L’adaptation de La Princesse de Montpensier par Bertrand Tavernier : les ajouts

Introduction :

En 2010, Bertrand Tavernier a adapté au cinéma la nouvelle de madame de Lafayette La Princesse de Montpensier. Le cinéaste explique qu’il a été fidèle aux passions décrites par madame de Lafayette et à leur progression ; cependant, il préfère parler de « lecture » de la nouvelle plutôt que d’adaptation. En effet, La Princesse de Montpensier étant une nouvelle d’à peine vingt pages, les trois quarts du film sont constitués de scènes originales. Bertrand Tavernier prend donc des libertés par rapport au texte de madame de Lafayette afin de combler les ellipses et les silences du récit.

Nous examinerons tout d’abord les différents ajouts de scènes dans le film, puis nous étudierons le développement de certains caractères.

Les ajouts et développements de scènes

Le film s’est écrit en creux, dans les non-dits du récit. En effet, certaines réalités sont éludées par madame de Lafayette. Il en va ainsi des réalités du corps et de la dimension érotique de l’amour. Dans la nouvelle, les bienséances sont sauvegardées selon les esthétiques précieuse et classique : l’amour n’est jamais charnel. Or, Bertrand Tavernier intègre ces réalités dans son film, faisant de la passion entre Guise et la princesse un amour intemporel et complet. Il comble ainsi les attentes du spectateur moderne, habitué à voir des scènes d’amour au cinéma. Il montre aussi grâce à cela la réalité de la nuit de noces à l’époque : celle-ci était publique afin que toute la famille soit assurée que la mariée était bien vierge.

De même, madame de Lafayette situe son action pendant les guerres de Religion mais elle ne fait que les mentionner, sans prendre parti. Ses personnages masculins sont de nobles guerriers et les réalités de la guerre n’intéressent pas l’auteur. Elle édulcore même certains aspects du conflit. Ainsi, si Chabannes renonce à la guerre, c’est parce qu’il quitte le parti des protestants par amitié et respect pour le prince de Montpensier, catholique. Pourtant, dans la réalité, un renégat risquait de n’être accepté par aucun camp.

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Définition

Renégat :

Désigne quelqu’un qui renie sa religion ou ses opinions.

Le récit fait d’ailleurs allusion aux soupçons de la reine Catherine de Médicis à son égard. Tavernier, lui, veut montrer la guerre dans toute sa violence et sa barbarie. Il développe donc les scènes de combat. Quant à Chabannes, dans le film, ce n’est pas par amitié qu’il arrête le combat mais parce qu’il a été contraint de tuer une femme enceinte, ce qui s’apparente, au XVIe siècle, à un crime de guerre et peut entraîner la condamnation à mort du coupable. Les « désordres » de la guerre selon madame de Lafayette deviennent donc dans le film des actes de barbarie que même un homme de bien comme Chabannes peut être amené à commettre.

Il serait trop long ici de procéder au relevé complet de toutes les scènes inventées par Bertrand Tavernier.

Méthodologie

Pensez à établir une liste des scènes du film en les répartissant en deux groupes : celles totalement inventées par le cinéaste (par exemple, la confrontation finale entre la princesse et Guise qui ne l’aime plus) et celles qui développent une phrase ou une mention rapide du récit (par exemple, la séquence entière entre Guise et Marie, avant le mariage, qui développe l’indication de madame de Lafayette : « [elle] conjura M. de Guise de ne plus apporter d’opposition à son mariage »).

Le développement de certains aspects d’un personnage

Les personnages sont également développés pour les besoins de l’adaptation cinématographique.

Dans le récit, le comte de Chabannes est un homme « d’un mérite extraordinaire ». Il fait de la princesse une personne « achevée », ce qui implique qu’il soit lui-même parfait. Ces hyperboles précieuses évitent à madame de Lafayette de donner des précisions sur le personnage. Dans le film, Chabannes devient le pivot de l’histoire : acteur ou témoin des actions, il est omniprésent. Bertrand Tavernier explique qu’il s’est inspiré des « figures humanistes que l’on trouve chez Rabelais ou Agrippa d’Aubigné – à ces professeurs qui sont à la fois des guerriers, des mathématiciens, et des philosophes. Les adversaires de l’intolérance. Pour comprendre son engagement humaniste et son attachement à la paix, il faut l’avoir vu confronté à la violence de la guerre. Lambert Wilson possède toutes les facettes de Chabannes, qu’il s’agisse de l’homme d’armes, du précepteur, du philosophe ou de l’humaniste. »

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Définition

Humanisme :

L’humanisme s’est développé en Europe au XVIe siècle, pendant la Renaissance. Ce courant de pensée repose sur l’idée que le savoir est indispensable à l’Homme et qu’il faut le développer dans toutes les disciplines possibles. Ces connaissances libèrent l’Homme et doivent s’appuyer sur des valeurs morales comme la tolérance. Ce courant intellectuel, fondamentalement optimiste, s’appuie sur l’idée que l’Homme est en constante progression.

Dans le film, Marie devient l’élève de Chabannes qui l’instruit en toutes choses (latin, botanique, astronomie, poésie). Elle fait preuve d’une grande curiosité intellectuelle. Pour densifier son personnage par rapport à la nouvelle, Bertrand Tavernier s’est inspiré de madame de Lafayette elle-même, femme très cultivée pour son époque.

Conclusion :

Le récit de madame de Lafayette étant bref, le travail d’adaptation de Bertrand Tavernier a donc consisté dans un premier temps à développer ou ajouter des scènes et à donner de la consistance aux personnages principaux.