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La consécration du modèle représentatif dans les pays industrialisés
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Introduction :
La démocratie athénienne disparaît à la fin du IVe siècle avant J.-C. et ce n’est qu’à partir du XVIe siècle que le concept de nation (et de peuple) commence à inspirer des auteurs qui veulent justifier une limitation du pouvoir royal. Pour eux, les sujets sont à l’origine de tout pouvoir politique.
Mais comment l’idée abstraite de nation et le modèle démocratique représentatif s’imposent-ils progressivement dans les nations anglo-saxonnes et en France à partir du XVIIe siècle ?
Pour répondre à cette question, nous étudierons dans un premier temps l’instauration de la démocratie dans les modèles anglo-saxons, puis nous verrons comment le principe de souveraineté nationale s’est établit en France. Enfin, nous nous intéresserons à l’assimilation progressive de la démocratie par le régime républicain français.
Les modèles anglo-saxons : deux manières de pratiquer la démocratie
Le parlementarisme britannique
Le régime parlementaire se développe d’abord en Angleterre à partir de la Glorieuse Révolution (1689) et de la Déclaration des droits (Bill of Rights) qui pose les fondements d’un régime démocratique par la séparation des pouvoirs et la reconnaissance des droits fondamentaux des individus.
Régime parlementaire :
Régime adopté par un État qui connaît une séparation souple des pouvoirs.
Le pouvoir exécutif peut proposer des lois et dissoudre le Parlement, tandis que le pouvoir législatif peut contrôler, censurer et renverser le pouvoir exécutif.
Le pouvoir exécutif passe progressivement du monarque au Premier ministre.
Dans le même temps, au niveau du Parlement britannique, la maîtrise du pouvoir législatif (production des lois) glisse de la Chambre des lords, conservatrice et aristocratique, à la Chambre des communes, plus démocratique.
Le suffrage ne devient pleinement universel qu’en 1918, pour les hommes et les femmes.
Ainsi, le rôle du monarque britannique est progressivement rattaché à une fonction uniquement symbolique : celle de représenter le pays sur le plan international.
La réalité du pouvoir politique est partagée entre le Premier ministre et la Chambre des communes.
Pour résumer, le régime parlementaire britannique est le premier à effectuer un virage démocratique en adoptant la Déclaration des droits qui rend effective une certaine limitation du pouvoir exécutif par le pouvoir législatif et qui reconnaît des droits fondamentaux.
Le fonctionnement de la démocratie américaine
Au terme de la guerre d’Indépendance (1775-1783), les treize colonies américaines sont les premières à se doter d’une constitution écrite (1787).
La Constitution américaine consacre des droits fondamentaux et fonde un système représentatif, qui est le plus ancien encore en vigueur aujourd’hui.
Dans ce régime démocratique, chaque institution possède une fonction spécifique : c’est ce que l’on appelle une séparation stricte des pouvoirs, sous un régime présidentiel.
Séparation rigide des pouvoirs :
Système d’organisation d’un État dans lequel chaque organe (ou institution représentative) se voit pleinement et uniquement confier l’exercice d’un pouvoir. Les différents organes de l’État ne peuvent pas se bloquer l’un l’autre, mais seulement influencer l’exercice d’une autre fonction.
Régime présidentiel :
Régime adopté par un État qui connaît une séparation rigide des pouvoirs et dont le chef (président pour les États-Unis) est également le chef de l’exécutif, par opposition au régime parlementaire, où le pouvoir exécutif est confié au chef du gouvernement, qui doit rendre des comptes (responsabilité politique) au Parlement.
Ainsi, aucun organe ne peut en contrôler un autre, mais simplement gêner l’exercice des autres pouvoirs sans les en empêcher :
Le Président est élu par un suffrage universel indirect, c’est-à-dire un mécanisme à deux degrés.
Dans chaque État, les citoyens votent pour des grands électeurs qui, à leur tour, élisent le Président.
La Cour suprême constitue, pour sa part, la plus haute instance du pouvoir judiciaire du pays.
Elle peut paralyser l’application d’une loi qu’elle jugerait contraire à la constitution : c’est ce que l’on appelle le contrôle de constitutionnalité.
Elle est ainsi garante des droits fondamentaux des citoyens, qui leur sont reconnus par la constitution.
