploi ;
  • les allocations chômage.
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Rappel

L’ARE (allocation d’aide au retour à l’emploi, plus communément appelée « allocation chômage ») est calculée sur la base des cotisations au cours de la dernière période d’emploi.

  • Politiques actives

L’État peut également mettre en place des politiques actives du travail : ces mesures cherchent à contrebalancer la réglementation du marché du travail.
Parmi les mesures actives mises en œuvre en France, on pourra notamment citer :

  • les allègements généraux de cotisations sociales ou d’impôts en faveur des bas salaires ou des heures supplémentaires ;
  • les incitations financières à l’emploi (exonération de certaines charges) ;
  • l’exonération de cotisations sociales ou fiscales en faveur de certaines zones géographiques (zones franches urbaines, zones urbaines sensibles) pour inciter les entreprises à s’y implanter et à embaucher ;
  • l’exonération de cotisations sociales ou fiscales en faveur de certains secteurs (services à la personne, hôtellerie et restauration) ;
  • la mise en place de formations professionnelles pour assurer une meilleure employabilité des travailleur·se·s et permettre de faire face aux mutations du marché.

Parmi toutes ces mesures, la plus significative reste celle consistant à alléger le coût du travail des moins qualifié·e·s pour favoriser leur embauche : des dispositifs généraux sont mis en place visant à réduire le coût du travail pour certains secteurs ou certaines catégories de salarié·e·s, avec des allégements de cotisations patronales sur les bas salaires.

Efficacité des mesures étatiques de lutte contre le chômage classique ?

Cependant, on peut légitimement s’interroger sur l’efficacité de ces mesures : contribuent-elles véritablement à diminuer le chômage ? Constituent-elles un levier efficace pour inciter les entreprises à embaucher, notamment du personnel peu qualifié ?

Comme le montre le schéma ci-dessous, la baisse du chômage obtenue est minime en comparaison du montant des exonérations de cotisations sociales accordées, d’autant plus que cette baisse du coût du travail entraîne une baisse des charges sociales et donc des recettes pour les administrations de Sécurité sociale.

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Astuce

Remarque :

Les économistes sont de plus en plus nombreux à douter de ces politiques destinées à l’origine à favoriser l’emploi des moins qualifiés, alors que le niveau de qualification est en hausse constante.

Impact des exonérations de cotisations sociales sur le PIB (France)

  • Le schéma ci-dessus montre que les exonérations s’avèrent peu efficaces pour endiguer le chômage : outre les coûts qu’elles génèrent, leur impact sur le taux de chômage demeure infime et ses effets limités.

Nous allons à présent voir que, en opposition à la vision classique, les keynésiens proposent de soutenir la demande pour lutter contre le chômage : voyons plus en détail en quoi consistent les préceptes de cette théorie keynésienne.

Les politiques de soutien de la demande pour lutter contre le chômage keynésien

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Définition

Chômage keynésien :

Le chômage keynésien est un chômage dû à une insuffisance de la demande anticipée sur le marché des biens et services.

Les causes du chômage keynésien et les solutions préconisées par les keynésiens

Contrairement à ce que soutiennent les classiques, un salaire trop élevé n’est pas pour Keynes à l’origine d’une hausse du chômage, puisque le salaire versé aux travailleur·se·s leur permet de consommer, entraînant une production plus élevée (puisque la demande croît) de la part des entreprises qui doivent, de fait, embaucher pour assurer cette production.

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À retenir

Les keynésiens estiment qu’il suffit de stimuler la demande et de relancer les investissements pour relancer la demande, la production et l’emploi.

keynésiens politique de relance lutte contre le chômage hausse de la demande anticipée hausse de la consommation et de l’investissement Solutions préconisées par les keynésien

Ce mécanisme est illustré par le schéma ci-dessus : on voit le lien qu’établit Keynes entre la demande anticipée qui, selon son évolution, va déterminer le niveau de production (plus ou moins importante selon que la demande anticipée est élevée) à réaliser et donc le niveau de main-d’œuvre à embaucher, contribuant de fait à réduire le chômage.

