Fiche de lecture
Les Confessions, Jean-Jacques Rousseau
Contexte

Les Confessions sont publiées en deux parties, en 1782 et 1789, quatre ans après la mort de Jean-Jacques Rousseau.

L’ouvrage est considéré comme la première grande autobiographie moderne. Son influence est considérable sur la littérature du XIXe siècle.

Les mémoires étaient jusque là connues, mais Les Confessions illustre une nouvelle manière de « sentir » les choses et de les transmettre : Rousseau mêle vie privée et débat intellectuel, sphère intime et espace public. Il se justifie dans son incipit pour être cru du lecteur et entend montrer son cœur « transparent comme le cristal ».

Personnages

Jean-Jacques Rousseau : C’est le protagoniste, le narrateur et l’auteur des Confessions. Son écriture mêle introspection, analyse et psychanalyse. Ses différents traits de caractères (les bons comme les mauvais) apparaissent au cours des douze livres : être complexe, inconstant, faible mais aussi courageux, mélange de grandeur et de petitesse (reflet de la médiocrité de l’homme).
Les parents de Jean-Jacques Rousseau : Sa mère, Suzanne Bernard, meurt en accouchant de lui en juin 1712. Isaac Rousseau, le père de Jean-Jacques, est horloger à Genève. Ils ont un premier fils qui suit la même voie que son père. Obligé de fuir en 1722 suite à une querelle, Isaac ne gardera pas la tutelle de Jean-Jacques.
Les Bernard : Ce sont eux qui s’occupent de Rousseau. Néanmoins, Jean-Jacques sera mis en pension chez les Lambercier avec son cousin.
Les Lambercier : M. Lambercier est pasteur et ministre. Il est présenté comme étant un bon professeur. Les enfants mènent auprès de lui une vie champêtre et innocente. La sœur du pasteur enseigne aux enfants le catéchisme et prend la figure maternelle. Rousseau l’apprécie.
Mme de Warens : Elle est la tutrice de Rousseau puisqu’elle assure son éducation spirituelle et artistique, mais aussi sa maîtresse, faisant son éducation sentimentale. Rousseau l’appelle « Maman ». Elle séjourne aux Charmettes. À la fin de sa vie, elle est marquée par la déchéance de la maladie.

Thèmes

La religion : Le titre place l’œuvre sous l’autorité de la pratique religieuse et de saint Augustin ; pourtant Rousseau laïcise l’autobiographie et Dieu n’est que le garant de la vérité de ses propos. On trouve dans l’œuvre une vive critique de la religion catholique. Rousseau, protestant, est converti au catholicisme par les charmes de Mme de Warens.
La fatalité : Rousseau est obsédé par l’idée qu’un obscur dessein se trame contre lui. Il croit au destin et cherche à découvrir le sens de sa destinée et des obstacles qu’il rencontre. Il s’assimile presque à un héros tragique, qui subit la fatalité : elle l’empêche de s’épanouir et d’accéder à l’existence espérée. Rousseau est conscient de sa responsabilité et avoue qu’accuser le destin pour ses propres comportements est un repli facile.
La condamnation de la société : L’auteur ne s’adapte pas à la société, il y échappe progressivement. Rousseau ressent le désir de fuir les hommes. Il conteste la manière dont les hommes se comportent, et reproche finalement à la société d’asservir et de corrompre l’individu. Pour lui, plus l’homme vit en société, plus il se soumet au pouvoir des autres et renonce à sa liberté. L’auteur plaide pour des valeurs civiques comme le combat contre l’injustice, le courage, et le sens de l’honneur.
La nature : L’auteur se sent proche de la nature, car elle lui procure du plaisir et qu’elle est le lieu parfait pour la méditation. Entre rêverie idyllique et simplicité, l’innocence et l’abondance du paysage campagnard offrent l’atmosphère paisible propice à l’écriture. Les marches à pied sont liées à l’idée de liberté et d’indépendance : elles permettent d’écouter l’être intérieur qui est l’être authentique. Parfois sauvage et primitive (notamment avec le paysage montagnard), la nature devient le symbole d’un côté plus obscur où la peur et la solitude s’ajoutent au paysage. Les gouffres et les précipices du paysage alpin (marque la sensibilité préromantique) témoignent d’une nature sauvage et tourmentée extérieure autant qu’intérieure. Par contraste, la ville est le lieu des artifices et de l’aliénation de l’homme. C’est le monde des sensations.

Résumé

Les Confessions témoigne des souvenirs et des réflexions de Rousseau, de l’enfance à l’âge adulte. Autant qu’une pensée sur la littérature autobiographique et son « mentir-vrai » (ajouter de la fiction dans la réalité), Les Confessions donne à voir la somme d’un homme au sein de son époque. L’ouvrage est composé de douze livres, divisées en deux parties précédées d’un incipit.

Incipit

Rousseau présente son projet inédit d’autobiographie. Il commence tout d’abord par confesser sa valeur d’homme médiocre. Grâce à une étude sur « l’humain », l’auteur se justifie avec intelligence de la véracité des propos qu’il livre ici sur sa vie.

Première partie

Livre I (1712-1728)

Un avertissement donne les intentions de Rousseau : « je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple, et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. »

L’ouvrage commence dès l’enfance. On apprend que Rousseau est né à Genève en 1712 dans un foyer modeste, que son père est horloger et que sa mère est morte en couche. Rousseau est très tôt sensible à la lecture.

