Fiche de lecture
Julie ou la Nouvelle Héloïse, Jean-Jacques Rousseau
Contexte

Julie ou la Nouvelle Héloïse est un roman épistolaire de Jean-Jacques Rousseau écrit en 1761. Le sujet rappelle celui des amours vraies d’Héloïse et d’Abélard.

En plus d’être un roman d’amour (impossible, voué à l’échec face aux interdits moraux), La Nouvelle Héloïse est le récit d’une lutte contre la morale imposée par le carcan familial et la société. La lettre devient le support d’une réflexion philosophique.

Le roman est écrit alors que Rousseau vit à l’Ermitage, seul au milieu de la nature. L’accueil critique de cette œuvre est extrêmement enthousiaste et propulse l’auteur comme écrivain majeur de son temps.

Personnages

Julie d’Étange : C’est celle qu’on nomme « la nouvelle Héloïse ». Issue de la haute société suisse, elle est la fille du baron d’Étange. Son éducation est à la charge d’un précepteur, Saint-Preux, qui lui apprend surtout l’amour et le désir. Ils tombent amoureux, ce qui ébranle les fondements de sa conscience et de son éducation pieuse.
Claire : C’est la cousine de Julie et sa confidente. Elle est vive et spontanée, voire espiègle. Elle connaît la même éducation sévère que Julie. Elle devient l’intermédiaire par laquelle le couple Julie/Saint-Preux est relié au monde extérieur.
Le baron d’Étange : Le père de Julie est un noble suisse, autoritaire et emporté. Il n’admet pas la possibilité d’un mariage entre sa fille et Saint-Preux.
La baronne d’Étange : C’est la mère de Julie qui, plus encline à reconnaître l’amour de sa fille et de son précepteur, tente en vain de faire changer d’avis son mari.
Milord Édouard Bomston : Ce lord anglais est le meilleur ami de Saint-Preux.
M. de Wolmar : C’est le compagnon d’armes du baron d’Étange. On lui a promis la main de Julie après qu’il lui a sauvé la vie.

Thèmes

L’amour de la nature : Il est exprimé à travers la description des beaux lieux de Suisse. L’ouvrage traite de l’influence de la nature sur l’âme, de son harmonie, de l’éloge de la vie champêtre qui s’oppose aux vices et aux mensonges de la ville et de la société. La nature apporte bonheur et apaisement.
L’amour passionné : On voit ici la passion amoureuse de deux êtres face à une société qui impose des codes. C’est un couple qui symbolise également la lutte entre deux idéaux de vie : l’amour et la vertu (classés comme incompatible au siècle janséniste).
La vertu : Rousseau défend l’idéal d’un homme vertueux : il est possible de créer une société juste et équitable si l’homme se détache de son individualisme. La passion du couple qui s’éloigne du désir de la chair prend ici une valeur de pureté.

Résumé

Ce roman épistolaire se décline en six parties. Le récit se déroule à Clarens, une petite ville située sur le lac de Genève.

Partie I

L’éducation de Julie d’Étanges est confiée à un précepteur, Saint-Preux, qui lui avoue rapidement ses sentiments dans une lettre. La jeune élève est également sensible à ses charmes, mais en dépit de leur amour réciproque, fidèle à ses principes de vertu, elle demande au précepteur de renoncer. La cousine de Julie, Claire, l’aide à résister au désir. Leur amour semble d’ailleurs impossible puisque Saint-Preux n’est pas de la même classe sociale. Le précepteur ne supporte que difficilement l’idée d’une chaste liaison et ils échangent un baiser. Julie demande son départ. Saint-Preux se réfugie dans le pays de Vaud. Julie ne cesse pourtant de penser à lui. Elle apprend également que son père l’a promise à un autre. Elle tombe malade. Inquiète, Claire prévient Saint-Preux. Au retour du précepteur, les deux jeunes gens deviennent amants. Lord Édouard essaie d’aider le couple à concrétiser leur amour par un mariage. Le père de Julie refuse et leur interdit de se revoir. Une violente dispute éclate entre le père et la fille. Giflée, elle tombe et perd l’enfant qu’elle portait. Lord Édouard éloigne de force son ami.

