Dans ce roman que l’on peut qualifier d’autobiographie romancée, Céline s’inspire de ses propres expériences. D’abord à l’armée, lors de la Première Guerre mondiale, où il a pris part aux combats dans les Flandres, puis en Afrique, où il surveillait des plantations, et enfin, dans l’évocation de son expérience de médecin.
L’époque de la rédaction du roman est antérieure à celle de l’implication de l’écrivain dans les polémiques, suscitées par ses pamphlets antisémites. En revanche, le roman se fait le reflet du profond dégoût de Céline pour la guerre, la société impérialiste et capitaliste, et plus généralement, pour la nature humaine.
Ferdinand Bardamu : Il s’agit du narrateur du livre. Figure de l’antihéros, on peut le voir comme l’avatar littéraire de Céline lui-même. Léon Robinson : Ami de Ferdinand rencontré pendant la guerre alors qu’il tentait de déserter, Robinson l’accompagne ensuite en Afrique, puis en Amérique, avant de rentrer en France avec lui.
Lola : Infirmière de guerre, elle s’oppose à Ferdinand sur sa vision de la guerre. Pour elle, combattre est une action patriotique et héroïque, et Ferdinand ne parvient pas à lui faire comprendre l’horreur de la réalité du champ de bataille. Alcide : Alcide est un sergent au caractère cynique dont Ferdinand fait la connaissance en Afrique, et qui exploite les Noirs en leur extorquant leurs salaires. Molly : Inspirée par Élizabeth Craig, une danseuse américaine dont Céline était épris, Molly soutient Ferdinand moralement et financièrement lors de son voyage en Amérique. Bébert : Bébert est un enfant de sept ans issu des couches populaires. Lorsqu’il tombe gravement malade, Ferdinand fait tout pour le sauver, en vain. Les Henrouille : Ce couple de la classe moyenne démontre la vacuité de l’existence lorsqu’après avoir économisé toute leur vie pour s’acheter une maison dont ils rêvent, ils s’aperçoivent une fois installés que leur vie n’a plus de sens. Le docteur Baryton : Aliéniste à l’asile de Vigny-sur-Seine où travaille Ferdinand pendant un temps, Baryton se distingue des autres personnages du récit par un certain équilibre, et pourtant, il finit par sombrer dans la folie.
La guerre : Le roman évoque l’absurdité de la guerre et dénigre les valeurs du patriotisme et de l’héroïsme. Céline valorise au contraire la lâcheté, seul comportement qui permet de rester en vie.
« Toute possibilité de lâcheté devient une magnifique espérance à qui s’y connaît. C’est mon avis. Il ne faut jamais se montrer difficile sur le moyen de se sauver de l’étripade, ni perdre son temps non plus à rechercher les raisons d’une persécution, dont on est l’objet. Y échapper suffit au sage. » La misère : Le monde de Voyage au bout de la nuit est un monde ravagé par la pauvreté. La misère est également morale et intellectuelle : Bardamu erre dans un monde dépourvu de sens comme de valeurs. La mort : Voyage au bout de la nuit peut se lire comme un voyage initiatique, une longue préparation à la mort.
« C’est peut-être ça qu’on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir. » L’amour : Dans le roman, l’amour représente encore un autre idéal qui conduit à l’échec et à la fuite.
Le roman est découpé en chapitres non numérotés. Néanmoins, on peut distinguer quatre grandes parties qui forment les différentes étapes du voyage métaphorique auquel le titre fait allusion.
Première partie : La guerre
Première partie : La guerre
Ferdinand est jeune et décide de s’engager dans l’armée, pensant faire preuve d’héroïsme. Sur le front, il est cependant très vite rattrapé par la réalité. Bardamu découvre alors que malgré son dégoût pour l’existence, il a toujours le désir de vivre. Il fait la connaissance de Robinson, et tous deux tentent de s’enfuir. Blessé, Bardamu est rapatrié à Paris, et fait la connaissance de Lola, une jeune infirmière. Il vit une courte idylle avec elle, après quoi Bardamu prend la décision de partir en Afrique.
Deuxième partie : L’Afrique
Deuxième partie : L’Afrique
Après l’enfer de la guerre, Bardamu découvre l’enfer colonial. Il retrouve Robinson, à qui il succède pour diriger un comptoir commercial. Bardamu fait l’expérience de la misère humaine, de l’exploitation et l’asservissement des colonisés. Son expérience africaine s’achève lorsqu’il contracte la malaria et manque de mourir. Délirant de fièvre, il est rapatrié.
Troisième partie : L’Amérique
Troisième partie : L’Amérique
Poursuivant son voyage, Bardamu arrive à New York. Une nouvelle fois, rêves et idéaux sont mis à mal par la dureté de la réalité. Aussitôt arrivé, il est mis en quarantaine et connaît la solitude et la pauvreté. À Détroit, il découvre l’absurdité du travail à la chaîne et rencontre Molly, une riche prostituée qui lui propose généreusement de l’entretenir. Pourtant, Bardamu fuit une nouvelle fois et retourne en France.
Quatrième partie : La vie de médecin de banlieue
Quatrième partie : La vie de médecin de banlieue
Après ses études de médecine, Bardamu s’installa à Rancy pour exercer. Une nouvelle fois, il est confronté à la pauvreté et à la mesquinerie de la nature humaine, avec des patients qui profitent de sa gentillesse pour se faire soigner gratuitement. Il échoue à sauver Bébert, un petit garçon atteint de typhoïde, puis se trouve confronté aux Henrouille, qui lui demandent d’achever leur mère. Robinson accepte l’offre à sa place, mais il échoue. Il part à Toulouse, où Bardamu le suit et où ils partagent la même amante, Madelon. Enfin, Bardamu prend la direction d’une clinique psychiatrique suite au départ brutal et inexpliqué de son ami le docteur Baryton. Après une dispute entre Robinson et Madelon, celle-ci tue Robinson de trois coups de revolver. Le livre s’achève sur les pensées suicidaires de Bardamu, assis au bord d’un canal.
« L’amour c’est comme l’alcool, plus on est impuissant et saoul et plus on se croit fort et malin, et sûr de ses droits. »« Dans le froid d’Europe, sous les grisailles pudiques du Nord, on ne fait, hors les carnages, que soupçonner la grouillante cruauté de nos frères, mais leur pourriture envahit la surface dès que les émoustille la fièvre ignoble des Tropiques. »« C’était comme une plaie triste la rue qui n’en finissait plus, avec nous au fond, nous autres, d’un bord à l’autre, d’une peine à l’autre, vers le bout qu’on ne voit jamais, le bout de toutes les rues du monde. »« En pensant à présent, à tous les fous que j’ai connus chez le père Baryton, je ne peux m’empêcher de mettre en doute qu’il existe d’autres véritables réalisations de nos profonds tempéraments que la guerre et la maladie, ces deux infinis du cauchemar. »