La Joie de vivre prend place dans la saga des Rougon-Macquart, dont il est le douzième tome. Ce tome marque un moment de pause dans le cycle. En effet, Zola le situe à Bonneville, ville imaginaire qui n’apparait dans aucun autre volume des Rougon-Macquart. Le livre est tout de même inséré dans cet ensemble, puisqu’il présente un membre supplémentaire de la lignée des Quenu, apparue dans Le Ventre de Paris, et des Macquart. Pauline, l’héroïne, est la nièce Gervaise.
Pauline Quenu : C’est la fille de Lisa Macquart et du charcutier Quenu. L’histoire de ses parents est racontée dans Le Ventre de Paris. Elle est orpheline depuis qu’elle a dix ans.
Mme Chanteau et Monsieur Chanteau : Ce sont des cousins du père de Pauline. Ils l’élèvent depuis la mort de ses parents.
Monsieur Chanteau est maire de Bonneville, et préoccupé du sort des habitants menacés par la mer. Il prend souvent la défense de Pauline.
Mme Chanteau apprécie beaucoup Pauline, jusqu’à ce qu’elle se mette à puiser dans son héritage. Sa mesquinerie se révèle alors.
Lazare Chanteau : Fils de M. et Mme Chanteau. C’est un scientifique, préoccupé de recherche et prêt à se consacrer à son prochain. Mais il est également peu courageux et hanté par la peur de la mort.
L’innocence face à l’égoïsme : Les vertus morales sont au centre de la construction de ce roman, qui repose sur l’opposition entre la cruauté et la méchanceté des Chanteau, et la bonté et la naïveté de Pauline. Les choses sont cependant plus complexes, puisque c’est peu à peu que Mme Chanteau va changer son comportement à l’égard de sa protégée. D’abord aimante et dévouée, elle devient avide et mesquine lorsqu’elle voit le profit qu’elle peut en tirer. Ce n’est cependant pas par simple appât du gain ou désir de domination, mais parce qu’elle souhaite le succès de son fils.
La complexité des caractères se perçoit également chez Lazare, qui aspire à de grandes choses, s’intéresse à la science et à la recherche plutôt qu’à l’argent, cherche à aider et protéger ses concitoyens. Mais toutes ces aspirations se font au détriment de Pauline, sans qu’il s’en rende compte. Ce n’est pas un personnage mauvais, mais sa négligence l’empêche de voir ce que la jeune fille perd pour lui.
Quant à Pauline, elle incarne la bonté naïve. Elle se laisse détrousser par sa famille adoptive. Lorsqu’elle aide les pauvres du village, elle se fait voler par eux en retour. Peut-être faut-il voir dans sa naïveté l’indice d’une critique de Zola, qui n’approuve pas cette bonté sans faille.
L’éducation, et notamment celle des jeunes filles : La connaissance et l’éducation occupent également une place importante. Pauline est naturellement curieuse et désireuse de s’instruire, particulièrement dans le domaine médical. Jeune orpheline provinciale, sa fortune aurait pu lui permettre de se donner des objectifs et de les atteindre : vivre librement, se consacrer à la connaissance. Mais sa tutrice, qui suit les conventions de l’époque, lui fait prendre une autre direction. Mme Chanteau lui enseigne ce qu’une jeune fille à marier doit savoir, et cherche au contraire à lui taire les réalités du corps, notamment celles tenant à la reproduction.
Ce désir de connaissance du vivant s’oppose à l’angoisse de la mort qui poursuit Lazare.
L’histoire se déroule à Bonneville, village portuaire de Normandie. Pauline Quenu, orpheline, a été confiée aux cousins de son père, les Chanteau. Ils ont un fils, Lazare. Les Chanteau ont également à charge la gestion de la fortune de Pauline.
Lazare ne s’intéresse d’abord qu’à la musique, alors que sa mère voudrait qu’il réussisse dans la vie.
Les Chanteau se sont associés avec Davoine, pour faire prospérer leurs affaires.
