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Belle du Seigneur, Albert Cohen
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Fiche de lecture

Contexte

Belle du Seigneur __est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre d’écriture d’Albert Cohen. Ce roman, publié en 1968, est le troisième volet d’une tétralogie : __Solal (1930), Mangeclous (1938), Belle du Seigneur (1968) et Les Valeureux (1969).

Interrompu pendant la Seconde Guerre mondiale, longuement repris et corrigé, ce roman arrive en 1968, à contre-courant des œuvres de l’époque. Il reçoit néanmoins le grand prix du roman de l’Académie française qui félicite son goût pour la langue française et pour l’écriture, et qui consacre ce roman-fleuve dédié à la passion amoureuse tout en détruisant des années de romantisme.

Albert Cohen

1968

Belle du Seigneur

Genre

Roman

Personnages

Ariane d’Auble : Elle est une jeune aristocrate protestante candide et orpheline. Elle a épousé Adrien Deume, un petit bourgeois, qui la sauve du suicide dans sa jeunesse. Elle vit dans un monde imaginaire, solitaire et musicienne, aspirant à devenir écrivain. Son amour pour Solal à qui elle s’abandonne entièrement va la transformer en « Belle du Seigneur ». Elle représente aussi l’aliénation de la condition féminine de son époque (apparence physique, bonnes manières, désir de perfection).

Solal des Solal : Il est né dans une famille juive. Beau, ironique, séducteur, il connaît une grande ascension sociale. Il est riche et devient le responsable hiérarchique d’Adrien Deume. À travers le roman, il évolue d’un statut de « Don Juan » à amoureux passionné d’Ariane (lui qui cherchait à être aimé pour son esprit et non pour son physique) avant d’être un amoureux blessé, destructeur et auto-destructeur. Sur le plan idéologique et politique, Solal est le porte-parole de Cohen.

Mariette : Elle est la domestique d’Ariane. Attachée à sa patronne, elle la suit à la Belle de Mai. Déçue par le comportement double d’Ariane qui la délaisse lorsque Solal est avec eux, lassée de la recherche absurde de perfection des deux amoureux, elle repart à Paris.

Adrien Deume : Il est un jeune fonctionnaire belge à la SDN qui rêve d’ascension sociale. Paresseux, homme de calcul, aimant le luxe, il ne se doute pas d’abord pas de l’amour réciproque de Solal et d’Ariane. Lorsque cette dernière le quitte, prit entre désespoir et volonté de vivre, Adrien tente de se suicider d’un coup de pistolet.

Antoinette et Hippolyte Deume : Un couple à l’ancienne où pourtant la femme domine et l’homme obéit.

Saltiel des Solal : C’est le vieil oncle qui a élevé Solal.

Pinhas des Solal : Nommé aussi Mangeclous, il est avocat et médecin. Obsédé par l’argent, il cherche également les honneurs.

Mattathias des Solal : Dit Mache-Résine, il est un veuf avare et manchot (avec un bras qui se termine par un crochet).

Michaël des Solal : Amateur de femmes, Solal lui fait confiance pour l’enlèvement d’Ariane.

Salomon des Solal : C’est le plus jeune des « Valeureux ».

Thèmes

La critique sociale : Grâce à une ironie sarcastique, Cohen aborde des sujets qu’il érige comme une critique mordante de la société : le conditionnement féminin (manières, apparences, recherche du perfectionnement) ; les mœurs de la SDN (contre les fonctionnaires qui ne voient que carrière et privilèges à défaut de s’occuper bien des dossiers et des gens dont ils sont en charge) ; la vacuité du travail d’Adrien ; la mentalité bien-pensante, flatteuse et ignorante de la bourgeoisie ; l’antisémitisme.

La passion amoureuse : Ariane et Solal sont les représentants de la passion amoureuse mais leur couple connaît l’échec. Le roman aborde la folie amoureuse des débuts, lorsque l’on est ébloui par l’autre (l’ivresse et l’exaltation du sentiment amoureux, la frénésie intérieure). La passion devient déraisonnable et intemporelle. Cependant, le couple, qui recherche la passion idéale, installe un rituel amoureux, ce qui n’amène que l’envers de la passion : l’ennui, les remords, une passion non plus vécue mais mise en scène, l’étouffement, la jalousie, la folie, le huis clos et la mort.

L’antisémitisme : Le roman se fait l’écho du fort antisémitisme qui règne dans les années trente. On trouve des propos antisémites lors des discussions et des réflexions bourgeoises (les conversations de Madame de Sabran), mais aussi dans l’expression du sentiment de supériorité des protestants genevois sur les juifs et par le symbole fort de la perte de situation sociale de Solal. C’est aussi l’affaire Dreyfus et la présence de graffitis douteux sur les murs de Paris. L’antisémitisme s’entend et se lit partout : dans la rue, les cafés et les journaux qui prônent la haine du juif, à travers la montée du nazisme et l’installation du « petit ghetto » de Paris.

