Benjamin Constant publie Adolphe en 1816. À l’instar du Cahier rouge, publié de façon posthume, Adolphe est un récit semi-autobiographique. C’est l’une des rares œuvres de fiction de Benjamin Constant, que l’on connaît surtout pour ses essais de philosophie politique et son abondante correspondance, notamment avec Mme de Staël.
On peut considérer Adolphe comme une œuvre appartenant à la première génération du romantisme. Le personnage masculin, qui partage des traits de caractère avec l’auteur, est un homme jeune mais déjà désabusé, qui n’est pas sans rappeler Raphaël dans La Peau de chagrin de Balzac. Le personnage féminin est une trentenaire prête à tout sacrifier pour sa passion amoureuse. L’idée de fatalité est également très présente dans ce court roman.
Mais Adolphe est avant tout un roman psychologique, qui explore les nuances et les subtilités des sentiments humains, tout en suivant une trame tragique.
En 2002, le film a fait l’objet d’une adaptation par Benoît Jacquot, avec Isabelle Adjani et Stanislas Merhar.
Adolphe : Jeune homme de vingt-deux ans au début du récit, il éprouve déjà une certaine lassitude vis-à-vis de l’existence, et s’aperçoit qu’il a le désir d’aimer et d’être aimé. C’est dans cet état d’esprit qu’il fait la connaissance et tombe amoureux d’Ellénore. Ellénore : Fille d’un noble polonais, orpheline de mère et exilée en France, est une femme idéaliste et profondément désintéressée. Au début du roman, elle entretient une liaison avec un comte qu’elle a refusé de quitter malgré ses revers de fortune, et en a deux enfants. M. de T*** : Personnage, très peu décrit, qui intervient à la fin du roman, permettant de dénouer l’intrigue. Ami du père d’Adolphe, il tente de ramener le jeune homme à la raison.
L’amour : Adolphe est avant tout une histoire d’amour tragique. L’originalité du livre réside dans le fait que la fatalité qui préside au destin des deux amants ne provient pas des circonstances extérieures, mais uniquement de leurs contradictions et tourments intérieurs. Adolphe est en effet un roman entièrement psychologique, reposant sur les émotions et le vécu intérieur des personnages, bien davantage que sur les événements et les rebondissements de l’intrigue. Le devoir : À l’opposé d’Ellénore qui aime sans conditions et sans limites, Adolphe se contraint à l’aimer, et ne reste auprès d’elle que par devoir. Devoir qu’il éprouve aussi à l’égard de son père, et déchiré, il se retrouve plongé dans un profond malheur, que seul son sens de l’honneur fait perdurer.
Le roman raconte l’histoire d’amour tragique entre Adolphe et Ellénore, la jeune femme qu’il séduit alors qu’elle est l’amante et la protégée d’un comte. Leur amour interdit les isole du reste du monde et Adolphe se contraint à rester avec son amante par un sentiment de responsabilité et de devoir, même lorsqu’il a cessé de l’aimer. Ellénore finit par le découvrir et se laisse dépérir jusqu’à la mort.
Chapitre 1
Chapitre 1
Ce premier chapitre permet d’introduire le personnage du narrateur, Adolphe. Le jeune homme vient de terminer ses études et s’installe dans une petite ville en Allemagne. Il décrit son caractère secret et solitaire, porté sur l’ironie.
« Je ne me trouvais à mon aise que tout seul, et tel est même à présent l’effet de cette disposition d’âme que, dans les circonstances les moins importantes, quand je dois choisir entre deux partis, la figure humaine me trouble, et mon mouvement naturel est de la fuir pour délibérer en paix. Je n’avais point cependant la profondeur d’égoïsme qu’un tel caractère paraît annoncer : tout en ne m’intéressant qu’à moi, je m’intéressais faiblement à moi-même. »
Chapitre 2
Chapitre 2
Adolphe s’aperçoit qu’il a le désir de tomber amoureux et d’être aimé en retour, et fait la connaissance d’Ellénore, qu’il trouve intéressante et même fascinante. Il commence à la fréquenter régulièrement et décide de la séduire, essentiellement par amour-propre. Il lui écrit alors une lettre enflammée, mais Ellénore estime que ces sentiments ne sont qu’une passade de jeune homme (elle est de huit ans son aînée). Ce refus entraîne des sentiments qui surprennent le jeune homme par leur violence.
