Fiche de lecture
Pantagruel, François Rabelais
Contexte

Pantagruel, dont le titre complet est Les horribles et épouvantables faits et prouesses du très renommé Pantagruel Roi des Dipsodes, est le premier livre de Rabelais. Son auteur le fait paraître sous pseudonyme, à cause de son humour parfois grossier mais aussi parce qu’il s’agit avant tout d’une critique moqueuse de ses contemporains. Le roman fut tout de suite apprécié, ce qui incita Rabelais à en écrire une suite qui reprend le personnage, désormais emblématique, de Pantagruel.
Farce burlesque et bouffonne en apparence, Pantagruel est aussi une œuvre philosophique, porteuse des valeurs de la Renaissance.

Personnages

Pantagruel : C’est le héros de ce récit. C’est un géant dont la taille et la force sont exceptionnelles. Selon les péripéties cependant, l’auteur le présente plus ou moins grand, jouant ainsi avec les codes de la fiction. C’est également un homme droit et courageux, d’une grande intelligence, très curieux et instruit.
Panurge : Ami de Pantagruel, il est cultivé et habile parleur, mais sans être mauvais homme, il n’a pas la vertu de Pantagruel. Il est au contraire farceur et espiègle, et s’amuse à jouer quelques mauvais tours.
Loup Garou : Il est le chef d’une armée adverse. Tout aussi grand que Pantagruel, il est en outre accompagné par une horde de géants. On ne peut donc imaginer adversaire plus redoutable.
Gargantua : Il est le père de Pantagruel. Il est tout aussi bienveillant et moral que son fils.

Thèmes

Un livre humaniste : L’idéal humaniste de la Renaissance est très fortement représenté dans ce livre, qui ne peut pas se comprendre sans faire référence à ces valeurs. Malgré l’humour et la légèreté de Pantagruel, il faut aussi le lire comme une œuvre manifeste, qui propose un nouveau modèle éthique, celui de la connaissance et de la curiosité intellectuelle, opposées à l’obscurité du Moyen Âge. À ce titre, le géant Pantagruel est le symbole de la Renaissance, plus grande que l’époque qui l’a précédée, et qui s’élève au-dessus du reste.
Pantagruel est lui-même un parfait humaniste. Il fait le tour des universités pour parfaire son éducation. Plus encore, il ne cherche pas à se spécialiser dans un domaine qui lui apportera la gloire, mais au contraire à étendre le plus possible ses connaissances. C’est donc un modèle de l’honnête homme, à la vaste érudition et à la curiosité sans limite.
Pantagruel fait également sans cesse usage de sa raison, et aux conventions scolastiques des savants qu’il rencontre, il oppose sa rationalité, qui révèle toute l’absurdité des pratiques de ses contemporains.
Mais Pantagruel ne cherche pas les connaissances uniquement pour les connaissances. C’est également un être moral et droit, qui incarne parfaitement cette célèbre phrase de Rabelais : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »
Un roman burlesque : Pantagruel est l’œuvre de tous les contrastes, puisqu’au-delà de cette dimension philosophique, elle est également traversée par un humour burlesque et d’une grande bouffonnerie. Les noms des personnages, toujours farfelus, en sont déjà l’indication. Les péripéties sont délirantes, toujours hyperboliques, et donnent un caractère parodique au roman. L’humour est volontiers potache (ainsi la scène où Pantagruel urine sur le camp adverse), mais également moqueur et accusateur (par exemple lorsqu’il se moque du ridicule des savants).

Toutes les exagérations de Pantagruel sont également la marque d’une gourmandise de l’écriture qui, telle le géant Pantagruel, peut s’étendre en tous sens, inventer sans limite, décrire abondamment, et atteindre le plus haut comme le plus bas.

Résumé

Dans un prologue, Alcofribas Nasier (anagramme de François Rabelais) se présente comme l’ancien valet de Pantagruel et invite le lecteur à croire la véracité des propos qui vont suivre.