Résumé

Belle du Seigneur est le récit d’une passion naissante et fulgurante (mai 1935) qui peu à peu se désagrège entre Solal et Ariane. Aussi belle est l’éclosion de leur amour, aussi morbide en est la chute lorsque l’enfer du couple, l’ennui, et la volonté illusoire de perfection aura eu raison d’eux. Le rêve qu’ils ont essayé d’atteindre s’effondre. Les amants finissent par se suicider en septembre 1936.

L’ouvrage possède cent six chapitres et se compose de sept parties.

Première partie (chapitres 1 à 9)

Le récit commence en Suisse, à Genève, dans les années 30. Les premiers chapitres servent à la mise en place de l’intrigue et dévoilent la naissance de l’amour de Solal envers Ariane. Ébloui par la jeune femme, il s’introduit chez elle pour lui déclarer son amour qu’elle refuse dans un premier temps. Solal décide d’employer des moyens plus vils dont il a pris l’habitude dans sa longue entreprise de séduction des femmes.

Deuxième partie (chapitres 10 à 37)

Le lecteur rencontre les cousins grecs de Solal, les Valeureux, qui arrivent à Genève. Avant le départ d’Adrien en mission pour l’étranger, Solal invite les époux à dîner et confesse son désir de séduire une « Himalayenne » sans qu’Adrien, ne se doute qu’il s’agit là d’Ariane. La conquête d’Ariane par Solal est réussie (bien qu’il soit déçu d’avoir eu à jouer le Don Juan) et une passion fusionnelle commence entre eux.

Troisième partie (chapitres 38 à 52)

Ce moment du récit reflète l’amour à ses débuts et ce bonheur qui submerge les deux amants. Néanmoins, les derniers chapitres de cette troisième partie sont emplis de nostalgie et posent une réflexion sur la fuite du temps et le regrets que l’on rencontre.

Quatrième partie (chapitres 53 à 80)

Deux voix se superposent dans un premier temps : Adrien, impatient de retrouver sa femme et de lui raconter le luxe qu’il a cotoyé, et Ariane, perdue dans l’attente et les souvenirs de son amant. Alors que son mari rentre plus tôt que prévu, aidé des Valeureux, Solal enlève Ariane durant la nuit. Adrien, qui découvre la disparition de sa femme tente de se suicider.

Cinquième partie (chapitres 81 à 91)

Les amants partent dans le sud de la France à la Belle de Mai (une villa) où Mariette les rejoint. Ariane et Solal vivent isolés et prisonniers de leur amour. L’ennui arrive rapidement et Solal perd son poste à la SDN ainsi que sa nationalité française (en tant que juif). Il n’ose pas avouer sa situation à Ariane et annonce qu’il est en congés.

Sixième partie (chapitres 92 à 102)

Solal ne réussit pas, malgré ses tentatives diverses, à récupérer sa nationalité française ni à réintégrer la SDN. Il apprend en même temps qu’Ariane a eu un amant avant lui. Solal ne supporte qu’un autre homme ait pu exister avant lui et sa jalousie devient furieuse et violente.

Septième partie (chapitres 103 à 106)

Il s’agit d’un épilogue qui dévoile les deux amoureux drogués à l’éther. Ils se suicident le 9 septembre 1937 à l’hôtel Ritz de Genève.

Citation

« Solennels parmi les couples sans amour, ils dansaient, d’eux seuls préoccupés, goûtaient l’un à l’autre, soigneux, profonds, perdus. Béate d’être tenue et guidée, elle ignorait le monde, écoutait le bonheur dans ses veines, parfois s’admirant dans les hautes glaces des murs, élégante, émouvante, exceptionnelle, femme aimée, parfois reculant la tête pour mieux le voir qui lui murmurait des merveilles point toujours comprises, car elle le regardait trop, mais toujours de toute son âme approuvées, qui lui murmurait qu’ils étaient amoureux, et elle avait alors un impalpable rire tremblé, voilà, oui, c’était cela, amoureux, et il lui murmurait qu’il se mourait de baiser et bénir les longs cils recourbés, mais non pas ici, plus tard, lorsqu’ils seraient seuls, et alors elle murmurait qu’ils avaient toute la vie, et soudain elle avait peur de lui avoir déplu, trop sûre d’elle, mais non, ô bonheur, il lui souriait et contre lui la gardait et murmurait que tous les soirs ils se verraient ».

« Elle lui tendit les mains. Il les prit, et il plia le genou devant elle. Inspirée, elle plia le genou devant lui, et si noblement qu’elle renversa la théière, les tasses, le pot à lait et toutes les rondelles de citron. Agenouillés, ils se souriaient, dents éclatantes, dents de jeunesse. Agenouillés, ils étaient ridicules, ils étaient fiers et beaux, et vivre était sublime ».

« Baiser qui n’était plus qu’un rite, pensa-t-il. Ô le baisemain sacré du premier soir au Ritz, ce don enthousiaste de l’âme. Devenus protocole et politesses rituelles, les mots d’amour glissaient sur la toile cirée de l’habitude ».

« Elle toussa, et il la vit si lamentable… avec son imperméable, sa combinaison, ses bas écroulés, son nez grossi, ses paupières enflées de larmes, ses beaux yeux cernés de bleu malade. Sa chérie, sa pauvre chérie. Ô maudit amour des corps, maudite passion ».