Fiche de lecture
Un Barrage contre le Pacifique, Marguerite Duras
Contexte

Inspiré par sa propre enfance en Indochine, Duras livre le témoignage poignant d’une famille française qui tente de survivre dans un pays qui se révèle de plus en plus hostile. Roman plus ou moins autobiographique, on y découvre le personnage de la mère, femme forte et indomptée au caractère très fort et qui tente en vain de lutter contre les éléments et contre son propre échec. Ce personnage, réellement calqué sur celui de sa propre mère, permet à Duras de dévoiler cette part de sa vie, et de s’auto-analyser. C’est un voyage dans son propre passé, et en écrivant, elle se libère de l’emprise de cette mère omniprésente.

Personnages

La mère : Institutrice d’un âge non défini, elle est veuve et tente de cultiver sans succès sa terre face à la mer de Chine. Elle est usée par la vie, obstinée et têtue, et elle va peu à peu sombrer dans le désespoir et la folie.
Suzanne : La cadette a 17 ans. Elle est très belle et fait tout pour le bonheur de sa famille.
Joseph : Ainé de la famille, il a 20 ans. C’est un jeune homme solide et bien bâti. Il n’hésite pas à défendre sa famille avec son fusil de chasse.
M. Jo : Riche jeune homme chinois. Il est doté d’un physique disgracieux et tombe fou amoureux de Suzanne.
Jean Agosti : Ami de Joseph et Suzanne.

Thèmes

L’autobiographie : En racontant son passé à travers des personnages plus ou moins fictionnels, Duras se confie intimement au lecteur. Le fait de raconter sa mère à travers le récit, lui permet une catharsis : elle se libère de son emprise. Ce roman, mis en parallèle avec son autre succès autobiographique L’Amant, fait découvrir au lecteur un autre point de vue sur cette enfance, démêlant le vrai du faux, le réel de l’imaginaire.
Les forces de la nature : En se battant contre l’océan, un élément mouvant par définition indomptable, la mère met en lumière la force de la nature que l’Homme ne peut contrôler. Par sa hargne et sa volonté à lutter dans un combat perdu d’avance, elle symbolise également la force de l’Homme à ne jamais lâcher prise pour assurer sa survie.
Les unions forcées : Les prétendants valsent autour de Suzanne. Bien que première concernée, son avis importe au final, très peu, sa mère ayant le dernier mot. Le mariage n’est plus un symbole d’amour mais une échappatoire à la misère. Le clivage entre les différentes classes sociales est bien marqué, avec d’un coté les paysans luttant pour survivre et de l’autre les riches bourgeois qui décident du sort des plus pauvres en les manipulant.

Résumé

Première partie

En Indochine, sur la plaine de Kam, une mère et ses deux enfants observent un vieux cheval mourant. Des années auparavant, un couple français est venu faire fortune en Indochine. Deux enfants virent le jour : Suzanne et Joseph. Après le décès du père, la famille connaît des difficultés, notamment à cause d’un investissement dans des terres incultivables car inondées en permanence par la mer. La famille est ruinée et tente coûte que coûte de chasser la montée du Pacifique de leur terrain chaque année, grâce à un barrage qui faut reconstruire sans cesse.

Dans un café du village voisin, la famille rencontre M. Jo, un riche fils de planteurs au physique ingrat. Il s’éprend immédiatement de Suzanne. Il multiplie ses visites mais la famille le méprise. La mère y voit cependant un moyen d’en tirer profit en l’unissant à sa fille.

M. Jo multiplie les cadeaux afin de conquérir Suzanne. En échange d’un phonographe, il demande à la voir nue. Attirée par le gain, la mère oblige Suzanne à accepter. Elle force le jeune homme à faire sa proposition, mais celui-ci, déjà engagé à épouser une jeune fille de son rang, s’esquive. Néanmoins il continue à promettre amour et richesse à Suzanne et lui offre une bague en diamant. Joseph, furieux, exige de Suzanne qu’elle lui rende le bijou. M. Jo bouleversé, lui laisse la garder. La famille se déchire à propos de la bague, Suzanne est battue par sa mère, Joseph s’interpose. La famille décide de couper le contact avec le prétendant.

