Les Cahiers de Douai
Un adolescent troublé dans un pays en crise
Un adolescent troublé dans un pays en crise
- Rimbaud est influencé par le romantisme, principalement par Victor Hugo, qu’il lit beaucoup. II y pioche le goût des contrastes, l’art de la parodie drolatique, mais encore le courage de la dénonciation et de l’engagement politique. Il est aussi influencé par le réalisme, popularisé par le peintre Gustave Courbet.
- Il trouvera chez Baudelaire, qu’il admire, la plus parfaite fusion à ses yeux du Parnasse, du romantisme et du réalisme. Il voit dans les Fleurs du mal un modèle à dépasser.
→ Attention, Rimbaud est certes influencé par le réalisme et le romantisme, mais il n’hésite pas à les critiquer fortement.
- La poésie de Rimbaud rend compte de son instabilité et de celle de son époque.
- On peut voir dans le poème « Morts de Quatre-vingt-douze… » écrit en août 1870 dans la prison de Mazas que Rimbaud mêle sa vie et l’Histoire dans ses poèmes.
→ Le recueil revêt donc une part fortement autobiographique, même s’il vise aussi à exprimer l’universalité de l’appel ressenti par un jeune homme, et qui le pousse à découvrir le monde entier.
- Rimbaud se dépeint pris dans un mouvement perpétuel (« Rêvé pour l’hiver », « Sensation ») toujours en promenade, errant. On peut imaginer que cela est dû au fait qu’il ne peut se rendre à Paris à la première tentative.
- À partir de 1871, Verlaine permet à Rimbaud de passer ses plus longs séjours à Paris. Leur relation marque durablement l’histoire de la littérature puisqu’elle les conduit à produire des formes poétiques neuves (privilège du vers court, du rythme impair, de la musicalité, du lyrisme universel et non subjectif, etc.).
- Pour certains, ces expérimentations en font des précurseurs du mouvement symboliste, voire, en ce qui concerne Rimbaud, pour le poète André Breton, du surréalisme (qui ne naît que dans les années 1920).
- Au moment d’écrire les poèmes des Cahiers de Douai, Rimbaud est donc encore très attaché à ses influences littéraires puisqu’il les rédige avant 1871. La versification reste classique, et il écrit principalement des sonnets. Mais les provocations lexicales et l’ancrage politique et universaliste des thèmes en font déjà des poèmes de l’émancipation.
Des cahiers en quête d’unité
Des cahiers en quête d’unité
- Rimbaud n’avait pas une vision d’ensemble sur sa création. Son imagination est autant en mouvement que son corps. Ses voyages incessants et son impatience à vivre intensément l’empêchent de bâtir une œuvre cohérente et structurée (hormis Une Saison en enfer).
- Le poète n’a jamais donné de nom au regroupement de textes des Cahiers de Douai et qui désigne sa production antérieure à la Saison en enfer, écrite avant l’été 1870, terminée en septembre et octobre 1870 chez son professeur Georges Izambard, à Douai puis confiée à un poète également éditeur, Paul Demeny.
- Deux ensembles se distinguent pour créer un ordre de publication de ces cahiers :
- quinze poèmes allant des « Réparties de Nina » à « Soleil et chair » qui ne présente pas d’unité formelle ou thématique particulière ;
- un deuxième ensemble allant du « Dormeur du val » à « Ma bohème », constitué exclusivement de sonnets qui évoquent tous la fuite et le vagabondage.
→ L’unité de ces poèmes écrits principalement avant les seize ans de Rimbaud n’est pas à chercher dans la composition du recueil lui-même, ni dans la forme des textes, mais plutôt dans des thèmes fédérateurs : l’errance, la sensation, la révolte, la mythologie, la sexualité.
- Les femmes sont présentes dans tout le recueil. Le « je » est surtout intéressé par le jeu de la séduction et de la sensualité, les frémissements de la rencontre, les débuts de la relation amoureuse.
- Ce sont les premiers émois, ceux de l’enfance ou de l’adolescence, qui sont racontés ici. Le frémissement du désir compte davantage que son accomplissement. Dès lors, la nature elle-même peut être source de sensualité.
- Pour autant, la voix qui s’exprime dans les Cahiers de Douai n’est pas entièrement repliée sur elle-même. Elle regarde en direction de la société pour l’attaquer vertement. Le contraste entre lyrisme et engagement politique est constant. Son antimilitarisme va de pair avec son anticléricalisme qui révèle sa perception aiguë des différences sociales.
- La carrière de poète de Rimbaud fut très brève, mais il a pu présenter brièvement la façon dont il conçoit la création poétique. En substance, il cherche à articuler ses sensations personnelles avec ses idées sur la société. Il s’agit de devenir voyant par un « dérèglement de tous les sens ». Le poète doit chercher à aller si loin en lui-même qu’il parvient à toucher « l’inconnu ».
→ Rimbaud ne développe pas cette figure du poète voyant au moment de la rédaction des poèmes des Cahiers de Douai, mais plusieurs mois plus tard. Il faut considérer cet ensemble comme une ébauche, une étape par laquelle doit passer Rimbaud pour mieux comprendre sa propre poésie ainsi que lui-même.