Le développement de l’idée de souveraineté nationale en France
L’idée de nation
Au XVIIIe siècle, le mouvement des Lumières combat donc la monarchie absolue en posant comme principe fondateur que la nation (ou le peuple) est à l’origine de tout pouvoir.
Parmi ces penseurs, Montesquieu (1689-1755) est à l’origine du concept de souveraineté nationale, lequel fonde la démocratie représentative.
Souveraineté nationale :
Concept selon lequel toute souveraineté émane de la nation, qui la délègue à des représentants par la voie des élections.
Démocratie représentative :
Il s’agit d’un mode de gouvernement par représentation, grâce à des élus qui exercent le pouvoir au nom de la nation.
Ces représentants doivent uniquement rechercher l’intérêt général, qui se définit comme un intérêt collectif et supérieur à ceux des individus.
L’enjeu initial des théories de souveraineté nationale était la limitation du pouvoir royal à l’exécutif, comme cela est pratiqué en Angleterre depuis 1689.
Dans le cadre d’une démocratie représentative, le législatif doit donc être le pouvoir dominant, car la loi exprime la volonté générale qui émane de la nation.
Benjamin Constant, homme politique qui participa activement à la vie politique à partir de 1795, estimait par ailleurs que la démocratie représentative, et donc l’exercice du pouvoir par des élus, était une condition de sauvegarde des libertés individuelles et du développement économique des nations.
La France révolutionnaire s’inspire directement de cette théorie de souveraineté nationale et des expériences anglo-saxonnes en instaurant la monarchie constitutionnelle dans laquelle les pouvoirs du roi sont limités.
Si Louis XVI, désormais « roi des Français », conserve le pouvoir exécutif, la création des lois est confiée à une assemblée législative élue, représentant la nation.
La nation est clairement reconnue à travers l’expression « roi des Français » : le roi, auparavant « roi de France », détient à présent la souveraineté par la volonté de la nation et non plus uniquement par désignation divine.
Les sujets obéissants et soumis au monarque absolu sont désormais des citoyens, titulaires de droits et soumis à la loi.
Toutefois, la monarchie constitutionnelle applique un modèle « démocratique » encore limité, puisque favorable uniquement aux bourgeois.
En effet, le suffrage censitaire engendre une distinction entre :
Suffrage censitaire :
Mode de suffrage restreint qui conditionne l’accès au droit de vote au paiement d’un impôt, dont le montant peut varier selon les régimes et selon le niveau de l’élection.
Démocratie directe et démocratie représentative
Le concept de souveraineté nationale n’est pas le seul à être avancé par les penseurs des Lumières. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), dans Du contrat social (1762), théorise le concept de la souveraineté populaire, qui rappelle l’application de la démocratie directe, telle qu’elle a été développée par Athènes, au Ve siècle avant J.-C.
Souveraineté populaire :
Concept selon lequel toute volonté émane du peuple, constitué de l’ensemble des citoyens, entre lesquels est divisée la souveraineté.
Le suffrage universel, le mandat impératif et le référendum en sont les caractéristiques.
Dans cette conception, le suffrage universel va de pair avec la souveraineté populaire.
Suffrage universel :
Mode de suffrage qui accorde le droit de vote à tous les citoyens majeurs d’un État, sans condition de revenus ou de capacités.
Le suffrage universel a d’abord été masculin, avant d’être progressivement élargi aux femmes dans la première moitié du XXe siècle.
Certains citoyens peuvent être privés de leurs droits civiques, en raison d’une condamnation pénale, sans que cela ne remette en cause le suffrage universel.
D’autre part, s’il est possible de déléguer la souveraineté à des représentants nationaux, mandataires du peuple, le principe de démocratie directe prévoit que ces représentants soient soumis à un mandat impératif : le peuple a le droit de révoquer un représentant s’il n’applique pas le programme pour lequel il a été élu.
Le référendum est l’outil principal du mandat impératif.
Benjamin Constant voit dans ce modèle un risque d’éparpillement de la souveraineté en une multiplicité d’unités décisionnelles.
Alexis de Tocqueville (philosophe du XIXe siècle) évoque un risque de « tyrannie de la majorité ».
La démocratie directe pose, en effet, cette problématique qu’elle est publique et donc soumise à des pressions de foule.
