Fiche de lecture
Les Burgraves, Victor Hugo
Contexte

Les Burgraves a été représenté en 1843 à la Comédie-Française et est souvent considéré comme l’une des pièces marquant la fin du romantisme français, bien que cette théorie soit également remise en cause. On a ainsi prétendu que les représentations ont été un échec, ce qui en réalité n’est pas le cas, puisque la pièce a connu 33 représentations consécutives en 1843, ce qui reste un nombre honorable.
Cette pièce, effectivement très romantique, plonge dans l’histoire - celle de l’empereur de Prusse - qu’elle mêle abondamment d’intrigues familiales sur fond de magie et de vengeance.

Personnages

Ginevra / Guanhumara : Jeune femme corse dont la beauté fait naître l’amour de Donato et Fosco. Sa vie épouvantable fait d’elle une femme enlaidie par les années mais surtout par la haine qui l’habite.
Fosco / Job : Burgrave, chef courageux et valeureux. Devenu très vieux il a laissé son entourage usurper son pouvoir.
Donato / Barberousse : Empereur majestueux, tenu pour mort pendant plusieurs décennies. Il est juste et droit.
Otbert : Fils caché de Job, à qui il a été enlevé à la naissance. C’est un jeune seigneur honnête et qui témoigne du respect à Job.
Magnus : Fils décadent de job.
Hatto : Fils de Magnus, il est plus cruel encore que son père.

Thèmes

Une pièce poétique : Ce drame historique est également une pièce poétique, qui se présente comme une suite de tableaux plein d’évocations. La pièce est écrite en violation des conventions scéniques, ce qui en fait la beauté et l’originalité, mais peut aussi expliquer le relatif insuccès qu’elle a connu lors de sa création.
Un drame historique : Comme tout drame historique, il est question à mots couverts de politique.
Il s’agit en effet de présenter la grandeur d’une autorité éclairée, reposant sur la tradition et capable de faire régner le droit dans une société moyenâgeuse et violente. Le passé est présenté ici comme une force rédemptrice malgré ses allures violentes. La logique passéiste de la pièce veut que Job et Barberousse valent mieux que leurs descendants. L’autorité du grand empereur permet le triomphe du pardon sur la haine, de la bonne volonté sur la fatalité.
Les légendes et le folklore : En tant que drame romantique, il s’agit aussi d’évoquer une Allemagne mystérieuse et folklorique, toute imprégnée de légendes. Les noms des personnages font ainsi référence à ce monde outre-Rhin, et tous sont parés des mystères presque magiques des vieilles légendes. Le trio malheureux, violent et néanmoins noble que constitue les aînés Job, Barberousse et Guanhumara sont ainsi plus que centenaires, sans rien avoir perdu de leur force vitale.

Résumé

Au Moyen Âge, en Allemagne, burgrave est le nom donné au commandant militaire d’une ville ou d’une citadelle. Il est le représentant d’un empereur ou d’un prince.

Dans le vieux bourg de Heppenhef sur le Rhin, Job, burgrave centenaire, considéré comme sage et juste, laisse son entourage usurper son pouvoir. Ce sont des vassaux arrogants et des membres de sa famille, qui tous tyrannisent la région. Le château est un lieu de débauche, et les prisonniers croupissent dans les souterrains.
Les victimes de ce despotisme ont un espoir : ils pensent que Barberousse, l’Empereur, n’est pas mort, comme on le croit, il y a vingt ans et qu’il reviendra imposer la justice.

On apprend ce qui s’est passé il y a longtemps.
Ginevra était une jeune femme aimée par deux demi-frères, Donato et Fosco. Par jalousie, Fosco a tué Donato et vendu Ginevra comme esclave.
Plus tard, Fosco pris le nom de Job, et Donato devient connu sous celui de Barberousse. Quant à Ginevra, rendue monstrueuse du fait de son destin terrible, elle prend le nom de Guanhumara.
Guanhumara, devenue esclave, passe de mains en mains et voyage à travers le monde, connaissant un sort de plus en plus misérable. Elle-même n’est plus que haine et désir de vengeance. Déguisée en bohémienne, elle a enlevé à Job son dernier né, vingt ans plus tôt.
Plus tard, elle est amenée comme esclave au château de Job, où elle vient accompagnée de l’enfant volé, qu’elle a appelé Otbert.
Job ne sait pas qu’Otbert est son fils, mais il l’apprécie beaucoup et il trouve en lui beaucoup plus de qualités qu’en Magnus, son propre fils, et plus encore qu’en Hatto, son petit-fils.

L’histoire se répète et Hatto et Otbert sont amoureux de la même femme, Régina. Celle-ci est très malade et sur le point de mourir. Guanhumara accepte de la guérir, mais elle la plonge dans un sommeil profond. Elle passe un marché avec Otbert : elle laissera Régina vivre s’il tue l’homme que Guanhumara lui indiquera.

Barberousse revient, déguisé en mendiant. Les serfs lui apprennent la cruauté et l’injustice de leurs nouveaux maîtres, ainsi que le sort misérable de Job. Celui-ci était, par le passé, l’ennemi de Barberousse, mais chacun reconnaissait en l’autre de l’honneur et du courage. Barberousse lève son anonymat et se fait reconnaître de tous, laissant exploser sa colère. Grâce à lui, les prisonniers sont libérés et remplacés par les vassaux indignes, tandis que Job retrouve son autorité.

Otbert est sur le point de tuer Job, à la demande de Guanhumara et en ignorant qu’il s’agit de son propre père, lorsque Barberousse intervient. Ce coup de théâtre permet au père et au fils de se reconnaître enfin. Guanhumara se suicide, et Barberousse triomphe.

Citation

« OTBERT :
"- Je ne vous aime pas ! - Enfant ! […] dis au prêtre
Qu’il n’aime pas son Dieu, dis au toscan sans maître
Qu’il n’aime point sa ville, au marin sur la mer
Qu’il n’aime point l’aurore après les nuits d’hiver ;
Va trouver sur son banc le forçat las de vivre,
Dis lui qu’il n’aime point la main qui le délivre ;
Mais ne me dis jamais que je ne t’aime pas !" »
« MAGNUS :
"Jeune gens, vous faites bien du bruit.
Laissez les vieux rêver dans l’ombre et dans la nuit.
La lueur des festin blesse leurs yeux sévères.
Les vieux choquaient l’épée ; enfants ! choquez les verres !
Mais loin de nous !" »
« Un jour, espérons-le, le globe sera civilisé. Tous les points de la demeure humaine seront éclairés, et alors sera accompli le magnifique rêve de l’intelligence ; avoir pour patrie le Monde et pour nation l’Humanité. »
« L’EMPEREUR :
Aux burgraves.
- Ah, vous n’attendiez point ce réveil, n’est-ce pas ?
Vous chantiez, verre en main, l’amour, les longs repas ;
Vous poussiez de grands cris et vous étiez en joies ;
Vous enfonciez gaiement vos ongles dans vos proies ;
Vous déchiriez mon peuple, hélas ! qui m’est si cher !
Tout à coup… tout à coup, dans l’antre inaccessible,
Le vengeur indigné, frissonnant et terrible,
Apparaît ; l’empereur met le pied sur vos tours,
et l’aigle vient s’abattre au milieu des vautours ! »