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Clélie, histoire romaine, Madeleine de Scudéry
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Fiche de lecture

Contexte

Ce très vaste récit qui se place dans la continuité des précédentes œuvres de Madeleine de Scudéry continue à explorer le genre nouveau du roman précieux. Scudéry, en effet, fait partie des initiateurs du mouvement de la préciosité, dont Clélie est un des principaux représentants. Dans un contexte social et culturel où la place des femmes est reléguée au second plan, Madeleine de Scudéry essaye de proposer une autre conception de la société. Le recours à une antiquité romaine quelque peu imaginaire permet de proposer un nouveau modèle. L’importance des sentiments, explorés dans toute leur diversité, a une très grande influence sur son époque et sur les générations suivantes, ouvrant à l’exploration de la subjectivité des auteurs du XVIIIe siècle. Mais Clélie est surtout connue aujourd’hui pour avoir introduit la carte de Tendre, représentation de la stratégie amoureuse, qui est devenu ensuite un trope de la littérature.

La carte de Tendre La carte de Tendre

Madeleine de Scudéry

1654-1660

Clélie

Personnages

Aronce : Fils du roi Porsenna.

Clélie : Fille de Clélius et Sulpicie.

Thèmes

L’amour précieux : L’amour est évidemment à la fois un thème dominant de ce roman-fleuve et le principal prétexte de ses rebondissements. On lit ici une conception de l’amour propre à la préciosité, c’est-à-dire tout en raffinements et délicatesses. Les protagonistes s’écrivent, se courtisent galamment, pratiquent la galanterie la plus stricte et la plus divertissante à la fois.

L’amour raisonné : Mais au-delà de ces codes figés, ce n’est pas un ensemble de bonne conduites que Madeleine de Scudéry veut décrire ici mais bien plutôt une grammaire des sentiments amoureux. Sa réflexion est psychologique, puisqu’elle rend compte des moindres mouvements d’une âme amoureuse, mais aussi philosophique. Il s’agit en effet de réfléchir profondément sur l’amour en tant que concept.

C’est l’objet de la carte de Tendre qui propose une philosophie de l’amour. Scudéry propose de ne pas opérer de rupture entre l’amitié et l’amour, la première pouvant mener au second. Ce sont les sentiments tendres et attentifs qui nourrissent le vrai amour.

On peut voir dans cette conception de l’amour le reflet des revendications féministes de Madeleine de Scudéry et de la plupart des précieuses. Ne pas se laisser emporter par un sentiment incontrôlable relève de la raison pour une femme de son époque, et il est préférable de cultiver les plaisirs de l’esprit et de l’amitié.

Résumé

Clélie et Aronce doivent se marier. Le mariage avait été retardé par la crue du fleuve mais il a finalement lieu. Les deux amoureux sont inquiets lorsque Horace, le rival d’Aronce, paraît au mariage. Mais alors que Clélie cherche l’aide de son père, un tremblement de terre s’abat sur la campagne et sépare le couple dans un torrent de flammes et de fumée. Aronce survit et se met aussitôt à la recherche de Clélie. Il retrouve les parents de Clélie, cachés dans un tombeau mis à découvert par le séisme. Sulpicie, la mère de Clélie, dit avoir vu Horace près de Clélie avant que l’horizon ne s’obscurcisse. Aronce poursuit ses recherches, en vain. Si Clélie est morte, il souhaite périr lui aussi.

Sténius, un ami d’Horace, apprend à Aronce qu’Horace est toujours vivant et qu’il détient Clélie. Aronce part avec son ami Célère pour retrouver Clélie.
Ils aperçoivent une barque où se trouvent Horace, Clélie et quelques hommes armés en plein combats avec les occupants d’une autre barque conduite par le prince de Numidie.
Un esclave ensanglanté accourt vers Aronce et lui demande son aide : le prince de Pérouse, Mézence, est en danger. Aronce se porte à son secours et reste quelques temps chez Sicannus, ami de Célère, sur l’île des Saules. On lui apprend que le prince de Numidie convoite lui aussi Clélie. Quant à Mézence, il retient prisonniers Galérite, sa fille, et le roi Porsenna. Aronce et Lysimène, la princesse des Léontins, deviennent amis.

