Le début du roman est d’abord publié en 1833 dans L’Europe Littéraire. Puis, Eugénie Grandet est publié pour la première fois dans son intégralité en 1834 chez Madame Charles-Béchet, puis en 1939 aux éditions Charpentier. Il figure dans la première partie de La Comédie Humaine nommée « Études de mœurs », au sein du second livre des « Scènes de la vie de Province ». Eugénie Grandet a largement contribué à lancer la carrière de Balzac : cet ouvrage, qui fut un grand succès, est considéré comme fondateur du roman balzacien.
Eugénie Grandet : Elle est le personnage principal de ce roman d’amour et d’apprentissage. Au centre des convoitises et donc de la comédie de mœurs, elle incarne d’abord la jeune fille s’éveillant à l’amour. Dotée de nombreuses qualités – générosité, fidélité – qui ne semblent pas en accord avec une époque peinte par Balzac comme très matérialiste, elle sera sacrifiée aux intérêts des uns et aux autres. Félix Grandet : Père d’Eugénie Grandet, il incarne le personnage de l’avare, dont la passion pour l’argent grandit avec l’âge pour devenir folie. Charles Grandet : Parisien parmi les Provinciaux, son arrivée est un coup de théâtre. Eugénie tombe sous son charme et ils s’échangent des serments d’amour éternel. Toutefois, le froid calculateur, l’inconstant, ne manque pas de surgir sous les traits du jeune amant éperdu d’amour pour Eugénie. Nanon : Archétype de la servante au grand cœur, elle sert la famille Grandet pendant des dizaines d’années. Elle ne se marie qu’à la mort du père Grandet et devient Mme Cornoiller.
Réalisme et romantisme : La Comédie humaine s’inscrit dans le courant du réalisme qui se développe à la moitié du XIXe siècle. Le réalisme ambitionne d’écrire (et de décrire) la vie telle qu’elle est. Néanmoins, dans la Comédie humaine de Balzac, comme chez Flaubert ou Stendhal, romantisme et réalisme ne s’excluent pas mutuellement : ces deux courants coexistent dans leurs œuvres et se sont réciproquement enrichis. Le roman d’apprentissage : Le roman d’apprentissage (ou roman initiatique) se présente comme le déroulement du cheminement du personnage principal. Celui-ci, la plupart du temps jeune au début du roman, évolue, grandit, expérimente, jusqu’à atteindre une certaine maturité globale. Le personnage investit souvent un domaine précis dans lequel il fait ses premières expériences de vie, puis s’initie aux principaux évènements de la vie : les relations sociales, les relations amoureuses, la vie professionnelle, la vieillesse, la mort, etc. Eugénie Grandet, confrontée à la fois à l’avarice de son père et à l’inconstance et froideur de son amant, se forge ainsi une idée de l’existence qui se reflètera dans ses choix futurs (consacrer une partie à des œuvres de charité par exemple). L’argent : Dans l’ensemble de l’œuvre balzacienne, la question de l’argent – dont Balzac a toujours manqué ; dilapidant dans une vie de faste les ressources de sa production littéraire – occupe une place de choix. Balzac pose l’argent comme le moteur de la société de son temps et ce, quelques années avant que ne paraisse l’œuvre de Karl Marx. Dans Eugénie Grandet, l’amour de l’argent l’emporte sur le reste et pervertit tout : l’amour filial comme l’amour des amants. Seule Eugénie, icône portant en elle les valeurs d’un autre siècle, semble échapper à son emprise… sans pour autant s’en sortir indemne. La Touraine balzacienne : « Ne me demandez plus pourquoi j’aime la Touraine ! je ne l’aime ni comme on aime son berceau, ni comme on aime une oasis dans le désert ; je l’aime comme un artiste aime l’art ; […] sans la Touraine, peut-être ne vivrais-je plus. »
Balzac, Le Lys dans la vallée
La Touraine est la région natale de Balzac, qui né à Tours en 1799. Plusieurs de ses romans se déroulent en Touraine, comme Eugénie Grandet ou Le Lys dans la vallée. Si c’est dans Le Lys dans la vallée que nous retrouvons le mieux la Touraine balzacienne, dans le sens où Le Lys… est reconnu comme étant le roman le plus autobiographique de l’auteur, la place que réserve Eugénie Grandet à la Touraine, et en particulier à la ville de Saumur est tout à fait remarquable.