Si Benjamin Constant, comme bon nombre depuis le XVIIIe siècle, défend la démocratie représentative, c’est qu’il juge la démocratie directe inapplicable aux États modernes, de taille infiniment plus vaste que les cités-États de l’Antiquité. Pour lui, la démocratie représentative est une évolution moderne de l’héritage de la démocratie directe.
D’ailleurs, les mécanismes de démocratie directe sont rares dans les pays européens. Seule la Suisse peut être citée comme exception puisque cet État fédéral a adopté le référendum, notamment au sein de ses cantons, comme mécanisme décisionnel régulier.
La Première République (1792-1804) s’inspire de la démocratie directe pour établir son mode de gouvernement. La Constitution de 1793, la plus démocratique qui ait été votée, prévoyait notamment l’utilisation du référendum et du suffrage universel. Cependant, elle ne fut jamais appliquée pleinement dans les faits. Dans la France révolutionnaire, les tentatives issues de ce mode de gouvernement montrent rapidement des limites :
Ainsi, jusqu’à la Troisième République (en 1875), le régime républicain est assimilé à l’instabilité constitutionnelle.
L’installation durable du régime démocratique républicain en France
Une représentativité démocratique à nuancer
Si le vote est aujourd’hui perçu comme un droit, à vocation universelle, il n’en est pas de même au XIXe siècle.
En 1814, la Restauration rétablit la monarchie (jusqu’en 1848) et voit s’appliquer un suffrage censitaire : la bourgeoisie et la paysannerie aisée monopolisent alors la vie politique nationale et locale.
L’écart entre la population totale et le nombre de personnes autorisées à voter est considérable, puisqu’environ 1 % des habitants peut effectivement participer à la vie politique du pays.
Les journées révolutionnaires des Trois Glorieuses (27, 28 et 29 juillet 1830) portent au pouvoir Louis-Philippe d’Orléans, qui va consentir à libéraliser le régime : c’est la Monarchie de Juillet, qui met en place une souveraineté partagée – nationale et monarchique.
La Constitution est ainsi un contrat passé entre le roi et la nation.
Les pouvoirs du Parlement sont étendus, mais le suffrage censitaire maintenu.
Le pays réel reste largement sous-représenté et c’est la bourgeoisie d’affaires qui domine la vie politique et les fonctions administratives.
La révolution industrielle et le capitalisme sont en plein essor, soutenus par le pouvoir.
Le développement économique est un facteur de libéralisation politique au XIXe siècle.
L’assimilation progressive de la démocratie par la Troisième République
La Troisième République (1870-1940) se fonde sur l’exercice de la démocratie représentative.
La Troisième République enracine la démocratie, laquelle devient synonyme de république, au moins en France.
Si le suffrage devient universel, bien que masculin, en 1848, c’est sous la Troisième République que le secret du vote et l’isoloir (institués en 1913 en France) garantissent enfin des élections libres.
Le modèle intégral de souveraineté nationale prévaut et l’élection devient la source de tout pouvoir. Il apparaît dès lors logique que le pouvoir exécutif, qui n’a pas la légitimité démocratique du législatif, lui soit soumis.
Toutefois, les échéances électorales restent le seul dialogue entre les représentants et les représentés (la nation).
En outre, la répartition sociologique des assemblées évolue peu. Ainsi, à la fin du XIXe siècle, on trouve environ 1 à 2 % d’ouvriers au Parlement. La vie politique est dominée par les notables locaux (avocats, notaires, médecins, etc.).
Les arguments qui servaient, sous la monarchie, à justifier le suffrage censitaire, servent désormais à rejeter le recours à des mécanismes de démocratie directe, notamment le référendum, susceptible de servir les dérives autoritaires du pouvoir exécutif s’il est utilisé à des fins plébiscitaires.
Conclusion :
L’idée de nation émerge avec le mouvement des Lumières en Europe.
Le concept de souveraineté nationale qui en découle constitue le socle de la démocratie représentative, dans laquelle le pouvoir exécutif est limité par le pouvoir législatif qui représente la volonté du peuple.
L’Angleterre et les États-Unis sont les premiers à instaurer des régimes démocratiques.
En France, le modèle de la démocratie représentative s’impose progressivement et l’assimilation entre démocratie et république se fixe sous la Troisième République.