Célère raconte l’histoire de Clélie et Aronce : le lecteur découvre le passé des protagonistes.

On apprend les origines d’Aronce : celui-ci est en réalité le fils de Porsenna. En effet, Porsenna a épousé Galérite, la fille de Mézence, alors qu’il en était l’otage. Ils eurent un enfant qu’ils confièrent à un bateau afin qu’il échappe à Mézence. Le bateau ayant fait naufrage, l’enfant fut recueilli par Clélius et Sulpicie, qui venaient de perdre leur fils dans cette tempête. Ils nommèrent l’enfant Aronce et l’emmenèrent à Carthage. Quelques années plus tard, Clélius et Sulpicie ont une fille, Clélie. Les activités du jeune Aronce, lié d’amitié avec le prince de Carthage et le prince de Numidie, le font vivre loin de Clélie.

Les trois jeunes hommes partent en voyage en Grèce puis à Rome. Ils y font la connaissance d’Horace, victime du tyran Tarquin. Horace se joint à eux et tous reprennent leur voyage.

Pendant ce temps, Clélie est devenue une très belle jeune femme. Maharbal et le prince de Numidie sont amoureux d’elle, mais Clélius hésite à la marier. Lorsqu’Aronce rentre enfin de voyage, il tombe lui aussi sous le charme de Clélie, qui est très heureuse de le revoir. Aronce, le prince de Numidie et Horace séjournent chez Sulpicie. Clélie ignore les sentiments que les trois hommes lui portent.

Lors d’une conversation sur l’amour, Aronce expose sa conception sur la question : l’amour naît de l’amitié. Horace, quant à lui, pense que l’amour surgit brusquement, comme un coup de foudre. Plus tard, Aronce confie à Célère qu’il aime Clélie mais, pensant que leur union est impossible, il décide d’y renoncer. Quant à Clélie, elle ne veut pas d’Horace, de Maharbal ni du prince de Numidie, mais éprouve des sentiments envers Aronce.

Les différents protagonistes se rendent à Syracuse puis à Capoue, chez l’oncle de Célère. Aronce écrit à Clélie et lui avoue son amour. Par hasard, Horace fait de même, mais les deux hommes restent amis.

Herminius arrive à Capoue : c’est un romain exilé par Tarquin et un ami d’Horace. Il est pris en amitié par Clélius, Aronce et Clélie.

Lors d’une promenade entre amis, Clélie expose sa conception des sentiments amoureux et amicaux à travers l’allégorie de la carte de Tendre. Les villages, les rivières et les montagnes indiquent l’évolution des différents sentiments. Grâce à cette métaphore, Aronce et Horace comprennent qu’Aronce est plus présent qu’Horace dans le cœur de la jeune fille. Les deux hommes se battent en duel mais Clélius les empêche de se battre à mort.

Des serviteurs de Porsenna et de Galérite reconnaissent Aronce : tout le monde apprend alors sa vraie identité.

Aronce est allé libérer son père à Pérouse. Mais Porsenna a fait alliance avec Tarquin.

Aronce part pour Ardée : la cité est assiégée par Tarquin et Horace y retient la prisonnière. Herminius raconte l’histoire de Tarquin le Superbe.

Pendant le siège, Aronce aperçoit Horace qui prend la fuite avec Clélie. Les deux hommes se battent alors. Hellius, un homme de Tarquin, en profite pour enlever Clélie et ses compagnes. Aronce part pour Rome afin de les libérer.

Célère et Aronce retrouvent Clélie, en compagnie d’autres prisonnières qui sont conduites à Tarquin. Clélie se fait passer pour la sœur de Célère. Le prince Sextus, fils de Tarquin, tombe sous son charme.

