Comment les marchés imparfaitement concurrentiels fonctionnent-ils ?
Introduction :
Le modèle qui permet d’analyser le fonctionnement du marché repose sur la réunion de conditions très restrictives. En réalité, il est difficile, sur la plupart des marchés, de remplir toutes ces conditions. Partant de ce constat, les économistes se sont intéressés à l’analyse du fonctionnement de ces marchés qui ne respectent pas une ou plusieurs des conditions de la concurrence parfaite. La concurrence est considérée comme imparfaite lorsqu’une ou plusieurs des conditions de la concurrence parfaite n’est (ne sont pas) pas remplie(s).
Ce cours va nous permettre de découvrir quelles sont les différentes formes de concurrence imparfaite, puis d’analyser ce qu’est le pouvoir de marché qui naît pour une entreprise dans ces circonstances. Finalement nous verrons par quels moyens les pouvoirs publics tentent de préserver la concurrence sur les marchés.
Les différentes formes de concurrence imparfaite
Les différentes formes de concurrence imparfaite
Trois situations de concurrence imparfaite peuvent se produire : le monopole, l’oligopole et la concurrence monopolistique.
Le monopole
Le monopole
Monopole :
Le monopole est une situation de marché dans laquelle une entreprise est la seule à fabriquer un produit pour lequel il n’existe aucun produit de substitution, et dans laquelle aucune autre entreprise ne peut entrer sur le marché.
Dans cette situation de concurrence, l’élément déterminant est le fait qu’il existe des barrières à l’entrée du marché. Ces barrières peuvent avoir différentes sources, qui entraînent la constitution de différents monopoles :
- lorsqu’une entreprise contrôle l’exploitation d’une ressource rare elle est en situation de monopole car aucune autre entreprise ne peut exploiter la ressource naturelle en question. Par exemple, le monopole des mines des diamants de De Beers au XXe siècle ;
- le monopole naturel : cette situation se produit lorsque les coûts fixes sont très importants. Lorsque la production augmente, les coûts moyens diminuent, ce qui permet à l’entreprise d’être compétitive. Ces coûts fixes importants empêchent l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché car leurs coûts de production seraient bien plus importants. Par exemple, une activité comme le transport de voyageurs par train ou la distribution de gaz nécessite des investissements très importants pour construire les infrastructures nécessaires ;
- le monopole légal : le droit de propriété intellectuelle protège le détenteur. Dans cette situation, la détention d’un brevet empêche toute autre entreprise de copier le produit et donc d’entrer en concurrence avec cette entreprise ;
- le monopole d’innovation : dans certaines circonstances, l’avancée technologique d’une entreprise lui permet de détenir un avantage sur les autres entreprises, ce qui peut la conduire à une situation de monopole. Cependant, ce type de monopole est généralement de courte durée, le temps que les concurrents potentiels fassent les investissements nécessaires pour rattraper leur retard.
L’oligopole
L’oligopole
Oligopole :
L’oligopole est la situation de marché dans laquelle un petit nombre d’entreprises contrôle le marché.
Cette situation diffère de la concurrence parfaite par l’abandon de la condition d’atomicité du marché. Les oligopoles viennent généralement du fait que les investissements nécessaires à la production du bien sont très importants, et que peu d’entreprises peuvent donc les supporter.
Les oligopoles se rencontrent souvent dans les marchés de téléphonie mobile : pour fournir ce type de bien, il faut disposer d’antennes relais et les entretenir, ce qui comporte un coût fixe très important rendant difficile l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché. De plus, si le marché était atomisé (avec beaucoup de vendeurs), les quantités vendues par chaque entreprise seraient moindres (beaucoup de vendeurs se partageant le marché), ce qui augmenterait les coûts moyens et rendrait le bien peu compétitif.
En conséquence, la production d’un bien qui nécessite des coûts fixes élevés entraîne, lorsque la production augmente, des économies d’échelle pour l’entreprise. De là, il en résulte une baisse du coût moyen de production lorsque la production augmente. Cette situation constitue une barrière à l’entrée du marché, qui débouche sur une situation de monopole ou d’oligopole.
