Fiche de lecture
Une Saison en Enfer, Arthur Rimbaud
Contexte

Une Saison en Enfer est écrit en pleine période de crise. En juillet 1873, Rimbaud est de retour dans sa ferme familiale de Roche, après sa rupture douloureuse avec Verlaine. Ce dernier, ivre, lui a tiré dessus à deux reprises et s’est retrouvé incarcéré. Après une longue absence parisienne, ponctuée de séjours à Londres et Bruxelles, Rimbaud se ressource dans ces lieux familiers.

À l’origine, le recueil devait s’intituler Livre nègre ou Livre païen. Il s’agit d’une ébauche commencée quelques mois plus tôt, que Rimbaud va retravailler pour en faire un opus cathartique, empreint de déception et porteur d’une critique sans concession de la société. Rimbaud a alors 19 ans.

Thèmes

La religion : La religion est un élément récurrent de ce recueil. Rimbaud s’y projette comme un damné, un adorateur du diable, un païen barbare. Les croyants son présentés comme des mendiants. Pourtant, Rimbaud n’aspire qu’à être aidé et compris des hommes et de leur Dieu, sa posture est donc complexe, entre marginalité et volonté de normalité.
Le poète : Le poète est un être hybride, à la croisée des chemins. Il est porteur d’un verbe divin mais a des ambitions démoniaques. Il erre sur des sentiers perdus et s’éloigne des voies du Seigneur. Rimbaud y donne sa vision de la poésie, qui consiste à se réfugier dans des mondes nouveaux créés par ses soins, pour se préserver de la réalité quand elle se fait trop dure.
Les relations amoureuses : C’est une thématique centrale du recueil, qui trouve un écho dans la vie tumultueuse du jeune auteur. Les relations amoureuses sont présentées comme destructrices et porteuses d’une certaine folie. La dépendance absurde qu’elle engendre est dangereuse.
Le passé fantasmé : Qu’il s’agisse de son passé en tant qu’individu, de celui de son peuple (la « race inférieure ») ou encore de celui de ceux de l’Occident et de l’Orient, la place qui lui est accordé est grande. Rimbaud y voit un moyen de justifier, de donner corps à ses tourments. Le passé explique tout mais il est parfois un refuge dans lequel il peut se draper pour reprendre des forces, aussi illusoire que puisse sembler cette solution.

Résumé

Le recueil est assez bref, il ne comporte en tout que sept poèmes (« Délires » est coupé en deux parties, qui forment un tout).

Il s’ouvre sur « Jadis, si je me souviens bien… » un texte en prose qui remplit pleinement sa fonction d’introduction. En quelques lignes, Rimbaud évoque un passé chantant, disparu dans la rage de ses errances et qu’il espère retrouver. Malheureusement, il ne semble pas y être parvenu et la déception et le fiel sont les seules choses qu’il trouva.

Ensuite, avec « Mauvais sang », Rimbaud dresse son propre portrait. Martyr chrétien, victime de son époque sans pitié, il n’aspire qu’à la tranquillité d’un passé fantasmé tout en exacerbant ses vices et défauts.

« Nuit de l’Enfer » semble raconter les réflexions et les rêves fiévreux de Rimbaud, où Dieu et le Diable s’affrontent et où son enfance ressurgit. Le feu y est utilisé comme métaphore du mal et de la douleur qui rongent l’auteur, mais aussi comme image du jour qui se lève et qui fait souffrir Rimbaud pour une journée de plus.

C’est alors que débute la principale pièce du recueil : « Délires ». La première partie, baptisée « Vierge Folle » et sous-titrée « L’Époux infernal », évoque une relation amoureuse destructrice, empreinte de passion, de mélancolie et de dépendance. On trouve toujours des références religieuses, ici au Ciel. La deuxième partie, appelée « Alchimie du berbe », contient d’abord sa profession de foi en tant que poète, rédigée en prose. S’ensuit une alternance de cours poèmes en verts, entrecoupés de prose. Ces parties en prose servent de fil conducteur, et prolongent l’introspection de l’auteur. Rimbaud y traite de la beauté, et des moyens de la figer et de la représenter au travers de la poésie.

Ensuite, « L’impossible » évoque la société occidentale dans ce qu’elle a de plus dédaigneux et de plus méprisable. Rimbaud y opère une comparaison peu flatteuse entre un Occident décadent et futile, et un Orient empreint de sagesse et fantasmé. Il s’y plaint d’être né en ces temps et ces lieux damnés.

« L’éclair » se veut être un éloge de la paresse, de la lenteur face au progrès des temps modernes et au labeur abrutissant.

« Matin », comme une aube empreinte de soulagement, évoque la fin de son enfer personnel, sa réconciliation avec la vie et ses semblables.

« Adieu » confirme cet état de fait. Rimbaud a abandonné ses démons et embrasse le monde moderne et la réalité avec tous ses défauts. Il peut enfin rire de ses malheurs et aspirer à une forme de vérité.

Citation

« Nous voyagerons, nous chasserons dans les déserts, nous dormirons sur les pavés des villes inconnues, sans soins, sans peines. »

« Délires »
« Je me crois en enfer, donc j’y suis. »

« Nuit de l’Enfer »
« Et nous existerons en nous amusant, en rêvant amours monstres et univers fantastiques, en nous plaignant et en querellant les apparences du monde, saltimbanque, mendiant, artiste, bandit, – prêtre ! »

« L’éclair »
« J’ai créé toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames. J’ai essayé d’inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues. J’ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels. Eh bien ! je dois enterrer mon imagination et mes souvenirs ! Une belle gloire d’artiste et de conteur emportée ! »

« Adieu »