Eugénie Grandet est la fille de Félix Grandet, un ancien tonnelier, devenu grand propriétaire terrien, notamment de vignobles, et ancien maire de Saumur. Ayant beaucoup hérité, le père d’Eugénie Grandet est aussi riche qu’avare. Félix Grandet, qui vit avec sa famille à Saumur, est un véritable tyran pour sa famille.
En novembre 1819, Eugénie Grandet fête ses vingt-trois ans. À cette occasion, sont invités les familles Cruchot et Grassins qui espèrent chacune marier leur fils à la fille du riche tonnelier. Mais c’est sur le cousin Charles Grandet, venu de Paris, qu’Eugénie jette son dévolu. Charles Grandet est porteur d’une lettre de son père : le lecteur apprend que ce dernier s’est suicidé, laissant derrière lui un fils ruiné. Charles Grandet pleure la mort de son père, laissant Félix Grandet indifférent à son chagrin : son mépris pour la pauvreté de son neveu l’emporte sur toute compassion. Eugénie, offusquée par la réaction de son père et émue par le malheur de son cousin, lui offre toute sa fortune - des pièces de collection offertes par son père - afin de lui permettre de réaliser son rêve : partir pour les Indes et y faire fortune. Après s’être échangés moults serments et un baiser, ils se promettent de marier lorsque Charles sera rentré des Indes. Charles quitte la France pour les Indes afin de refaire sa fortune et effacer la faillite familiale.
À l’aube de l’année 1820 et comme chaque premier de l’an, le père Grandet demande à sa fille de lui montrer son trésor. Apprenant qu’il n’est plus en sa possession, Félix Grandet entre dans une grande colère et décide d’enfermer Eugénie dans sa chambre. Eugénie refuse de lui avouer ce qu’elle en a fait. La mère d’Eugénie, qui adore sa fille, en est profondément affectée et se laisse mourir de chagrin. Le Père Grandet, pour ne pas perdre l’héritage de sa femme, décide de se réconcilier avec sa fille. À la mort de Madame Grandet, le Père Grandet obtient d’Eugénie qu’elle renonce à l’héritage qu’elle a reçu de sa mère en sa faveur. Il l’initie à ses affaires tandis qu’Eugénie attend toujours des missives de Charles. En 1827, Félix Grandet meurt à son tour. Eugénie devient immensément riche. Elle reçoit enfin une lettre de Charles qui l’informe qu’il a contracté un mariage d’argent avec une certaine demoiselle d’Aubrion. Eugénie se résigne alors à une union avec le vieux président du tribunal Cruchot de Bonfons. Eugénie paie les dettes de son oncle et pose à son mariage une condition : qu’il reste blanc.
Lorsque son mari s’éteint à son tour, Eugénie retourne vivre dans la maison de ses parents dans laquelle, malgré sa fortune, elle mène une existence sans faste, solitaire et monotone, se consacrant en partie à des œuvres de charité.
« Il se trouve dans certaines provinces des maisons dont la vue inspire une mélancolie égale à celle que provoquent les cloîtres les plus sombres, les landes les plus ternes ou les ruines les plus tristes. »« Il n’y avait dans Saumur personne qui ne fût persuadé que monsieur Grandet n’eût un trésor particulier, une cachette pleine de louis, et ne se donnât nuitamment les ineffables jouissances que procure la vue d’une grande masse d’or. »« La figure de Grandet exploitant le faux attachement des deux familles, en tirant d’énormes profits, dominait ce drame et l’éclairait. N’était-ce pas le seul dieu moderne auquel on ait foi, l’Argent dans toute sa puissance, exprimé par une seule physionomie ? »« La maison de Saumur, maison sans soleil, sans chaleur, sans cesse ombragée, mélancolique, est l’image de sa vie. »