Le Manifeste du Surréalisme a été écrit dans une période charnière de l’Histoire de l’art. En effet, le XXe siècle sera porteur de mouvements artistiques novateurs, qui briseront nombre de tabous et d’interdits. On voit émerger deux courants, les « anciens », héritiers d’Apollinaire et les « nouveaux » : Cocteau, Raymond Radiguet, Pierre Drieu, La Rochelle… Dans ce cadre André Breton se pose en insurgé, en putschiste. Il ambitionne de « tuer » l’art traditionnel. Il dépasse ce clivage pour mieux révolutionner l’art et sa vision. Alors que le monde a traversé son premier grand conflit moderne (la Première Guerre mondiale), a découvert la psychanalyse et étudie la folie, le surréalisme va émerger et donner un visage, une synthèse à ce contexte troublé.
Le Manifeste est donc initialement publié en 1924. Originalement, il s’agit d’une simple préface au recueil de textes automatiques Poisson soluble de Breton, ce qui explique la brièveté du texte. Mais ce dernier décide d’en faire un ouvrage à part, de lui donner une plus grande importance. Il sera suivi d’un Second Manifeste en 1929, qui mettra l’accent sur le militantisme politique.
La folie : Élément essentiel de la vie de Breton, la folie est un des thèmes récurrents de la première partie du texte. Il s’agit d’un remède contre les maux que la société impose. Les fous sont présentés comme étant des créateurs sans limites, à l’honnêteté parfaite. Cela prend racine dans son expérience des hôpitaux psychiatriques. L’imagination : Il s’agit d’un des thèmes les plus importants du texte, il s’agit de la libérer totalement, sans aucune des restrictions traditionnelles. Cela s’inscrit complètement dans son travail auprès de patients d’hôpitaux psychiatriques, chez qui il voit des artistes bien plus que des malades mentaux. Le langage : Il s’agit de l’outil surréaliste par excellence, pour Breton, c’est même le but suprême qu’il nous permet d’atteindre. Il s’agit d’un don qui permet d’atteindre un état de conscience supérieur, la liberté de la pensée. Il se doit de se dégager des carcans de la politesse pour atteindre un niveau de pureté absolue.
Le texte court sur une vingtaine de pages (cela peut varier selon les éditions). Il s’agit d’un manifeste, soit une déclaration officielle scellant la naissance d’un mouvement. En ce sens, il est à l’image du mouvement dont il annonce la venue, le surréalisme. Écrit avec une plume légère et versatile, il détaille les vues de l’auteur sur les maux artistiques de son époque et les moyens d’y remédier.
Après une longue introduction évoquant les périls dans lesquels l’imagination et la liberté individuelles se trouvent misent en péril. Il s’agit de montrer que la société moderne et les illusions dans lesquelles elle nous berce constituent un piège, dont les fous ont réussi à se libérer. Il y sera question de l’utilité créative des rêves et de psychanalyse. Puis Breton attaque le vif du sujet, l’art.
Dans une première partie, il fait un état des lieux artistique, met en avant un certain nombre de considérations sur l’art et comment celui-ci a été façonné au fil du temps. Il y parle notamment de romans, des approches réalistes et merveilleuses, cette dernière étant la seule à trouver grâce à ses yeux. Il évoque les tabous et les conventions, dans lesquels les créateurs se sont retrouvés, selon lui, prisonniers.
La seconde partie est plus précise, et ressemble, du moins en terme de structure, à ce qu’on attend d’un manifeste. Cette fois, il s’agit de se donner les moyens de lutter contre les périls cités plus haut. Il y sera question d’imagination, du rapport particulier à la mort que doit entretenir un artiste. Le ton employé est souvent ironique et permet de mettre en avant la perte de contrôle que le disciple du surréalisme se doit d’observer (les articles « Pour écrire de faux romans » et « Pour ne plus s’ennuyer en compagnie » sont des passages férocement drôles). Des extraits de poèmes et d’œuvres surréalistes de Lautréamont, Desnos ou Louis Aragon sont présentés à titre d’exemple, ainsi qu’un poème fait à partir de mots découpés dans un journal. Il s’agit de parler d’action dans cette deuxième partie, de dépasser la théorie énoncer plus haut pour donner des armes aux artistes révolutionnaires qui suivront.
Le texte se termine sur une conclusion où Breton livre l’essence du message du mouvement et offre quelques images surréalistes.
« Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale »« Le surréalisme est le ‟rayon invisible” qui nous permettra un jour de l’emporter sur nos adversaires. »« Tranchons-en : le merveilleux est toujours beau, n’importe quel merveilleux est beau, il n’y a même que le merveilleux qui soit beau. »« L’esprit qui plonge dans le surréalisme revit avec exaltation la meilleure part de son enfance. C’est un peu pour lui la certitude de qui, étant en train de se noyer, repasse, en moins d’une minute, tout l’insurmontable de sa vie. »