Partie II

L’amant de Julie est au désespoir. Lord Édouard tente d’aider à nouveau le couple en proposant à Julie de lui céder ses terres en Angleterre où elle peut se réfugier avec son amant. Hésitante, elle finit par refuser, elle ne peut se résoudre à trahir son père. Julie conseille alors à Saint-Preux de chercher à s’ennoblir. Mais à Paris, Saint-Preux critique la frivolité de la société qu’il découvre. Il lui avoue plus tard s’être livré à la débauche. Julie ne lui en voudra pas. Madame d’Étanges découvre la correspondance de sa fille.

Partie III

La mère de Julie est malade. Elle tente de faire changer d’avis son mari sur le mariage de sa fille et de Saint-Preux, mais en vain. Elle finit par mourir. Julie décide de rompre, Saint-Preux pense au suicide. Julie attrape la petite vérole. Saint-Preux, venu lui rendre visite, l’attrape également après lui avoir donné un baiser. Julie est maintenant liée à M. de Wolmar. Elle interrompt sa correspondance avec Saint-Preux. Lord Édouard sauve son ami du suicide.

Partie IV

Quatre ans ont passé, Saint-Preux annonce son retour. Hébergé par M. de Wolmar qui a confiance en la victoire de la vertu, il retrouve Julie mère de famille. Saint-Preux est partagé entre la passion que le souvenir ravive et le respect que la mère lui renvoie. L’époux consent à employer Saint-Preux comme le précepteur de ses enfants. Seuls l’un avec l’autre, Julie confie à son ancien amant qu’elle est loin d’être heureuse. Lors d’une promenade en sa compagnie, Saint-Preux songe à se noyer dans un lac en entrainant Julie.

Partie V

Saint-Preux doit partir en Italie pour aider son ami Édouard. Il ne cesse de penser à son ancienne amante et fait un rêve funeste où il voit Julie morte.

Partie VI

Julie écrit une lettre à Saint-Preux où elle lui demande de se marier avec sa cousine Claire. Saint-Preux ne peut aimer une autre femme que Julie. Il refuse. Plus tard, Julie meurt noyée après avoir sauvé l’un de ses fils de la noyade. M. de Wolmar découvre une lettre destinée à Saint-Preux dans les affaires de son épouse et il lui envoie. Julie y avoue que sa passion est restée intacte pour lui. Elle lui confie l’éducation de ses enfants et lui demande une nouvelle fois d’épouser Claire.

Citation

« Aussi, comme le grand fléau de tous ces gens si dissipés est l’ennui, les femmes se soucient-elles moins d’être aimées qu’amusées ; la galanterie et les soins valent mieux que l’amour auprès d’elles ; et, pourvu qu’on soit assidu, peu leur importe qu’on soit passionné. Les mots même d’amour et d’amant sont bannis de l’intime société des deux sexes, et relégués avec ceux de chaîne et de flamme dans les romans qu’on ne lit plus. »

Partie II
« L’avantage d’avoir une femme comme la mienne m’a fait tenter des moyens qui seraient impraticables avec une autre. Si je la laisse en toute confiance avec son ancien amant sous la seule garde de sa vertu, je serais insensé d’établir dans ma maison cet amant avant de m’assurer qu’il eût pour jamais cessé de l’être : et comment pouvoir m’en assurer, si j’avais une épouse sur laquelle je comptasse moins ? »

Partie IV
« Et de quel droit prétendez-vous être aimées aujourd’hui parce que vous l’étiez hier ? Gardez donc le même visage, le même âge, la même humeur, soyez toujours la même, et l’on vous aimera toujours, si l’on peut. Mais changer sans cesse, et vouloir toujours qu’on vous aime, c’est vouloir qu’à chaque instant on cesse de vous aimer, ce n’est pas chercher des cœurs constants, c’est en chercher d’aussi changeants que vous. »

Partie IV
« Prévenir toujours les désirs n’est pas l’art de les contenter, mais de les éteindre. »

Partie V