Chapitre 3
Chapitre 3
Après avoir revu Ellénore, Adolphe est maintenant convaincu d’être amoureux d’elle. Il plaide sa cause auprès d’elle, la suppliant de lui accorder son amitié. Ellénore finit par accepter sous certaines conditions, et notamment qu’il ne lui parle plus d’amour. Mais les bonnes résolutions ne durent pas, et Ellénore finit par avouer éprouver les mêmes sentiments.
Chapitre 4
Chapitre 4
Ellénore et Adolphe développent une relation exclusive, passionnelle et fusionnelle qui les éloigne du monde et de leur vie sociale. Adolphe éprouve de plus en plus de culpabilité à l’idée de la laisser seule, il craint plus que tout de la blesser. Persuadé que leur liaison ne pourra pas durer en raison des circonstances de leurs vies respectives, Adolphe ne songe qu’à profiter de ce qu’il considère comme une parenthèse enchantée. Ellénore, quant à elle, a l’intuition d’un dénouement tragique.
« Je ne sais quel pressentiment me dit, Adolphe, que je mourrai dans vos bras. »
Adolphe reçoit une lettre de son père qui lui demande de revenir, mais obtient un nouveau délai. Le jeune homme n’est pas satisfait pour autant : il culpabilise de mettre en danger la réputation d’Ellénore et de se montrer ingrat envers son père.
« Je ne fais que du mal à Ellénore ; mon sentiment, tel qu’il est, ne peut la satisfaire. Je me sacrifie pour elle sans fruit pour son bonheur ; et moi, je vis ici sans utilité, sans indépendance, n’ayant pas un instant de libre, ne pouvant respirer une heure en paix. »
Ellénore prend la décision de rompre avec le comte, quitte à abandonner ses enfants, et Adolphe lui fait des promesses de fidélité éternelle.
Chapitre 5
Chapitre 5
La réputation d’Ellénore est irrémédiablement ternie par sa décision, ce qui isole encore davantage les deux amants. Adolphe est toujours convaincu que leur liaison est vouée à l’échec.
« La difficulté de la situation, la certitude d’un avenir qui devait nous séparer ; peut-être je ne sais quelle révolte contre un lien qu’il m’était impossible de briser, me dévoraient intérieurement. »
Au bout de six mois, Adolphe part rejoindre son père, comme promis. Il retrouve son indépendance avec un certain soulagement, et s’aperçoit qu’il préférerait ne plus revoir Ellénore, mais il n’ose pas le lui dire, après les promesses qu’il lui a faites. Ellénore finit par lui rendre visite, et ils se disputent violemment. Aussitôt séparés, Adolphe est dévoré par la culpabilité. Son père l’informe qu’il a pris des mesures pour faire quitter la ville à Ellénore. Il décide alors de s’enfuir avec elle, mais son amante n’est pas dupe :
« Adolphe, me dit-elle, vous vous trompez sur vous-même ; vous êtes généreux, vous vous dévouez à moi parce que je suis persécutée ; vous croyez avoir de l’amour, et vous n’avez que de la pitié. »
Le jeune homme refuse cependant de voir la vérité en face.
Chapitre 6
Chapitre 6
Adolphe reçoit une lettre de son père, qui respecte sa liberté de décision mais lui conseille de mettre fin à cette folie.
« Songez que l’on ne gagne rien à prolonger une situation dont on rougit. Vous consumez inutilement les plus belles années de votre jeunesse, et cette perte est irréparable. »
Adolphe sait qu’il a raison, mais il ne peut revenir sur sa décision : il se sent responsable d’Ellénore. Celle-ci reçoit une lettre de son ancien amant, le comte, qui lui offre de retourner chez lui, ce qu’elle refuse, mais Adolphe y voit une échappatoire et tente de la convaincre de revenir sur sa décision. Le chagrin d’Ellénore, une fois de plus, a raison de ses résolutions, mais la jeune femme a désormais conscience que l’amour d’Adolphe est factice.
Ils partent tous deux en Pologne, où le père d’Ellénore les attend.
Chapitre 7
Chapitre 7
Le père d’Adolphe le recommande au baron de Txxx, en espérant que ce dernier lui prodigue de bons conseils. Le baron parle en effet à Adolphe avec beaucoup d’honnêteté et de bienveillance, mais le jeune homme demeure sur ses positions.
« Tant qu’elle aura besoin de moi, je resterai près d’elle. Aucun succès ne me consolerait de la laisser malheureuse ; et dussé-je borner ma carrière à lui servir d’appui, à la soutenir dans ses peines, à l’entourer de mon affection contre l’injustice d’une opinion qui la méconnaît, je croirais encore n’avoir pas employé ma vie inutilement. »
Et cependant, sitôt ses mots prononcés, Adolphe est de nouveau gagné par le doute.
