Créer une autre manière de s'exprimer grâce à la poésie

Introduction :

La poésie a toujours été liée à la musique. Il s’agit d’un langage à part entière fait d’images et de sons. Le poète exprime ses pensées et ses émotions à travers son travail. Si la poésie est faite de règles qui la définissent, elle peut aussi se montrer libre, car le poète est avant tout un créateur, il joue avec le langage. Nous verrons dans ce cours que le poète joue avec les mots mais aussi avec les formes.

Le jeu avec les mots

Le poète s’amuse avec les mots, il les assemble comme bon lui semble pour créer un nouveau langage ou pour la beauté de certaines associations de mots, pour les images que cela provoque chez le lecteur. Dans son poème « Le Grand Combat » extrait du recueil Qui je fus publié en 1927, Henri Michaux invente des mots.

« Il l’emparouille et l’endosque contre terre ;
Il le rague et le roupète jusqu’à son drâle ;
Il le pratèle et le libucque et lui barufle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage rape à ri et ripe à ra.
Enfin il l’écorcobalisse. »

Les verbes « emparouille », « endosque », « roupète », « pratèle », « libucque », « barufle », « marmine », « manage », et « écorcobalisse » employés ici n’existent pas. Ils ont été créés par le poète. Le lecteur peut jouer aussi et tenter de trouver un sens à ces mots ou même essayer d’inventer également son propre langage. Le titre « Le grand combat » éclaire le sens du texte car à partir de là, le lecteur peut imaginer le sens des mots qui peuvent être des mélanges entre plusieurs termes. Par exemple « emparouille » peut être un mélange de « s’emparer » et de « dérouiller » et « endosque » peut signifier mettre sur le dos.

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Définition

Dérouiller :

Le verbe dérouiller est un terme familier qui signifie donner des coups, battre quelqu’un.

Les termes « drâle », « marmine », et « ouillais » sont également des néologismes.

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Définition

Néologisme :

Un néologisme est un mot inventé.

On peut aussi relever l’expression « rape à ri et ripe à ra » qui est fondée sur une inversion des syllabes « ri » et « ra ». C’est également une expression inventée qui peut faire penser à des expressions populaires qui se terminent par les sons « i » et « a » telles que « couci-couça » ou « patati-patata ».

Même s’il n’y a pas forcément de sens avec ces mots, les sons utilisés aident à comprendre le poème, car les consonnes qui reviennent dans le poème (p, f, t, k, b, r) peuvent créer des allitérations qui renvoient à l’aspect brutal envisagé par le titre : « Le grand combat ».

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Rappel

Une allitération est la répétition de consonnes dans un même vers ou dans une même phrase. Exemple : « Il le Rague et le Roupète jusqu’à son dRâle ; »

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À retenir

La poésie nous apprend alors que ce n’est pas le sens qui compte mais la création avant toute chose. Si le sens du poème nous échappe, ce n’est pas grave, le but du poète est de nous inspirer, de provoquer des images et de nous amuser.

La poésie peut également prendre plusieurs formes. En effet, les poètes s’amusent parfois à donner des formes à leurs poèmes.

Le jeu avec la forme

Jean Tardieu, 27 juillet 2016 ©Popi13485-Français-6e Jean Tardieu, 27 juillet 2016 ©Popi13485

« Le serpent qui dépasse » est un poème de Jean Tardieu publié dans son recueil Da Capo en 1995. En voici un extrait :

« J’ai peur
J’ai peur

Dans mon armoire

Il y a un serpent

Qui dépasse

[…]

Pourtant ma raison susurre1 :
Regarde bien c’est ta ceinture
Un vêtement de tous les jours
Qui rassure je t’assure
Mais rien n’y fait

J’ai peur

J’ai peur du serpent qui dépasse

Un jour un soir un matin
Il me mordra
Et j’en mourrai
Je meurs déjà »

1 Susurrer veut dire murmurer, chuchoter

On peut remarquer que ce poème a une forme étrange, les vers sont décalés les uns par rapport aux autres.

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Définition

Vers :

Un vers est une ligne d’un poème.

Cela peut faire penser à un serpent qui se déplace, son corps ondule et zigzague comme les vers de ce poème. Le poète parle ici de sa peur du serpent. Le mot « peur » revient d’ailleurs à de nombreuses reprises. Les deux premiers vers sont aussi identiques « j’ai peur ». Cette anaphore (répétition) qui revient à la moitié du poème permet d’insister sur la terreur que ressent le poète. Le fait que ce vers soit plus court que les autres le met également en valeur.

Mais cette peur n’est pas raisonnable. Il ne peut pas y avoir de serpent dans son « armoire ». On comprend alors qu’il s’agit de son imagination. Le poète imagine qu’il y a un serpent dans son armoire et cela l’effraie. Il ne parvient pas à se raisonner.

Il tente pourtant de se rassurer, le poète rapporte les paroles qu’il se prononce afin de calmer sa peur. On peut le remarquer à travers le changement de pronom personnel : de la première personne du singulier, on passe à la deuxième personne du singulier. Le poète se parle à lui-même pour tenter de se rassurer : « Regarde bien c’est ta ceinture ». L’emploi de l’impératif « regarde » n’a pas pour but de donner un ordre, mais plutôt un conseil.

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Rappel

Le mode impératif s’utilise pour donner un ordre, exprimer un conseil ou interdire. Il se conjugue à trois personnes seulement : la 2e personne du singulier, la 1re personne et la 2e personne du pluriel.

L’angoisse du poète se traduit aussi par le fait qu’il se projette dans le futur. On peut le constater avec l’emploi des futurs « mordra » et « mourrai », le poète craint à l’avance de se faire mordre par un serpent qui n’est pas là. Pourtant le serpent est bien là, dans son imagination certes, mais aussi dans le poème puisqu’il lui a donné la forme de l’animal.

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À retenir

Les poèmes dont la forme évoque un dessin s’appellent des calligrammes. Cette forme de poème permet au poète de jouer non seulement avec les mots mais aussi avec les formes. Il peut ainsi lier les deux arts : le dessin et la poésie, mais aussi donner une indication sur le sens même de son poème à travers l’image qu’il laisse apparaître.

De nombreux poètes ont choisi d’associer le jeu avec les mots et le jeu avec les formes. On peut par exemple citer Apollinaire qui est célèbre pour ses calligrammes regroupés dans le recueil Calligrammes, publié en 1918.

Conclusion :

Ainsi le poète joue avec les mots pour créer et inventer une autre manière de s’exprimer.

Mais la poésie ne se sert pas uniquement des mots et de leur sens pour exprimer tout ce qu’elle veut exprimer. Elle fait aussi appel aux images grâce à la forme que les mots peuvent donner. La poésie fait appel à l’imagination du lecteur.