Les Lettres de Madame de Sévigné sont écrites au XVIIe siècle, en pleine période du classicisme, qui incarne un idéal classique et rationnel.
Ce recueil de lettres, qui n’est alors pas destiné à la publication, regroupe la correspondance entre Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné, et divers membres de sa famille, dont sa fille et son cousin Bussy.
Les destinataires ont conservé près de 1 120 lettres (dont 750 destinées à sa fille). Elles étaient lues à haute voix dans les salons et les cercles aristocratiques. Les premières lettres sont publiées en 1727 et de nombreuses autres éditions suivent.
Lorsque Madame de Sévigné écrit, de 1635 à 1696, ses lettres forment une sorte de gazette de cour et de société, où sont livrés de nombreux renseignements.
Madame de Sévigné : Elle est célèbre à son époque comme femme d’esprit et comme mère passionnée, mais ce n’est pas un écrivain. Dans les salons, on se passe ses lettres de mains en mains, et on lui reconnaît des dons pour la conversation. Ses lettres dépendent surtout de la poste, qui devient fiable grâce à Louvois à ce moment-là. Madame de Grignan : Françoise-Marie, mariée au comte de Grignan en 1669, est la fille de Madame de Sévigné. Elle s’installe dans la Drôme avec son mari en 1671. Deux jours après son départ, Madame de Sévigné commence à écrire des lettres à sa fille. Ces dernières peignent son désarroi face à cette séparation. Bussy-Rabutin : Il est le cousin de Madame de Sévigné. C’est un soldat courageux, un libertin, un homme de cour et un écrivain de talent. Fouquet : Il est procureur du roi au parlement de Paris et surintendant des Finances. Madame de la Fayette : Madame de Sévigné la perçoit comme sa rivale. Chapelain : Il connaît les langues et les littératures de l’Antiquité classique, celles d’Italie et d’Espagne. Il a un rôle de pédagogue auprès de la future Mme de Sévigné et la conseille sur tout. Retz : Il est perçu comme un prêtre scandaleux et opportuniste. Néanmoins, il va quitter ce personnage pour devenir l’un des grands écrivains de son temps.
L’amour : C’est avant toute chose l’amour d’une mère pour sa fille, un amour débordant. L’absence de l’être aimé se comble par l’écriture. La religion : Madame de Sévigné possède une grande spiritualité. On retrouve dans sa correspondance de nombreuses lettres religieuses. Quand elle écrit à sa fille, elle désacralise le langage religieux (elle emprunte le vocabulaire de la morale chrétienne et le substitue à des propos profanes. On peut voir également de nombreuses références bibliques dans ses écrits, et le fait qu’elle apprécie la pensée janséniste. La noblesse, et la mondanité : Madame de Sévigné décrit à travers ses lettres la vie à Paris et la vie à la campagne, les jeux d’esprit et les conversations de salon, les jeux verbaux, la description des manières des mœurs, des costumes de la noblesse. Elle y décrit également les fêtes et la vie à la cour. Les relations humaines : Madame de Sévigné ne craint pas de juger les gens de la cour, de livrer son avis, de relater les rumeurs, et de décrire le fonctionnement hiérarchique.
Madame de Sévigné établit une forte correspondance avec sa fille et avec de nombreux proches. Les lettres de la Marquise sont, envers sa fille, extrêmement passionnées et parfois même anxieuses, dû à la distance qui les sépare. Le but de ses écrits est de combler l’absence de sa fille par l’écriture et de plaire aux lecteurs des salons qui lisent également les lettres reçues.
L’ouvrage contient, pour le plus grand nombre, des lettres d’une mère à sa fille où Madame de Sévigné lui confie les événements importants de la cour, mais lui témoigne aussi tout son amour de mère et lui exprime sa douleur d’être si loin d’elle.
Un autre destinataire, important et récurrent, est son cousin Bussy à qui elle expose la vie mondaine et les derniers ragots de la cour.
Ce recueil permet de rendre compte d’une écriture légère et naturelle et transmet les informations clés de l’époque. Madame de Sévigné livre les anecdotes et les détails les plus triviaux.
L’une des lettres phares, sur l’histoire du XVIIe siècle, est le rapport qu’elle fait sur le procès de Fouquet. L’ouvrage contient également d’autres événements importants comme le passage du Rhin, le mariage de la Grande Mademoiselle, la mort de Turenne, la disgrâce de Pomponne, la mort de Condé, celle de Louvois.