Économies d’échelle :
Les économies d’échelle correspondent à la situation dans laquelle, lorsque la production augmente, les coûts unitaires de production baissent. La principale source d’économies d’échelle est la répartition des coûts fixes entre une production plus grande, ce qui réduit les coûts unitaires de production, même si les coûts variables restent inchangés.
La concurrence monopolistique
La concurrence monopolistique
Concurrence monopolistique :
La situation de concurrence monopolistique est une situation dans laquelle il existe de nombreuses entreprises sur le marché qui produisent des biens qui ne sont pas homogènes et qui sont substituables entre eux.
Cette situation donne à chacune des entreprises un certain pouvoir de marché, c’est-à-dire qu’elles disposent d’une certaine marge de manœuvre dans la fixation du prix de leur produit.
Le pouvoir de marché
Le pouvoir de marché
Les entreprises qui exercent sur un marché à concurrence imparfaite disposent d’un pouvoir de marché, c’est-à-dire qu’elles ont une certaine liberté pour déterminer le prix.
Ainsi, le monopole peut fixer librement le prix de ses produits, mais pas la quantité qu’il vendra du bien en question. En effet, cette dernière est déterminée par la quantité de demande qui s’exprime sur le marché au prix fixé par le monopole. Cependant, lorsque la demande est rigide, la liberté d’action est plus grande, car dans cette situation, si le monopole augmente le prix du produit, la demande ne baissera que très peu.
Ce pouvoir de marché implique, pour les entreprises, de décider de la stratégie à mettre en place pour maximiser les bénéfices.
Ainsi, en matière de transport, l’objectif de l’entreprise est de remplir au mieux les trains ou avions qu’elle utilise. En effet, dans cette activité, les coûts fixes sont très importants, et le service de transport est produit dès qu’un voyageur est transporté. Or, transporter un seul voyageur dans un train coûte très cher, et il serait difficile, voire impossible que le client paye le coût intégral grâce à son billet.
Chaque fois qu’un train circule avec plus de voyageurs à son bord, le coût moyen est réduit, et l’entreprise peut dégager un bénéfice au travers de la vente des billets. L’objectif pour l’entreprise est donc d’essayer de remplir le plus possible les trains ou avions, ce qui entraîne la baisse du coût moyen, tout en essayant de rapprocher le prix du billet du maximum que le client est disposé à payer. Cette stratégie implique de pouvoir adapter le prix du service en permanence.
Une autre stratégie peut également être utilisée dans le transport de voyageurs par avion, plus précisément dans le low cost. En effet, pour certaines compagnies l’objectif est de réduire le service à l’essentiel : le transport de voyageurs. Pour y arriver, elles vont réduire le plus possible les coûts de production du service afin de proposer le prix le plus bas. Pour réduire les coûts, les compagnies vont utiliser des aéroports secondaires, qui sont moins chers, et ne pas proposer de services supplémentaires gratuits au cours du vol, comme par exemple des repas ou des boissons. En proposant des prix plus bas, elles peuvent ainsi augmenter la demande et vendre plus de services.
Enfin, on peut citer le rôle majeur que joue l’innovation dans les marchés à concurrence imparfaite. L’innovation permet de différencier les produits d’une entreprise de ceux de ses concurrents. En fabriquant un produit qui incorpore un élément différent, ce produit peut être vendu à un prix supérieur, ce qui augmente les profits de l’entreprise.
Cependant, dans les situations de concurrence imparfaite, il est possible de rencontrer des stratégies qui peuvent être considérées comme déloyales par rapport au client et aux concurrents. Ainsi, les entreprises peuvent éviter la concurrence entre elles au travers d’une entente sur le prix de vente ce qui portera préjudice au consommateur puisqu’il payera plus cher que si la concurrence avait été effective entre les entreprises.
De même, pour bénéficier d’économies d’échelle, certaines entreprises peuvent décider de s’unir à travers une fusion d’entreprises. Dans ce cas, la concurrence sur le marché est réduite, et les entreprises qui participent à la fusion sont avantagées par rapport à leurs concurrents.
La régulation de la concurrence
La régulation de la concurrence
En principe, l’existence d’une concurrence effective sur le marché est bénéfique pour l’économie.
