Émile Zola appartient au courant naturaliste. On retrouve de nombreux éléments de ce mouvement ainsi que des faits historiques dans cette œuvre de maturité qu’est L’Argent, publiée en 1891. Le roman est le dix-huitième du cycle des Rougon-Macquart. Il décrit le milieu de la Bourse et met en scène son langage propre.
L’univers du roman montre comment l’argent (outre un moyen de transaction) est un moyen d’ascension rapide et comment il peut amener à l’obsession et à une folie qui mène à la déchéance. Les faits historiques qui inspirent Émile Zola, sont ceux liés à la faillite de L’Union générale (banque) en 1882.
Aristide Saccard : C’est un cinquantenaire ruiné par le jeu mais qui reste pourtant avide de fortune. Personnage égoïste et sans scrupules, il joue tout ce qu’il peut à la Bourse. Il représente la force, l’imagination, et possède un esprit en perpétuelle ébullition. Sigismond Busch : Juif russe émigré, c’est un jeune homme idéaliste. Il rêve de collectivisme socialiste et de mener une révolte contre le capitalisme. Il finit par mourir. La Méchain : Cette femme vient d’un bidonville, elle collabore avec Busch et joue à la Bourse. Gundermann : Ce banquier milliardaire semble détester Aristide Saccard. La princesse d’Orviedo : C’est une veuve qui dilapide la fortune de son mari dans des œuvres de charité. Georges Hamelin : C’est un ingénieur malchanceux qui a cependant beaucoup de projets. Caroline Hamelin : C’est une femme très gaie qui a sacrifié beaucoup pour soutenir son frère. Les Beauvilliers : La comtesse et sa fille représentent une noblesse en déclin.
La Bourse : On se rend compte, avec ce roman, de la distance qui existe entre une économie « réelle » et l’univers boursier, et de la dangerosité des bulles financières. C’est un univers qui s’apparente à un immense jeu d’argent. On découvre également l’opacité des mécanismes financiers et l’absence de gouvernance, les scandales financiers de l’époque, et le théâtre qu’est la Bourse. L’argent : Il procure une certaine obsession et une folie de l’ascension : « cet argent pourrisseur, empoisonneur, qui desséchait les âmes, en chassait la bonté, la tendresse, l’amour des autres ». Il est coupable des cruautés humaines et destructeur du lien social. La ville moderne : Ce thème est exploité à travers le Paris d’Haussmann, qui détruit pour reconstruire, pour mettre en avant une nouvelle architecture et de nouveaux progrès. C’est le mythe d’un avenir meilleur créé par l’Homme, mais qui montre également la réalité des inégalités sociales que la société industrielle engendre.
L’Argent raconte l’aventure éphémère de la Banque universelle, depuis sa création jusqu’à son effondrement, en passant par une période « d’hystérie boursière ». Le récit se découpe en douze chapitres.
Chapitre 1
Chapitre 1
Le roman s’ouvre dans un restaurant, situé à côté de la Bourse. L’action se passe en 1864, dans les dernières années du Second Empire. Aristide Saccard attend le député Huret. Il a chargé ce dernier d’une démarche auprès de son frère Eugène Rougon, ministre d’État. Aristide Saccard veut se lancer dans une nouvelle aventure financière, mais le ministre d’État décide de ne pas aider son frère en qui il n’a pas confiance. Saccard se rend chez Bush, spécialisé dans le recouvrement de créances douteuses. De retour sur la place de la Bourse, Saccard rencontre Gundermann, un riche banquier. Aristide Saccard décide de mettre en œuvre son projet.
Chapitre 2
Chapitre 2
Saccard vend sa propriété du parc Monceau et loue deux étages dans l’hôtel particulier de la princesse d’Orviedo. Il fait la connaissance de Georges et Caroline Hamelin, un ingénieur et sa sœur. Ils reviennent d’Égypte où l’ingénieur a monté de nombreux projets qui attendent de trouver des capitaux. Ils se lient d’amitié avec Aristide Saccard et Madame Caroline devient même sa maîtresse. Saccard met au point une stratégie pour réaliser son idée.
Chapitre 3
Chapitre 3
C’est la création de la Banque universelle. Saccard cherche ceux qui vont l’entourer dans cette entreprise : des gens qui assureront le succès de l’émission des actions pour donner confiance au monde financier, des personnes peu regardante sur la régularité des opérations. Saccard défie Gundermann.
Chapitre 4
Chapitre 4
Saccard installe le siège de la Banque universelle dans l’hôtel particulier de la princesse. Madame Caroline est inquiète de la légalité de la fondation. Saccard confie son projet de faire de la Banque universelle un paravent qui, derrière les opérations classiques de dépôt et d’escompte, servira à attirer les capitaux et, par là, deviendra un moyen de spéculation. Il annonce ainsi pouvoir financer les projets industriels de l’ingénieur Hamelin. Sabatini est engagé par Saccard pour couvrir les opérations illégales. L’ancien professeur Ventron est lui aussi recruté pour créer le débat journalistique. La clientèle de l’Universelle se présente : noblesse désargentée (avec la comtesse de Beauvilliers), les joueurs (avec la baronne Sandorff) et les petits capitalistes.
Chapitre 5
Chapitre 5
C’est un premier semestre difficile et parsemé d’obstacles. Saccard doit rester prudent. Madame Caroline apprend l’existence de Victor, le fils naturel de Saccard. Elle part chercher l’enfant, qu’elle trouve dans un bidonville, et le confie à l’Œuvre. Madame Caroline commence à se plonger dans le passé trouble de Saccard. À la fin du printemps 1865, Saccard décide de doubler le capital de la banque pour fournir les crédits nécessaires au projet d’Hamelin. Perçues comme de bonnes nouvelles économiques, le cours de l’action monte et la fièvre spéculative se propage.