Pauline s’intègre sans difficulté dans cette famille, où elle est très appréciée.
Sous l’influence de Pauline, Lazare décide d’entreprendre des études de médecine. C’est une discipline qui intéresse beaucoup Pauline, d’autant plus que son idéal de vie consiste à se mettre au service des autres. Pauline est d’ailleurs la garde malade dévouée de M. Chanteau, souvent malade de la goutte.
Pauline est sincèrement amoureuse de Lazare. Quant à Lazare, il se dirige vers la recherche pharmaceutique dans le domaine des algues. Pauline lui prête de l’argent pour qu’il puisse prendre un associé. On commence à parler de mariage.
Peu à peu, Mme Chanteau emprunte de plus en plus d’argent à Pauline, qui par loyauté familiale, accorde tout ce qu’on lui demande. Déjà la moitié de son héritage a été dilapidé, et Mme Chanteau souhaite le mariage entre Pauline et son fils afin que celui-ci puisse bénéficier de la seconde moitié. Elle parvient à se mentir et à se convaincre que Pauline retrouvera l’argent que Lazare lui a emprunté. Cependant, les projets pharmaceutiques de Lazare ont échoué, mais celui-ci forge de nouveaux rêves : construire une digue pour protéger le village de la mer. Il emprunte à nouveau de l’argent à Pauline.
Pauline se rend compte que Lazare éprouve de l’affection pour Louise, qui vit avec eux, et que Mme Chanteau semble moins l’apprécier. Pauline tombe malade et Lazare la soigne avec dévouement. Une fois guérie, elle surprend Lazare et Louise en train de s’embrasser, et elle chasse sa rivale.
Mme Chanteau tombe malade et, dans son délire, accuse Pauline des pires choses, avant de mourir.
Louise et Lazare se marient. Pauline les aide à élever leur fils Paul, et elle dépense le reste de son héritage pour lui.
« D’abord, elle n’avait pas compris, rebutée par les mots techniques qu’il lui fallait chercher dans le dictionnaire. Devinant ensuite la nécessité d’une méthode, elle s’était acharnée sur l’Anatomie descriptive, avant de passer au Traité de physiologie. Alors, cette enfant de quatorze ans apprit, comme dans un devoir, ce que l’on cache aux vierges jusqu’à la nuit des noces. Elle feuilletait les planches de l’Anatomie, ces planches superbes d’une réalité saignante ; elle s’arrêtait à chacun des organes, pénétrait les plus secrets, ceux dont on a fait la honte de l’homme et de la femme ; et elle n’avait pas de honte, elle était sérieuse, allant des organes qui donnent la vie aux organes qui la règlent, emportée et sauvée des idées charnelles par son amour de la santé. La découverte lente de cette machine humaine l’emplissait d’admiration. Elle lisait cela passionnément, jamais les contes de fées, ni Robinson, autrefois, ne lui avaient ainsi élargi l’intelligence. »« C’était donc possible ? La charité ne suffisait pas, on pouvait aimer les gens et faire le malheur : car elle voyait son cousin malheureux peut-être par sa faute. »« Ne passait-on pas la première moitié de ses jours à rêver le bonheur, et la seconde à regretter et à trembler ? »« Cependant, la nuit se termina sans catastrophe. Deux journées passèrent encore. Mais, à présent, il y avait entre eux un nouveau lien, la mort toujours présente. Elle ne faisait plus aucune allusion à la gravité de son état, elle trouvait la force de sourire ; lui-même parvenait à feindre une tranquillité parfaite, un espoir de la voir se lever d’une heure à l’autre ; et, pourtant, chez elle comme chez lui, tout se disait adieu, continuellement, dans la caresse plus longue de leurs regards qui se rencontraient. La nuit surtout, lorsqu’il veillait près d’elle, ils finissaient l’un et l’autre par s’entendre penser, la menace de l’éternelle séparation attendrissait jusqu’à leur silence. Rien n’était d’une douceur si cruelle, jamais ils n’avaient senti leurs êtres se confondre à ce point. »