Fiche de lecture
La Condition humaine, André Malraux
Contexte

En 1933, La Condition humaine est publiée aux éditions Gallimard, après une première publication en extraits dans plusieurs revues. La même année, le roman obtient le prix Goncourt, qui révèle Malraux au grand public. Malraux est allé en Indochine à deux reprises (en 1923 puis en 1925) pour suivre le mouvement anticolonialiste. Il y a vécu six ans. À partir de 1931, il correspond avec Trotski et se rapproche du parti communiste. Il a notamment été marqué jeune par la révolution bolchévique de 1917. Dans son œuvre, l’auteur mêle des événements historiques à une narration dramatique qui insuffle une grande émotion au récit.

La Condition humaine est le troisième roman de la trilogie de Malraux, précédé par Les Conquérants (1928) et La Voie royale (1930). L’auteur est depuis longtemps fasciné par l’Orient et s’y intéresse suite au réveil de la Chine communiste.

Personnages

Le professeur Gisors : Père de Kyo, c’est un intellectuel communiste, spécialiste du marxisme. Il est accro à l’opium. C’est le sage du groupe : tous les personnages lui demandent conseil.
Tchen : Disciple du professeur Gisors, il est engagé dans une lutte armée. Il a des penchants pour le terrorisme suicidaire.
Kyo : Fils de Gisors, c’est un militant révolutionnaire, principal organisateur de l’insurrection à Shanghai. Amoureux de May, c’est un idéaliste luttant pour la dignité humaine des travailleurs exploités.
Katow : Ancien révolutionnaire soviétique (1917) et rescapé de la répression des Russes blancs, il a rejoint l’insurrection chinoise et se bat avec courage et générosité.
Ferral : Président de la Chambre de commerce française, c’est un industriel avide qui cherche à dominer les autres.
Le baron de Clappique : Ancien antiquaire, il s’est reconverti depuis dans le trafic d’armes. C’est un personnage fantaisiste et théâtral qui se révèle aussi troublant de par sa noirceur.
Hemmelrich : Originaire de Belgique, c’est un ouvrier exploité. Il rejoint l’insurrection après le massacre de sa famille.

Thèmes

La révolution : Le roman, au-delà de sa portée philosophique, dénonce les agissements inhumains récents. En cela, il appartient au genre de la littérature engagée.
L’héroïsme et le tragique : La Condition humaine interroge le sens profond de la vie et de la mort. Les personnages, confrontés à d’extrêmes dilemmes, sont emportés vers un dénouement tragique. Néanmoins, et contrairement aux personnages des tragédies, ils trouvent le salue grâce à leur attitude héroïque.
Le registre dramatique : Malraux a mis au service de l’écriture son expérience personnelle qu’il a transformée en une réflexion artistique et philosophique. Le registre dramatique insuffle un facteur humain dans le récit historique.
La solitude : L’utilisation de la focalisation interne, qui permet d’accéder à la conscience des protagonistes, est omniprésente dans l’œuvre. Le point de vue interne permet d’explorer la solitude des personnages mais également d’appréhender leurs complexités, leurs singularités les uns par rapports aux autres. Le groupe permet la confrontation des points de vue et le débat. Le deuil des survivants à la fin renvoie aussi à la séparation puis à la solitude.

Résumé

La Condition humaine est un roman composé de sept parties.

Le récit est structuré à partir des événements historiques de l’insurrection de Shanghai en 1917 : les politiques shanghaïens abandonnent l’économie de la région aux Occidentaux. Deux forces naissent alors et font alliance pour faire barrage : le parti nationaliste de Chang-Kaï-Shek, le « Kuomintang », et le parti communiste chinois, appuyé par les soviétiques. Les deux partis préparent une insurrection contre le gouvernement, mais le le Kuomintang, parti corrompu par les Occidentaux, trahit finalement ses alliés les communistes et les fait exécuter.

Première partie : 21 mars 1927

La nuit de la veille de l’insurrection, plusieurs actions sont menées en parallèle.

Minuit et demi
Tchen tue un trafiquant d’arme à l’arme blanche, ce qu’il voit comme un sacrifice de la révolution. Il rejoint ensuite Kyo et Katow au magasin d’Hemmelrich.

1 heure du matin
Kyo rejoint son contact, Clappique, au club de jazz le Black Cat afin de se procurer les armes du trafiquant assassiné par Tchen.

4 heures du matin
Gisors reçoit un vieux chinois aigri, puis Tchen, qui lui parle de sa solitude. Il apprend que le trafiquant d’armes qu’il a assassiné tantôt s’appelait Tang-Yen-Ta. Resté seul Gisors prend de l’opium.

Katow est à la tête d’un assaut cherchant à voler ces mêmes armes sur le bateau Shan-Tung. Il se remémore son exécution ratée par les Russes blancs.

Deuxième partie : 22 et 23 mars 1927

Début de l’insurrection.

11 heures du matin
Ferral fait son possible pour empêcher l’insurrection d’éclater. Il pense à faire une alliance avec Tchang-Kaï-Shek (chef nationaliste, du Kuomintang, allié aux communistes).

1 heure de l’après-midi
Tchen dirige un assaut contre un poste de garde gouvernementale.

5 heures de l’après-midi
Ferral cherche à joindre un intermédiaire pour négocier avec Tchang-Kaï-Shek. Il retrouve Valérie, sa maîtresse, qu’il humilie sexuellement.