Deuxième partie

La famille se rend à Saigon pour vendre le diamant et sont accompagnés par Carmen, une ancienne maîtresse de Joseph. Après analyse, ils apprennent que la pierre contient un crapaud (un défaut dans le diamant) et que sa valeur est réduite de moitié. La mère force alors Suzanne à renouer avec M. Jo pour lui soutirer d’autres objets de valeur. Joseph profite de la vie de débauche que peut offrir la grande ville.

Carmen conseille à Suzanne de révéler son potentiel de séduction afin d’attirer un mari riche mais idiot. Elle lui prête une robe osée, un peu d’argent et l’incite à se promener seule en ville. Cette expérience ne lui plaît pas du tout et, de honte, elle se réfugie dans un cinéma où elle croise son frère accompagné de deux prostituées. Joseph disparaît pendant huit jours : il est tombé amoureux. Pendant son absence, la mère abuse de sédatifs et Suzanne passe son temps au cinéma.

Par l’intermédiaire de Carmen, Suzanne présente un nouveau prétendant à sa mère, Barner, mais celui ci est finalement éconduit. Elle croise M. Jo en ville qui l’accompagne au cinéma, elle repousse de nouveau ses avances.

Joseph annonce qu’il a trouvé acheteur pour le diamant : la femme qu’il aime est intéressée. Avec l’argent de la vente, la mère rembourse ses dettes et demande à emprunter à nouveau en vain. Sur le chemin du retour, Joseph tend le diamant à sa mère que l’acheteuse lui à finalement rendu.

Dans la maison familiale, Joseph se languit de sa bien-aimée. Il raconte à Suzanne leur histoire : Il a rencontré un couple à Saigon, dont le mari était d’accord pour qu’il passe huit jours avec sa femme Lina. C’est elle qui lui a acheté le bijou et qui lui a rendu.

Il montre ensuite à Suzanne une lettre de leur mère adressée aux gens du cadastre, où elle s’y plaint d’avoir été escroquée.

Un soir, Lina arrive en voiture. Elle est venue chercher Joseph, qui s’en va, laissant sa mère accablée. La mère tombe petit à petit dans une profonde dépression. Suzanne pense à son frère avec nostalgie, elle attend en vain que quelque chose viennent bousculer sa vie.

Par l’intermédiaire de sa mère, Suzanne rencontre Jean Agosti, un jeune homme qu’elle à chargé de vendre la bague une nouvelle fois. Elle se donne finalement à lui dans une clairière mais lui fait bien comprendre qu’elle ne l’épousera pas. La mère entre dans le coma puis s’éteint, Joseph revient lui rendre hommage. Agosti insiste pour que Suzanne reste avec lui mais elle décide d’aller à la ville, et part avec Joseph et Lina.

Citation

« Et c’est le lendemain à Ram qu’ils devaient faire la rencontre qui allait changer leur vie à tous. Comme quoi une idée est toujours une bonne idée, du moment qu’elle fait faire quelque chose, même si tout est entrepris de travers, par exemple avec des chevaux moribonds. »

Première partie
« Et dans toute la colonie, partout où il y avait des routes et des pistes, les enfants et les chiens errants étaient considérés comme la calamité de la circulation automobile. Mais, à cette calamité, jamais aucune contrainte, aucune police, aucune correction, n’avait pu remédier. La piste restait aux enfants. Quand un automobiliste en écrasait un il s’arrêtait parfois, payait un tribut aux parents et repartait. Le plus souvent il repartait sans rien payer, les parents étant loin. Mais quand c’était un chien ou une volaille ou même un porc, les automobilistes ne s’arrêtaient pas. »

Première partie
« Les barrages de la mère dans la plaine, c’était le grand malheur et la grande rigolade à la fois, ça dépendait des jours. C’était terrible et c’était marrant. Ca dépendait de quel côté on se plaçait, du côté des crabes qui en avaient fait des passoires, ou au contraire, du côté de ceux qui avaient mis six mois à les construire dans l’oubli total des méfaits pourtant certains de la mer et des crabes. »

Première partie
« C’est pas que je l’empêche de coucher avec qui elle veut mais vous, si vous voulez coucher avec elle, faut l’épouser. C’est notre façon à nous de vous dire merde. »

Première partie