En effet, chaque entreprise se doit d’être meilleure que ses concurrents afin d’augmenter ses parts de marché et son profit. Cela oblige les entreprises à innover et à proposer aux clients le prix le plus intéressant. En conséquence, lorsque sur le marché, la concurrence est effective, le consommateur est gagnant car il peut payer moins cher les biens qu’il consomme, et il dispose d’innovations qui augmentent ses choix.
Cependant, en pratique, les entreprises peuvent vouloir se soustraire à la concurrence, ce qui réduit le bien-être que peut retirer le consommateur de sa consommation. Pour cette raison, le droit national et le droit européen interdisent certaines pratiques.
L’objectif du droit de la concurrence n’est pas d’interdire des situations extrêmes, comme les monopoles, mais d’assurer qu’une concurrence sur le marché puisse avoir lieu.
Parmi les règles du droit de la concurrence, on trouve l’interdiction des ententes et des abus de position dominante, ainsi que le contrôle des concentrations. Ces règles sont appliquées en France par l’Autorité de la concurrence et au niveau européen par la Commission européenne.
L’entente entre entreprises est interdite lorsque des entreprises, indépendantes les unes des autres, se mettent d’accord et que cet accord a un effet anticoncurrentiel. Un exemple d’accord anticoncurrentiel est celui de la fixation d’un prix sur le marché, ou des entreprises qui se concertent pour se répartir le marché. Ces ententes suppriment la concurrence entre les entreprises, et le consommateur risque donc de payer plus cher le bien ou d’avoir moins de choix.
Abus de position dominante :
L’abus de position dominante est la situation dans laquelle une entreprise obtient un avantage qu’elle n’aurait pas pu obtenir sans sa position dominante. Ainsi, seul est sanctionné l’abus de position dominante et non la simple position dominante.
En effet, le jeu de la concurrence peut avoir pour effet qu’une entreprise soit meilleure que les autres et s’impose sur le marché. Un exemple de position dominante est la vente liée, c’est-à-dire que lorsqu’on achète un produit, celui-ci est obligatoirement vendu avec des produits accessoires, ce qui réduit le choix du consommateur sur le marché de ces produits.
Enfin, un autre aspect du droit de la concurrence est le contrôle des concentrations (fusions, acquisitions ou créations communes d’entreprises). Les concentrations permettent aux entreprises qui y participent d’obtenir des économies d’échelle, qui peuvent avoir un effet positif sur le consommateur au travers de la baisse du prix. Cependant, elles réduisent la concurrence sur le marché, ce qui peut éventuellement réduire la concurrence. C’est pour cette raison que les concentrations ne sont pas interdites mais doivent faire l’objet d’une autorisation.
L’Autorité de la concurrence veille à ce que l’opération en cause préserve la concurrence et le bien-être des consommateurs. Si les entreprises en cause ne peuvent pas apporter les justifications qui puissent garantir le maintien de la concurrence, l’opération est interdite.
Dans le cas des monopoles, la concurrence est absente, ce qui n’est pas interdit en soi. Cependant, le droit de la concurrence a pour objectif de garantir que d’éventuels concurrents puissent entrer sur le marché. Dans ce cas, on considère que le marché doit être contestable.
Marché contestable :
Un marché est parfaitement contestable si le coût d’entrée ou de sortie du marché est nul.
Par exemple, si le service de cantine d’un lycée est fourni par une entreprise privée, celle-ci est en situation de monopole, car les élèves n’ont pas d’autre choix. Ce marché est contestable si l’établissement scolaire peut changer d’entreprise si celle-ci fournit un service qui ne correspond plus à ses attentes ou si elle augmente trop ses prix.
Conclusion :
La plupart des marchés auxquels nous sommes confrontés ne correspondent pas en tout point au modèle de référence de la concurrence parfaite. De ce fait, les économistes ont dû adapter leur modèle à la réalité, en envisageant d’autres formes de concurrence.
La mise en évidence de ces nouvelles formes de concurrence montre l’importance des stratégies que peuvent adopter les entreprises et le pouvoir qu’elles peuvent y gagner.
De plus, le comportement des entreprises peut être déloyal, ce qui justifie l’intervention des pouvoirs publics pour sauvegarder un certain degré de concurrence.