Chapitre 8
Chapitre 8
L’humeur d’Adolphe s’assombrit de plus en plus, ce qui inquiète Ellénore. Adolphe se confie à l’une de ses amies qui l’écoute avec bienveillance, et trouve enfin le courage d’avouer l’inavouable : il n’aime plus Ellénore.
Ellénore s’ouvre de nouveau à la vie sociale, sur fond de querelles d’héritage. Certaines de ses fréquentations prennent parti pour elle et contre Adolphe. Elle commence à changer d’attitude, entrant dans un jeu de séduction avec ses nombreux prétendants. Adolphe pense y voir une nouvelle possibilité pour lui d’échapper à cette vie malheureuse en la quittant. Ellénore est furieuse de le voir aussi peu jaloux. L’indifférence d’Adolphe passe pour de l’immoralité aux yeux de la société, qui ne comprend pas sa relation avec Ellénore. Celle-ci décide de s’isoler à nouveau, ce qui ne fait que compliquer leurs relations et les rendre plus malheureux encore.
Chapitre 9
Chapitre 9
Adolphe recommence à fréquenter le baron de Txxx après une longue absence. Il trompe à la fois Ellénore car elle ignore que le baron veut l’éloigner d’elle, et le baron, à qui il laisse croire qu’il est prêt à la quitter.
« Cette duplicité était fort éloignée de mon caractère naturel ; mais l’homme se déprave dès qu’il a dans le cœur une seule pensée qu’il est constamment forcé de dissimuler. »
Un soir, il annonce au baron qu’il s’engage à quitter Ellénore dans les trois jours. Les deux jours suivants, il se débat dans son tourment, terrifié à l’idée de concrétiser sa résolution. Une fois de plus, il repousse l’inévitable.
Chapitre 10
Chapitre 10
Triste mais serein, Adolphe essaie de préparer Ellénore à la rupture par une tendresse renouvelée. Celle-ci tombe brusquement malade et refuse de le voir. Adolphe apprend qu’elle a reçu la veille une lettre de Varsovie. C’est le baron qui lui a écrit, en lui joignant la lettre d’Adolphe qui annonçait son intention de rompre. Elle l’assure qu’elle ne lui en veut pas et sous-entend qu’il ne lui reste guère de temps à vivre. Et en effet, Ellénore s’affaiblit de jour en jour. Elle lui fait promettre de ne jamais lire une lettre qu’elle lui a écrite et qui se trouve dans ses papiers. Après sa mort, Adolphe ne peut s’empêcher de la lire. C’est une lettre amère et chargée de reproches, sur laquelle le roman se termine.
« Faut-il donc que je meure, Adolphe ? Eh bien, vous serez content ; elle mourra, cette pauvre créature que vous avez protégée, mais que vous frappez à coups redoublés. Elle mourra, cette importune Ellénore que vous ne pouvez supporter autour de vous, que vous regardez comme un obstacle, pour qui vous ne trouvez pas sur la terre une place qui ne vous fatigue ; elle mourra : vous marcherez seul au milieu de cette foule à laquelle vous êtes impatient de vous mêler ! »
« Les sentiments de l’homme sont confus et mélangés ; ils se composent d’une multitude d’impressions variées qui échappent à l’observation ; et la parole, toujours trop grossière et trop générale, peut bien servir à les désigner, mais ne sert jamais à les définir. »
Chapitre II « On l’examinait avec intérêt et curiosité comme un bel orage. »
Chapitre II « Ellénore et moi nous dissimulions l’un avec l’autre. Elle n’osait me confier des peines, résultat d’un sacrifice qu’elle savait bien que je ne lui avais pas demandé. J’avais accepté ce sacrifice : je n’osais me plaindre d’un malheur que j’avais prévu, et que je n’avais pas eu la force de prévenir. Nous nous taisions donc sur la pensée unique qui nous occupait constamment. Nous nous prodiguions des caresses, nous parlions d’amour ; mais nous parlions d’amour de peur de nous parler d’autre chose. »
Chapitre V« Un seul sentiment ne varia jamais dans le cœur d’Ellénore : ce fut sa tendresse pour moi. Sa faiblesse lui permettait rarement de me parler ; mais elle fixait sur moi ses yeux en silence, et il me semblait alors que ses regards me demandaient la vie que je ne pouvais plus lui donner. »
Chapitre X