Chapitre 6
Chapitre 6
Saccard utilise la presse pour faire sa publicité, faire pression, manipuler l’opinion publique et attirer l’épargne populaire par la promesse de gains faciles et rapides. Le contexte politique joue sur la bourse : en raison de la guerre entre la Prusse, l’Italie et l’Empire austro-hongrois, la bourse est à la baisse.
Huret trouve une dépêche confidentielle sur le bureau du ministre et la révèle à Saccard : la paix va revenir après la victoire de Sadowa. L’Universelle joue alors à la hausse et rachète toutes les actions disponibles pour réaliser une plus-value exceptionnelle. Le capital de la banque est à nouveau doublé.
Saccard continue de détenir illégalement un nombre important de ses propres actions. La banque finit par être transférée dans des locaux plus vastes, rue de Londres. Madame Caroline découvre aussi que Saccard le trompe avec la baronne Sendorff.
Chapitre 7
Chapitre 7
Madame Caroline fait face à sa tristesse et se rend compte du véritable caractère de Saccard, qui vendrait tout pour son projet. Elle décide de rester soutenir son frère et comprend que l’argent corrupteur est source de progrès.
Chapitre 8
Chapitre 8
Au printemps 1868, au début de l’exposition universelle, Saccard inaugure les nouveaux locaux de la Banque universelle. Le luxe est à l’honneur. À l’été, Saccard augmente à nouveau le capital. Il se laisse griser par son succès, alors même que la fragilité de son édifice est évidente. Étourdi par le pouvoir, il déclare même ouvertement la guerre à son frère le ministre et à Gundermann.
Chapitre 9
Chapitre 9
C’est l’apparition des premiers nuages. Gundermann et des proches estiment que l’action est surévaluée et certains commencent à vendre par petites quantités. Les proches de Saccard le trahissent : la baronne Sandorff vend ses actions, Delcambre (le rival) est nommé ministre de la Justice, Madame Caroline vend elle aussi ses actions. Fin 1868, Saccard se sent menacé.
Chapitre 10
Chapitre 10
Saccard doit acheter ses propres actions pour réussir à soutenir le cours. En 1869, Saccard voit la valeur de l’action s’effondrer et à force de vouloir acheter ses propres actions, il perd sa trésorerie. Gundermann, qui peut s’appuyer sur des fonds propres importants, contribue à sa perte. La baronne Sandorff révèle le secret des affaires de Saccard à Gundermann. La défaite est alors inévitable.
Chapitre 11
Chapitre 11
Saccard est perdu. Sur une plainte de Bush pour escroquerie, Saccard et Hamelin sont arrêtés et la Banque universelle est en faillite. Ils sont ruinés. L’agent de change Mazeaud se suicide. La crise secoue également toute la place de Paris.
Chapitre 12
Chapitre 12
Le procès de la Banque universelle tarde. Les désastres se poursuivent. Les dames de Beauvilliers doivent se retirer dans une pension, suite aux énormes dettes contractées. Victor, le fils naturel de Saccard, viole une jeune fille et doit s’enfuir de l’institution où il était hébergé. Les victimes de l’Universelle gardent pourtant de l’estime pour Saccard, pensant qu’il est lui-même victime d’un complot. Madame Caroline se sépare définitivement de Saccard. Fin 1869, le procès a lieu. Saccard est condamné à cinq ans de prison. Il quitte la France et part en Hollande, où il se consacre à un nouveau projet : l’assèchement d’immenses marais.
« Déjà, les sociétés véreuses naissaient comme des champignons, les grandes compagnies poussaient aux aventures financières, une fièvre intense du jeu se déclarait, au milieu de la prospérité bruyante du règne, tout un éclat de plaisir et de luxe, dont la prochaine Exposition promettait d’être la splendeur finale, la menteuse apothéose de féerie. Et, dans le vertige qui frappait la foule, parmi la bousculade des autres belles affaires s’offrant sur le trottoir, l’Universelle enfin se mettait en marche, en puissante machine destinée à tout affoler, à tout broyer, et que des mains violentes chauffaient sans mesure, jusqu’à l’explosion. »
Chapitre 5« Après la liquidation du 15 décembre, les cours montèrent à deux mille huit cents, à deux mille neuf cents. Et ce fut le 21 que le cours de trois mille vingt francs fut proclamé à la Bourse, au milieu d’une agitation de foule démente. Il n’y avait plus ni vérité, ni logique, l’idée de la valeur était pervertie, au point de perdre tout sens réel. »
Chapitre 9« Mon ami, écoutez-moi… Songez que nos trois mille titres ont produit plus de sept millions et demi. N’est-ce point un gain inespéré, extravagant ? Moi, tout cet argent m’épouvante, je ne puis croire qu’il m’appartienne… Mais ce n’est d’ailleurs pas de notre intérêt personnel qu’il s’agit. Songez aux intérêts de tous ceux qui ont remis leur fortune entre vos mains, un effrayant total de millions que vous risquez dans la partie. Pourquoi soutenir cette hausse insensée, pourquoi l’exciter encore ? On me dit de tous les côtés que la catastrophe est au bout, fatalement… Vous ne pourrez monter toujours, il n’y a aucune honte à ce que les titres reprennent leur valeur réelle, et c’est la maison solide, c’est le salut. »
Chapitre 9« L’argent, jusqu’à ce jour, était le fumier dans lequel poussait l’humanité de demain ; l’argent, empoisonneur et destructeur, devenait le ferment de toute végétation sociale, le terreau nécessaire aux grands travaux qui facilitaient l’existence. »
Chapitre 12