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Définition

Demande anticipée :

Il s’agit de la demande que les entreprises anticipent et à laquelle elles pensent être confrontées dans le futur. En d’autres termes, c’est une estimation de la production à venir, sur laquelle les entreprises se basent pour déterminer leur niveau de production.

  • Si la demande anticipée est importante, il faudra produire en quantité et donc embaucher de la main-d’œuvre : le chômage diminuera.
  • À l’inverse, si la demande anticipée est estimée faible par les entreprises, ces dernières produiront et embaucheront moins de main-d’œuvre : le chômage augmentera.
  • Pour Keynes, le chômage involontaire s’explique donc avant tout par une insuffisance de la demande anticipée : le niveau du salaire n’influe donc pas sur le chômage et ce sont les entreprises qui, selon l’estimation qu’elles font de la demande future vont ou non embaucher et influer sur ce niveau de chômage.

Le marché ne pouvant s’autoréguler, il est donc indispensable que l’État intervienne pour soutenir cette demande et mettre en œuvre des politiques pour l’emploi permettant de lutter contre le chômage et de maintenir les emplois.

La nécessaire intervention de l’État pour lutter contre le chômage keynésien

En analysant le chômage de masse survenu dans les années 1930, Keynes a montré que le marché du travail ne parvenait pas automatiquement à l’équilibre : pour ce faire, il est nécessaire que l’État intervienne au travers de politiques pour l’emploi.

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Définition

Politiques pour l'emploi :

Ensemble des mesures prises par les pouvoirs publics dont l'objectif est d'inciter à la création d'emplois et de sauvegarder les emplois existants, tout en favorisant la rencontre entre les offres et les demandes d'emploi.

Pour Keynes, c’est à l’État qu’il revient de relancer l’économie. Pour ce faire, il dispose de plusieurs leviers d’action :

  • relancer l’investissement en augmentant de manière significative les investissements publics ;
  • relancer la consommation en procédant à une redistribution des revenus avantageant les ménages les plus modestes (notamment au travers des aides sociales) qui présentent une propension à consommer plus importante ;
  • créer des emplois (publics notamment) ;
  • opter pour une politique de relance budgétaire, en baissant par exemple les taux d’intérêt.

Selon Keynes, ces différentes mesures en faveur de l’emploi vont se traduire par des embauches supplémentaires, du fait à la fois des mesures économiques mises en œuvre et des anticipations optimistes des agents (pouvoir de consommation accru, accès aux aides sociales).

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Astuce

Remarque :

Bon nombre de pays de l’OCDE ont opté, afin de pallier les effets de la crise économique de 2008, pour des plans de relance avec des résultats divers : tout d’abord parce que ces politiques pour l’emploi représentent un coût important et que leur financement s’avère problématique, mais surtout parce qu’en période de récession, les recettes de l’État s’amenuisent en même temps que ses dépenses augmentent, contribuant à creuser un peu plus encore le déficit.

Il apparaît aujourd’hui indispensable de favoriser des politiques de l’emploi moins coûteuses et les économies modernes optent aujourd’hui pour une flexibilisation du marché du travail pour lutter contre le chômage.

La flexibilisation, une solution pour lutter contre le chômage structurel ?

Comme nous l’avons vu dans les deux développements précédents, ni la baisse du coût du travail préconisée par les classiques ni les mesures de soutien de la demande initiées par Keynes ne semblent véritablement efficaces pour lutter contre le chômage, d’autant plus que certaines s’avèrent coûteuses et contribuent à creuser le déficit.
Pourtant, aujourd’hui, la totalité des économies doit faire face au fléau du chômage. Elles se voient contraintes de mettre en œuvre d’autres mesures pour y remédier, notamment en favorisant une plus grande flexibilité sur le marché du travail afin de le fluidifier.

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Définition

Flexibilité :

La flexibilité désigne un mode d’organisation plus souple des moyens de production d’une entreprise, lui permettant de s’adapter plus rapidement aux évolutions du marché du travail. Cette flexibilité permet notamment de faire varier le volume de main-d’œuvre, mais aussi le temps de travail annuel des salarié·e·s selon les besoins de l’entreprise. Elle permet aussi le changement de poste grâce une plus grande polyvalence acquise par le biais de formations.