D’autres passages décrivent les costumes, les gestes, les paroles et les anecdotes de la cour. On apprend comment on vivait à Paris et à la campagne : quels étaient les sujets de conversation, comment on jugeait les livres nouveaux, ce que l’on voyait au théâtre, comment on voyageait, comment on prenait les eaux de Vichy ou de Bourbon, comment se préparait un mariage, se traitait une affaire, se perdait un procès, comment on traitait ses égaux et ses inférieurs, ce qu’était un salon, une ferme, un pré, un paysan, un jardinier, un valet…
L’ensemble se fait sous le trait d’une impression rapide, au jour le jour.
« Je m’en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus digne d’envie : enfin une chose dont on ne trouve qu’un exemple dans les siècles passés, encore cet exemple n’est-il pas juste ; une chose que l’on ne peut pas croire à Paris (comment la pourrait-on croire à Lyon ?) ; une chose qui fait crier miséricorde à tout le monde ; une chose qui comble de joie Mme de Rohan et Mme d’Hauterive ; une chose enfin qui se fera dimanche, où ceux qui la verront croiront avoir la berlue ; une chose qui se fera dimanche, et qui ne sera peut-être pas faite lundi. Je ne puis me résoudre à la dire ; devinez-la : je vous la donne en trois. Jetez-vous votre langue aux chiens ? Eh bien ! il faut donc vous la dire : M. de Lauzun épouse dimanche au Louvre, devinez qui ? Je vous le donne en quatre, je vous le donne en dix ; je vous le donne en cent ».
Lettre de Madame de Sévigné à M. de Coulanges, le 15 décembre 1670« Je suis au désespoir que vous ayez eu Bajazet par d’autres que par moi. C’est ce chien de Barbin qui me hait, parce que je ne fais pas des Princesses de Montpensier. Vous en avez jugé très juste et très bien, et vous aurez vu que je suis de votre avis. Je voulais vous envoyer la Champmeslé pour vous réchauffer la pièce. Le personnage de Bajazet est glacé ; les mœurs des Turcs y sont mal observées ; ils ne font point tant de façons pour se marier ; le dénouement n’est point bien préparé : on n’entre point dans les raisons de cette grande tuerie Il y a pourtant des choses agréables, et rien de parfaitement beau, rien qui enlève, point de ces tirades de Corneille qui font frissonner. Ma fille, gardons-nous bien de lui comparer Racine, sentons-en la différence. Il y a des endroits froids et faibles, et jamais il n’ira plus loin qu’Alexandre et qu’Andromaque. Bajazet est au-dessous, au sentiment de bien des gens, et au mien, si j’ose me citer. Racine fait des comédies pour Champmeslé : ce n’est pas pour les siècles à venir. Si jamais il n’est plus jeune et qu’il cesse d’être amoureux, ce ne sera plus la même chose. Vive donc notre vieil ami Corneille ! Pardonnons-lui de méchants vers, en faveur des divines et sublimes beautés qui nous transportent : ce sont des traits de maître qui sont inimitables. Despréaux en dit encore plus que moi ; et en un mot, c’est bon goût : tenez-vous-y. »
Lettre de Madame de Sévigné à sa fille Madame de Grignan, le 16 mars 1672« M. de Luxembourg est entièrement déconfit ; ce n’est pas un homme, ni un petit homme, ce n’est pas même une femme, c’est une petite femmelette. »
Lettre de Madame de Sévigné à sa fille Madame de Grignan, le 30 janvier 1680« Voici un terrible jour, ma chère fille ; je vous avoue que je n’en puis plus. Je vous ai quittée dans un état qui augmente ma douleur. Je songe à tous les pas que vous faites et à tous ceux que je fais, et combien il s’en faut qu’en marchant toujours de la sorte, nous ne puissions jamais nous rencontrer. Mon cœur est de repos quand il est auprès de vous : c’est son état naturel et le seul qui peut plaire. […] J’ai le cœur et l’imagination tout remplis de vous ; je n’y puis penser sans pleurer, et j’y pense toujours, et je trouve que tout me manque, parce que vous me manquez. Mes yeux qui vous ont tant rencontrée depuis quatorze mois ne vous trouvent plus. »
Lettre de Madame de Sévigné à sa fille Madame de Grignan, le 5 octobre 1673