Heredia, poète d’origine cubaine, est considéré comme l’un des plus illustres représentants de l’école du Parnasse, un mouvement poétique français de la seconde moitié du XIXe siècle. Ce mouvement s’oppose au romantisme en refusant les épanchements sentimentaux, la puissance du « je » et le lyrisme et en leur préférant l’impersonnalité du sujet. On retrouve dans Les Trophées, unique recueil de l’auteur, publié en 1893, les thèmes chers au Parnasse, comme l’Antiquité, l’Histoire, les mythes et les légendes.
Ce recueil est composé de 118 sonnets, qui retracent l’histoire de l’humanité. Des aquarelles de son ami Ernest Millard de Bois Durand illustrent l’ouvrage.
Heredia fut élu à l’Académie française grâce à la parution du recueil.
Personnages antiques et mythologiques : Bercé par l’Histoire, l’Antiquité et les Mythes, Hérédia se réfère à de nombreuses figures qui apparaissent dans Les Trophées. On retrouve par exemple Persée, fils de Jupiter et de Danaé, qui délivre Andromède, victime d’un monstre marin. Jason et Médée est un autre couple, voué au malheur, que l’on retrouve dans le recueil. On y trouve également, Hercule, Pan, Artémis, les Nymphes, Antoine et Cléopâtre. Marc-Antoine : C’est l’Imperator, Heredia lui voue une forte admiration et vante ses prouesses. Il apparaît comme un demi dieu, comme un être sublime à l’attitude majestueuse. Les conquérants : Ce sont les conquistadors – victorieux – de l’Antiquité qui revenaient avec de riches butins qui inspirent les conquérants du XVe siècle que décrit Heredia dans Les Trophées. Les conquérants sont ceux qui partent conquérir l’Amérique et accèdent à un rêve de richesse. Ils sont présentés en héros et non comme individus particuliers. Leur caractère peut montrer des hommes sans scrupules et violents, des aventuriers grossiers, qui se transforment néanmoins par la grandeur de leurs voyages.
Parmi les conquérants de l’or, on trouve la description détaillée de l’aventurier François Pizarre accompagné du pilote don Bartolomé Ruiz, dont le chemin croise aussi Andagoya, Diego de Almagro, Hernando de Luque.
Héroïsme : Le poète célèbre tout au long du recueil l’énergie héroïque. Jason est par exemple le symbole du Héros magnifié, tout comme l’Imperator dans la Rome antique et par la suite les Conquistadors. Sentiment du néant : Ce sentiment contredit et s’oppose presque à l’ambition héroïque des Trophées. Face à l’espoir et au rêve, l’homme se confronte à l’éphémère. Le monde sensible est voué à la disparition. Les poèmes du recueil relèvent souvent divers adjectifs associés à la fragilité et à la disparition. La beauté est là, dans toute chose, mais elle est figée dans un instant, celui de la vision poétique et du rêve. L’onirisme : C’est le rêve et le dépassement du réel par l’imaginaire que le poète opère par la poétisation de son regard. L’onirisme passe par l’évocation de plusieurs aspects comme l’amour, la beauté, la splendeur, la protection, la forêt, les lumières. Il symbolise l’aspiration au rêve et au merveilleux et reflète très bien la théorie des Parnassiens pour qui seule la beauté à de l’importance (et non pas l’utilité des choses). L’onirisme est le reflet du regard poétique et d’une certaine sensibilité. L’art pour l’art : C’est la revendication principale du Parnasse qui prône des œuvres gratuites, sans revendications sociales ni politiques. Le poète recherche la perfection dont il trouve les modèles dans la mythologie antique, l’érudition et les détails de civilisations authentiques. On appelle plus communément cette démarche le « culte de l’art et de la forme ».
Les Trophées se compose de 118 sonnets. Il retrace ce qu’on nomme « l’histoire de l’humanité » puisque ses poèmes commencent par explorer l’Antiquité classique, passent par la Renaissance, puis par l’Occident grec et romain, par le monde oriental, l’Espagne du romancero (romances espagnoles), jusqu’aux Tropiques.
Le recueil se divise en sept grandes sections : « La Grèce et la Sicile », « Rome et les barbares », « Le Moyen Âge et la Renaissance », « L’Orient et les Tropiques », « La nature et le rêve », « Romancero » et « Les conquérants de l’or ». Ces sections sont des portraits de civilisations et de conquêtes qui ont toutes marquées notre monde.
Ces sections sont elles-mêmes parfois composées de parties.
Il est a noter que chaque détails donnés par Heredia sont « authentiques », appartenant aux légendes ou à une exactitude scientifique (paysages, voyages, etc.). L’art du poème et le culte de la forme sont des caractéristiques de ce parnassien qui attache beaucoup d’importance à livrer une composition correcte, précise et pure.