Ainsi, la flexibilité est perçue comme une composante de la réactivité industrielle et peut prendre différents aspects, selon qu’elle concerne la flexibilité de l’outil de travail (des machines notamment), la rémunération ou la polyvalence du personnel.
Pour distinguer ces différentes formes de flexibilité, on parle de flexibilité interne et de flexibilité externe.

Flexibilité interne

La flexibilité interne peut s’exprimer au travers de différentes mesures, permettant notamment de :

  • Faire varier le temps de travail du·de la salarié·e en fonction des besoins de l’entreprise.
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Exemple

Un·e fabricant·e de chocolat effectuera plus d’heures durant les périodes de forte demande (Noël, Pâques) et aura un emploi du temps allégé pendant les périodes creuses.

  • Cette variation se traduit par des périodes de travail irrégulières qui peuvent s’avérer préjudiciables pour le·la travailleur·se.
  • Recourir aux heures supplémentaires pour faire face à un accroissement d’activité, cette solution présentant l’inconvénient de limiter les possibilités d’embauche.
  • Rendre le·la salarié·e polyvalent·e, notamment en lui faisant effectuer des tâches différentes selon les besoins.

Flexibilité externe

La flexibilité externe va, quant à elle, consister à recourir à des contrats précaires et à des licenciements pour s’adapter aux évolutions des entreprises.

Elle donne notamment la possibilité aux entreprises de :

  • Faire varier les effectifs de l’entreprise en favorisant les contrats précaires (CDD, temps partiel, intérim) au détriment des contrats permanents (CDI).
  • Recourir aux licenciements.
  • Externaliser ou sous-traiter une partie de la production en la confiant à d’autres entreprises, qui auront à charge de gérer la variation des besoins en main-d’œuvre

Avantages et inconvénients de la flexibilité

Néanmoins, si les avantages de cette flexibilité sont indiscutables pour l’employeur·se, il n’en va pas de même pour les salarié·e·s qui, comme le montre le tableau ci-dessous, en subissent les conséquences et se trouvent exposé·e·s à un risque d’exclusion sociale accru.

avantages

inconvénients

employeur·se

  • accroissement de la productivité au travail
  • baisse des coûts de production
  • création d’emplois (même si précaires)
  • facilité de recrutement
  • coût des licenciements économisé
  • recours massif aux contrats précaires : turn-over important, difficulté à fidéliser les salarié·e·s
  • salarié·e·s
  • plus grande polyvalence acquise (car intervention sur différents postes selon les besoins)
  • permet aux moins qualifié·e·s de renouer avec l’emploi
  • risques de précarité accrus (emplois CDD, intérim)
  • implication moindre (car statut précaire)
  • capacités à consommer et à épargner moindres
  • modification de la condition salariale (le CDI n’est plus la norme)
  • fragilisation des femmes et des jeunes
  • difficulté de gestion du temps de travail
  • La flexibilité permet de tendre vers un marché du travail plus fluide grâce à un ajustement plus rapide entre la demande et l’offre du travail, tout en améliorant la compétitivité des entreprises.

    • Elle trouve son inspiration dans les théories libérales (ou « classiques ») qui privilégient la fluidité du marché au détriment des politiques de la demande (qui elles sont plutôt en faveur des ménages).
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    Attention

    Pour autant, cette flexibilité requiert une adaptation constante des salarié·e·s qui voient leur volume de travail varier en fonction des besoins de l’entreprise et se trouvent maintenu·e·s dans un état de précarité du fait de leur contrat de travail (CDD, intérim).

    Conclusion :

    Les politiques de lutte contre le chômage sont diverses et agissent sur différents leviers de l’économie, selon qu’elles privilégient la baisse du coût du travail (classiques) ou qu’elles mettent en avant la relance par la demande (keynésiens) : pourtant, l’un comme l’autre ont montré leurs limites et ont conduit les économies modernes à favoriser aujourd’hui la flexibilité.
    Cependant, cette flexibilité, si elle n’est pas strictement encadrée et n’offre pas en contrepartie un volet plus « social » (flexisécurité) protégeant les salarié·e·s (avec notamment des indemnités chômage plus importantes), s’avère incapable d’endiguer le chômage et participe à l’exclusion des travailleur·se·s les plus précaires.