Commençant la généalogie depuis le début, l’auteur raconte l’apparition des géants, après la mort de Caïn : le sang de celui-ci a gorgé la terre de sang, si bien que les nèfles, très vigoureux, transformèrent certains hommes en géants.
Pantagruel est le fils de Badebec, morte en couche, et de Gargantua, roi d’Utopie, qui décida de s’occuper soigneusement de l’éducation de son fils.
Pantagruel a très tôt un énorme appétit, très vite incontrôlable.
Une fois adulte, il décide d’aller dans plusieurs universités de France. Il étudie le droit à Orléans, et il rend service aux habitants de la ville en déterrant de son petit doigt une cloche qui était enterrée depuis plus de deux siècles.
Il part ensuite à l’université de Paris et poursuit ses études. Gargantua l’encourage dans ces études pluridisciplinaires.
Un jour, Pantagruel rencontre Panurge, un pauvre homme que le géant apprécie aussitôt. Panurge est un peu brigand, car toujours à court d’argent, fondamentalement malicieux, malin, drôle, et irrévérencieux.
Pantagruel est devenu un grand érudit admiré de tous. On lui demande un jour de trancher un litige. Il choisit d’entendre le débat des deux parties, de vive voix et en français, plutôt que de lire un dossier écrit en latin. Les deux parties tiennent des propos si incompréhensibles que, par dérision, Pantagruel rend un jugement tout aussi abscons. À sa grande surprise, il est félicité.

Un jour Pantagruel reçoit un message de son père l’informant que son royaume est envahi par les Dipsodes et que la ville des Amaurotes est assiégée. Pantagruel, entourés de quelques compagnons, se porte au secours de son père.
Arrivés en Utopie, ils échappent à une première attaque et obtiennent des renseignements : Anarche, roi des Dipsodes, accompagne ses troupes, lesquelles sont dirigées par Loup Garou, un géant aussi grand que Pantagruel.
Par ruse, Pantagruel réussi à enivrer l’ennemi, puis ses compagnons mettent le feu à leurs poudres. Pantagruel urine sur le campement pour le noyer. Mais Loup Garou arrive avec trois cents géants. Pantagruel et Loup Garou s’engagent dans un combat singulier. Pantagruel aveugle Loup Garou en lui jetant du sel dans les yeux, et abat les autres géants avec le corps de leur chef.
Epistemon, ami de Pantagruel, a eu la tête coupé, mais Pantagruel la lui recoud et le guérit grâce à un « onguent ressuscitatif ». Epistemon raconte alors ce qu’il a vu dans l’au-delà.

Pantagruel part chez les Dipsodes avec une armée pour soumettre le pays. Un jour, alors qu’ils assiègent une ville, une violente pluie les surprend et Pantagruel tire la langue pour que ses hommes s’abritent dessous. Alcofribas en profite pour entrer dans la bouche du géant et explorer l’intérieur de son corps. Il découvre tout un monde, des villes, des habitants, des forêts, des plaines, et n’en ressort que six mois plus tard, alors que Pantagruel a conquis le pays des Dipsodes.
Pantagruel étant tombé malade, des hommes entrent dans des capsules métalliques et se laissent descendre en lui pour le guérir.
Le récit prend fin et Alcofribas s’adresse à nouveau au lecteur. Il s’excuse des balivernes qu’il a racontées, et qui n’avaient d’autres but que de divertir le lecteur.

Citation

« Alors je vins à lui disant : ‟Messire, tu perds ici ton temps, car tu ne te tueras jamais ainsi : tu te blesseras peut-être quelque part, dont tu languiras toute ta vie entre les mains des chirurgiens : mais si tu veux, je te tuerai ici, tout franchement, en sorte que tu n’en sentiras rien, et tu peux m’en croire ; car j’en ai tué bien d’autres qui s’en sont fort bien trouvés.” »

Chapitre IX – Comment Panurge raconta la manière dont il échappa de la main des Turcs


« Boire est le propre de l'homme, […] boire vin bon et frais, et de vin, divin on devient. »

Chapitre XLVIII – Comment nous arrivâmes à l’Oracle de la Bouteille


« Puis je descendis par les dents de derrière pour aller aux lèvres ; mais en passant je fus détroussé par des brigands dans une grande forêt, qui est vers les oreilles.

Puis je trouvai une petite bourgade en redescendant, dont j’ai oublié le nom, où je fis encore meilleure chère que jamais, et où je gagnai un peu d'argent pour vivre. Savez-vous comment ? À dormir ; car on loue les gens à la journée pour dormir, et ils gagnent cinq à six sous par jour ; mais ceux qui ronflent bien fort gagnent bien sept sous et demi. Je racontai aux sénateurs comment on m'avait détroussé dans la vallée ; ils me dirent qu'en vérité les gens qui vivaient au-delà, étaient méchants et brigands de nature ; à cela je vis que, de même que nous avons des contrées en deçà et au- delà des monts, de même ils en ont en deçà et au-delà dents ; mais il fait bien meilleur vivre en deçà et l'air y est meilleur. »

Chapitre XVIII – Comment Pantagruel de sa langue couvrit toute une année, et ce que l’auteur vit dans sa bouche