Le lendemain, 4 heures de l’après-midi
Un bataillon de Tchang-Kaï-Shek gagne Shanghai et le chef nationaliste, ayant finalement conclu une alliance avec Ferral, ordonne aux communistes de rendre les armes. Dans le groupe les avis sont divisés : Tchen est contre, Kyo doute, et Katow est pour. Les troupes nationalistes s’emparent d’un train blindé.

Troisième partie : 29 mars 1927

À Han-Kéou, capitale des communistes et des insurgés, Kyo apprend que les nationalistes ont demandé à leurs alliés révolutionnaires de rendre les armes. On pressent une trahison de la part de Tchang-Kaï-Shek, ce qui consterne Kyo. Un représentant russe de l’Internationale (fédération nationale communiste ayant le même nom que l’hymne communiste), Vologuine, pense que les communistes n’ont pas le dessus dans ce rapport de force, car le Kuomintang est écrasant, et qu’il faut donc rendre les armes.

Sur ce, Tchen annonce qu’il s’apprête à assassiner Tchang-Kaï-Shek.

Quatrième partie 11 avril 1927

Midi et demi
Clappique, qui est compromis à cause de l’affaire des armes sur le bateau, décide de quitter Shanghai. Il apprend que Kyo va être arrêté.

1 heure de l’après-midi
Tchen rate son attentat contre la voiture de Tchang-Kaï-Shek et décide pour la prochaine fois de faire un attentat-suicide.

3 heures de l’après-midi
Clappique se rend chez Gisors pour informer Kyo de son arrestation imminente. Il lui donne rendez-vous au Black Cat pour un échange. Kyo et May partent ensuite pour la réunion du comité militaire.

3 heures et demie de l’après-midi
Katow cherche Tchen pour l’avertir que les voitures de Tchang-Kaï-Shek sont des leurres. Il rencontre Hemmelrich qui lui fait part de sa responsabilité envers sa famille qui l’empêche de se joindre à eux.

6 heures du soir
La répression des insurgés est négociée. Tchang-Kaï-Shek s’engage auprès de Ferral à faire fusiller ses actuels alliés communistes en contrepartie d’un appui financier. Puis Ferral retrouve Valerie avec qui il se brouille.

10 heures et demie au soir
Tchen se fait exploser à demi contre une des voitures du chef nationaliste. Mais Tchang-Kaï-Shek n’est pas dans la voiture. Gravement blessé, il sait qu’il va être pris par l’ennemi et se suicide d’une balle dans la tête.

Cinquième partie : 11 et 12 avril 1927

11 heures 15 au soir
Clappique est supposé rejoindre Kyo. Au lieu de cela, il joue à la roulette.

11 heures et demie au soir
May reçoit un coup de matraque et Kyo est arrêté. Clappique, sans le savoir, a favorisé l’arrestation de Kyo.

Minuit
Hemmelrich, qui retrouve sa famille massacrée à la grenade, rejoint l’insurrection.

1 heure et demie du matin
Gisors demande à Clappique de négocier la libération de Kyo auprès du chef de la police de Tchang-Kaï-Shek, König, qui refuse car il a été humilié par des communistes en Sibérie.

5 heures du matin
Le quartier général des communistes est assiégé : Hemmelrich arrive à s’enfuir en tuant un soldat avec une baïonnette mais Katow est fait prisonnier.

Sixième partie: 12 et 13 avril 1927

10 heures du matin
Kyo est torturé psychologiquement et humilié par König.

4 heures de l’après-midi
Clappique se déguise en marin et s’enfuit de Shanghai sur un paquebot.

6 heures de l’après-midi
Les prisonniers communistes attendent leur exécution sous le préau d’une école. On exécute les prisonniers en les brûlant vifs dans le foyer d’une locomotive qui siffle. Kyo se suicide grâce à la capsule de cyanure qu’il cachait sur lui, mais Katow offre la sienne à d’autres captifs terrorisés Un silence d’admiration accompagne Katow alors qu’il marche dignement vers la locomotive : il est brûlé vif.

Le lendemain
Gisors et May pleurent sur la dépouille de Kyo.

Septième partie : juillet 1927

À Paris
Au ministère des Finances, les banques françaises refusent de soutenir le consortium de Ferral à Shanghai.

À Kobé, au Japon
May rejoint Gisors, réfugié chez son ami Kama. Il passe ses journées à écouter la musique de Kama et à fumer de l’opium. Il s’est détaché du monde. May lui annonce qu’elle s’apprête à partir en Union Soviétique avec Peï (ami de Tchen) et Hemmelrich pour continuer la lutte révolutionnaire.

Gisors se retire et May poursuit le combat. Malgré leurs différences, les deux survivants restent liés par la mémoire de Kyo.

Citation

« Il n’y a pas de dignité possible, pas de vie réelle pour un homme qui travaille douze heures par jour sans savoir pourquoi il travaille. »
« Le marxisme n’est pas une doctrine, c’est une volonté, c’est, pour le prolétariat et les siens – vous – la volonté de se connaître, de se sentir comme tels, de vaincre comme tels ; vous ne devez pas être marxistes pour avoir raison, mais pour vaincre sans vous trahir. »
« La connaissance d’un être est un sentiment négatif : le sentiment positif, la réalité, c’est l’angoisse d’être toujours étranger à ce qu’on aime. »
« Il ne faut pas neuf mois, il faut soixante ans pour faire un homme, soixante ans de sacrifices, de volonté, de… de tant de choses ! Et quand cet homme est fait, quand il n’y a plus en lui rien de l’enfance, ni de l’adolescence, quand vraiment, il est homme, il n’est plus bon qu’à mourir. »