Amilcar raconte l’histoire d’Artaxandre. Ce long récit raconte différentes histoires amoureuses vécues par Artaxandre.

Aronce et Clélie se retrouvent.

Citation

« Vous vous souvenez sans doute bien, Madame, qu’Herminius avait prié Clélie de lui enseigner par où l’on pouvait aller de Nouvelle-Amitié à Tendre, de sorte qu’il faut commencer par cette première ville qui est au bas de cette carte pour aller aux autres ; car, afin que vous compreniez mieux le dessein de Clélie, vous verrez qu’elle a imaginé qu’on pouvait avoir de la tendresse pour trois causes différentes : ou pour une grande estime, ou par reconnaissance, ou par inclination ; et c’est ce qui l’a obligée à établir ces trois villes de Tendre sur trois rivières qui portent ces trois noms et de faire aussi trois routes différentes pour y aller. Si bien que, comme on dit Cumes sur la mer d’Ionie et Cumes sur la mer de Tyrrhène, elle fait qu’on dit Tendre-sur-Inclination, Tendre-sur-Estime et Tendre-sur-Reconnaissance. »

« Cependant comme elle a présupposé que la tendresse qui naît par inclination n’a besoin de rien autre chose pour être ce qu’elle est, Clélie, comme vous le voyez, madame, n’a mis nul village le long des bords de cette rivière qui va si vite qu’on n’a que faire de logement le long de ses rives pour aller de Nouvelle-Amitié à Tendre. Mais, pour aller à Tendre-sur-Estime, il n’en est pas de même, car Clélie a ingénieusement mis autant de villages qu’il y a de petites et de grandes choses qui peuvent contribuer à faire naître par estime cette tendresse dont elle entend parler. En effet vous voyez que de Nouvelle-Amitié on passe à un lieu qu’on appelle Grand Esprit, parce que c’est ce qui commence ordinairement l’estime ; ensuite vous voyez ces agréables villages de Jolis Vers, de Billet galant et de Billet doux, qui sont les opérations les plus ordinaires du grand esprit dans les commencements d’une amitié. »

« Ensuite, pour faire un plus grand progrès dans cette route, vous voyez Sincérité, Grand Cœur, Probité, Générosité, Respect, Exactitude, Bonté, qui est tout contre Tendre, pour faire connaître qu’il ne peut y avoir de véritable estime sans bonté et qu’on ne peut arriver à Tendre de ce côté-là sans avoir cette précieuse qualité. Après cela, Madame, il faut, s’il vous plaît, retourner à Nouvelle-Amitié pour voir par quelle route on va de là à Tendre-sur-Reconnaissance. […] Mais, Madame, comme il n’y a point de chemins où l’on ne se puisse égarer, Clélie a fait, comme vous le pouvez voir, que si ceux qui sont à Nouvelle-Amitié prenaient un peu plus à droite ou un peu plus à gauche, ils s’égareraient aussitôt. »

« Aussi cette sage fille voulant faire connaître sur cette carte qu’elle n’avait jamais eu d’amour et qu’elle n’aurait jamais dans le cœur que de la tendresse, fait que la rivière d’Inclination se jette dans une mer qu’on appelle la Mer dangereuse, parce qu’il est assez dangereux à une femme d’aller un peu au-delà des dernières bornes de l’amitié ; et elle fait ensuite qu’au-delà de cette Mer, c’est ce que nous appelons Terres inconnues, parce qu’en effet nous ne savons point ce qu’il y a et que nous ne croyons que personne ait été plus loin qu’Hercule ; de sorte que de cette façon elle a trouvé lieu de faire une agréable morale d’amitié par un simple jeu de son esprit, et de faire entendre d’une manière assez particulière qu’elle n’a point eu d’amour et qu’elle n’en peut avoir. »