L’œuvre débute avec une citation de Ronsard et une adresse à Leconte de Lisle dans son épître liminaire.
« La Grèce et la Sicile »
« La Grèce et la Sicile »
« La Grèce et la Sicile » s’ouvre sur « L’Oubli ». Ce premier poème parle de l’indifférence de l’Homme face à douleur de la mer. Quatre sous-parties composent ensuite cette première section consacrée à l’Antiquité classique : « Hercule et les centaures » (cette partie s’ouvre sur « Némée », en évoquant le lion mangeur d’hommes qui ravageait alors le pays et qu’Héraclès tua avant de revêtir sa peau). Hercule vainqueur est le sujet d’éloge du poème suivant. On trouve également un poème dédié à « Nessus », un centaure célèbre qui est à l’origine de la mort d’Héraclès, puis suivent les autres sous-parties : « Artémis et les Nymphes », « Persée et Andromaque », « Épigrammes et Bucoliques ». Grâce à ces héros, Heredia conçoit cette période comme le commencement de toute civilisation.
« Rome et les barbares »
« Rome et les barbares »
« Rome et les barbares » est composée de deux sous-partie : « Antoine et Cléopâtre » et « Sonnets épigraphiques ». Cette section célèbre l’Antiquité latine et comprend le fameux poème « Un soir de bataille ». Le personnage de l’Imperator y est glorifié est marque l’apogée d’une époque.
« Le Moyen Âge et la Renaissance »
« Le Moyen Âge et la Renaissance »
« Le Moyen Âge et la Renaissance » contient une partie intitulée « Les Conquérants ». Cette période marque les conquêtes et l’espoir de nombreux rêves. Elle fascine le poète qui possède un ancêtre conquistador. Heredia décrit ici leur aspiration au rêve, explore le thème du voyage et la peinture des paysages. Même si l’époque antique grecque et latine est désormais révolue, la grandeur des héros passés que le poète nous a décrit auparavant est celle qui motive l’ambition des nouveaux héros.
« L’Orient et les Tropiques »
« L’Orient et les Tropiques »
« L’Orient et les Tropiques » permet au poète de décrire un nouvel espace lointain et exotique qui surprendra davantage ses contemporains.
« La nature et le rêve »
« La nature et le rêve »
« La nature et le rêve » contient une partie sur La mer de Bretagne. Cette description de la nature (que l’on retrouve aussi avec la peinture qu’Heredia fait des paysages lors des voyages des Conquérants) souligne que le poème est surtout beauté et non pas utilité. Au-delà même de la beauté première et évidente des choses, cette apparition est due au regard poétique de l’auteur qui transperce chaque détail. Un monde nouveau est créé, naît de la poétisation et de l’imaginaire qui dépasse le réel (le rêve).
« Romencero »
« Romencero »
« Romencero » se compose de trois poèmes qui reflètent l’identité et les origines latino-américaines (et espagnoles) du poète.
« Les Conquérants de l’or »
« Les Conquérants de l’or »
« Les Conquérants de l’or » décrit le parcours aventurier de François Pizarre qui rêve de l’El Dorado et célèbre en même temps l’histoire des conquistadores et de leurs expéditions maritimes qui ouvrent de nouvelles perspectives et permet la découverte de nouveaux pays (l’Amérique par exemple). En contrepartie, ces expéditions qui marquent l’apparition d’un nouvel Empire sont aussi celles qui annoncent la fin de certaines civilisations (Pizarre et la destruction de l’Empire inca).
« Le temple est en ruine au haut du promontoire.
Et la Mort a mêlé, dans ce fauve terrain,
Les Déesses de marbre et les Héros d’airain
Dont l’herbe solitaire ensevelit la gloire. »
La Grèce et la Sicile, « L’Oubli »
« C’est alors qu’apparut, tout hérissé de flèches,
Rouge du flux vermeil de ses blessures fraîches,
Sous la pourpre flottante et l’airain rutilant,
Au fracas des buccins qui sonnaient leur fanfare,
Superbe, maîtrisant son cheval qui s’effare,
Sur le ciel enflammé, l’Imperator sanglant. »
Antoine et Cléopâtre, « Soir de bataille »« Alors mes doigts tremblants saisissent chaque fil,
Et dans les mailles d’or de ce filet subtil,
Chasseur harmonieux, j’emprisonne mes rêves. »
La Nature et le rêve, « La sieste »
« L’âcre senteur des bois montant de toutes parts,
Chasseresse, a gonflé ta narine élargie,
Et dans ta virginale et virile énergie,
Rejetant tes cheveux en arrière, tu pars ! »
Artémis et les Nymphes, « Artémis »