Lorsqu’il est séparé de son père, il est placé à Bossey chez le pasteur Lambercier. La fessée de Mlle Lambercier va enclencher chez l’enfant ses premiers émois érotiques. Malheureusement, une injustice va briser ce qui semblait être un paradis : on l’accuse d’avoir cassé un peigne.

En 1724, Rousseau retourne chez son oncle à Genève où il trouve du travail tantôt chez un juriste, tantôt chez un graveur, mais l’adolescent préfère la liberté et décide de partir sur les routes.

Livre II (1728)

En 1728, Rousseau arrive en Sardaigne où le curé M. de Pontverre l’accueille et le convertit au catholicisme.

Rousseau part ensuite à Annecy chez Mme de Warens dont il tombe amoureux.

Livre III (fin 1728)

L’abbé Gaime perfectionne l’éducation de Rousseau qui finit par entrer comme laquais chez le comte de Gouvon. Là, il tombe amoureux de Mlle de Breil.

Rousseau est contraint de partir à nouveau et retourne à Annecy où il devient l’amant de Mme de Warens. Celle-ci l’oriente vers une éducation musicale.

Livre IV (1729-1730)

Rousseau devient professeur de musique en Suisse pendant un an.

Le jeune homme continue de plus belle les voyages et les rencontres. Il retrouve finalement Mme de Warens à Chambéry.

Livre V (1732-1736)

Rousseau se consacre entièrement à la musique et à l’amour.

Livre VI (1737-1740)

En 1739, des problèmes de santé obligent Rousseau à partir à Montpellier pendant cinq mois. Mme de Warens devient la maitresse d’un autre. Rousseau est au désespoir.

Il part pour Paris.

Livre VII (1741-1747)

Dans la capitale, Rousseau rencontre la lingère Thérèse Levasseur. Ils auront cinq enfants, qu’ils abandonnent à la naissance.

Rousseau rencontre Diderot.

Seconde partie

Livre VIII (1748-1755)

En 1748, Rousseau rencontre chez Mme d’Épinay les encyclopédistes. Diderot lui confie la rédaction des articles de l’Encyclopédie qui concernent la musique et également l’article « Économie politique ».

En 1749, Rousseau écrit son Discours sur les Sciences et les Arts.

Il retourne à Genève et écrit le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. Mme d’Épinay devient sa protectrice et l’aide à aménager à l’Ermitage, petite maison au cœur de la forêt de Montmorency.

Livre IX (1756-1757)

C’est la rédaction du Contrat social, de l’Émile et de La Nouvelle Héloïse. Ayant besoin de solitude pour écrire, il se dispute avec ses proches qui le dérangent.

Livre X (1758-1759)

Rousseau se dispute avec Mme d’Épinay. Il quitte l’Ermitage, et tombe malade.

Livre XI (1760-1762)

En 1761, La Nouvelle Héloïse est publiée. C’est un succès.

En 1762, l’Émile fait en revanche scandale, et Rousseau doit fuir en Suisse.

Livre XII (1762-1765)

Recherché par les autorités françaises, jugé indésirable par les autorités suisses, Rousseau se sent de plus en plus seul. C’est l’Angleterre qui deviendra finalement sa terre d’accueil.

Citation

« Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature, et cet homme, ce sera moi. »

Livre I
« J’arrive enfin ; je vois madame de Warens. Cette époque de ma vie a décidé de mon caractère ; je ne puis me résoudre à la passer légèrement. J’étais au milieu de ma seizième année. Sans être ce qu’on appelle un beau garçon, j’étais bien pris dans ma petite taille ; j’avais un joli pied, la jambe fine, l’air dégagé, la physionomie animée, la bouche mignonne avec de vilaines dents, les sourcils et les cheveux noirs, les yeux petits et même enfoncés, mais qui lançaient avec force le feu dont mon sang était embrasé. Malheureusement je ne savais rien de tout cela, et de ma vie il ne m’est arrivé de songer à ma figure, que lorsqu’il n’était plus temps d’en tirer parti. Ainsi j’avais avec la timidité de mon âge celle d’un naturel très aimant, toujours troublé par la crainte de déplaire. D’ailleurs, quoique j’eusse l’esprit assez orné, n’ayant jamais vu le monde, je manquais totalement de manières : et mes connaissances, loin d’y suppléer, ne servaient qu’à m’intimider davantage, en me faisant sentir combien j’en manquais. »

Livre II
« […] enfoncé dans la forêt, j’y cherchais, j’y trouvais l’image des premiers temps, dont je traçais fièrement l’histoire ; je faisais main basse sur les petits mensonges des hommes ; j’osais dévoiler à nu leur nature, suivre le progrès du temps et des choses qui l’ont défigurée, et comparant l’homme de l’homme avec l’homme naturel, leur montrer dans son perfectionnement prétendu la véritable source de ses misères. Mon âme, exaltée par ces contemplations sublimes, s’élevait auprès de la Divinité, et voyant de là mes semblables suivre, dans l’aveugle route de leurs préjugés, celle de leurs erreurs, de leurs malheurs, de leurs crimes, je leur criais d’une faible voix qu’ils ne pouvaient entendre : “Insensés qui vous plaignez sans cesse de la nature, apprenez que tous vos maux vous viennent de vous !” »

Livre VIII
« Non, non ; j’ai toujours senti que l’état d’auteur n’était, ne pouvait être illustre et respectable qu’autant qu’il n’était pas un métier. Il est trop difficile de penser noblement quand on ne pense que pour vivre. Pour pouvoir, pour oser dire de grandes vérités, il ne faut pas dépendre de son succès. »

Livre IX