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Introduction :
La frontière est une notion complexe qui fait son apparition dès l’Antiquité. Mais la conception d’une frontière politique d’État ne se développe vraiment qu’avec la constitution de l’État moderne en Europe, à partir de la fin du XIIIe siècle et du début du XIVe siècle. Le sens de la frontière évolue alors vers une vision plus idéologique.
Aujourd’hui, les frontières sont au cœur de multiples enjeux qui entrainent parfois des tensions importantes à travers le monde.
Afin de définir ces enjeux frontaliers, nous nous intéresserons d’abord à la notion de souveraineté des États à l’origine du tracé des frontières, puis nous examinerons plus dans le détails les enjeux contemporains autour de la maîtrise des ressources naturelles et de la mobilité humaine.
Des enjeux étatiques à l’origine du tracé des frontières
Des frontières historiquement liées au renforcement du pouvoir des États, aux conflits et aux traités de paix
L’État moderne nécessite la reconnaissance d’un territoire bien délimité sur lequel le pouvoir peut s’exercer par l’usage des lois et le prélèvement des impôts.
C’est à la fin de la guerre de Trente Ans (1618-1648), à l’issue des traités de Westphalie, que la souveraineté de l’État s’impose en tant que traceur et garant de la protection de ses frontières sur le principe suivant : tout État dispose de l'autorité exclusive sur son territoire et la population qui s'y trouve.
Traités de Westphalie :
À la fin de l’été 1648, traités définissant pour la première fois les relations entre États dans le respect de la souveraineté de chacun.
Du XVIIIe siècle au XXe siècle, l’idée d’État-nation s’affirme : le territoire doit être unifié et les limites et frontières internes s’effacent donc au profit d’un territoire unifié dont les frontières extérieures doivent être bien délimitées.
État-nation :
État qui coïncide avec une nation établie sur un territoire délimité et qui se reconnaît dans une identité donnée.
Aussi, de nombreuses frontières apparaissent au cours du XXe siècle au gré des rapports de force et des traités de paix, ce qui qui prouve que les frontières, loin d’être figées, évoluent.
Les frontières : un moyen de délimiter et protéger le territoire et de construire l’identité nationale
La frontière internationale est une limite entre des États souverains qui revêt plusieurs fonctions, que ce soit en termes de délimitation territoriale, de séparation séparation entre des systèmes politiques antagonistes, de protection face à de potentiels dangers extérieurs, ou encore de renforcement du sentiment d’unité nationale.
Elle permet tout d’abord de se mettre d’accord sur la répartition de territoires entre différents États et sur l’affirmation de leurs souverainetés respectives.
La frontière peut également séparer deux systèmes politiques.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, l’illusion d’un monde pacifié, rendu possible à la fin de la guerre froide, s’estompe.
De nouvelles conflictualités liées au terrorisme accentuent les politiques sécuritaires qui placent l’État comme un protecteur contre les dangers extérieurs.
Cette fonction de rempart rappelle celle du limes romain qui, du Ier au Ve siècle après J.-C., dessine les limites extrêmes de l’extension du territoire de Rome. C’est un instrument de défense complexe permettant de barrer la route aux agresseurs (tribus celtes, germaniques, etc.) mais aussi de servir de base à une offensive. Long de 9 000 km entre la Bretagne et le Maroc, en passant par la Syrie, le limes court du mur d’Hadrien à l’Afrique en longeant la Germanie et le Danube, sans cesse renforcé entre les règnes d’Auguste et de Dioclétien, entre le Ier siècle et le IIIe siècle après J.-C.
De nos jours, dans certains pays comme la Bolivie, les frontières occupent une place importante dans l’éducation des populations et la prise de conscience d’appartenir à une même nation.
Les manuels scolaires, par exemple, aident à la construction de cette unité nationale en promouvant des discours nationalistes, en proposant des cartes sur l’évolution des frontières du pays au cours de l’histoire afin de raviver la mémoire nationale et patriotique.
Ces fonctions, liées à la protection des intérêts et de l’exercice du pouvoir des États souverains interviennent dans les enjeux actuels liés aux frontières.
De nouveaux enjeux contemporains
Le partage des ressources naturelles et la gestion des mobilités aux frontières
Les ressources naturelles se jouent des frontières, à l’exemple du partage des eaux d’un fleuve transfrontalier.
Pour des raisons d’approvisionnement, du fait d’activités économiques industrielles, agricoles ou touristiques, un pays en amont d’un fleuve peut, par exemple, détourner son débit pour construire des barrages hydroélectriques ou des canaux de dérivation, ou le polluer. Une situation de dépendance entre les pays situés en amont et en aval apparaît alors.
En Égypte, près de 95 % de la population vit dans le bassin du Nil et dépend du fleuve. La source de discorde avec l’Éthiopie vient du fait que, en 2016, l'Éthiopie a inauguré un immense barrage alimentant la plus grande centrale hydroélectrique du continent et réduisant le débit du fleuve.
Plus au nord, le Jourdain, fleuve-frontière entre la Cisjordanie et la Jordanie, voit ses eaux détournées pour alimenter les villes côtières israéliennes et son débit baisser fortement.
En outre, les nombreux barrages construits sur les fleuves Tigre et Euphrate en Turquie depuis 1972 réduisent fortement le débit dans les pays arabes en aval, la Syrie et l’Irak.
Entre l’Inde et le Bangladesh, la gestion des 54 cours d’eau transfrontaliers est l’une des premières causes de tensions à l’exemple du projet de construction du barrage Tipaimukh, actuellement suspendu par les deux gouvernements, qui aurait un impact environnemental et social sur 20 millions de personnes et provoquerait le déplacement des populations de la région.
Les ressources naturelles, que l’on ne peut pas toujours soumettre aux frontières humaines, peuvent ainsi constituer des motifs de tension territoriale.
D’autre part, les zones frontalières sont aussi des points sensibles de gestion de la mobilité humaine, comme l’attestent les différentes « crises » liées aux flux migratoires.
Mobilité humaine :
Déplacements de populations, légaux ou clandestins, pour des motifs divers (sanitaire, économique, de sécurité, guerre).
À la frontière américano-mexicaine ou aux frontières de l’espace Schengen, l’afflux massif de migrants internationaux met en cause la frontière-barrière.
Cependant, depuis 2015, l’Europe verrouille davantage ses frontières.
À travers le Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique, l’Union européenne externalise ses frontières en soutenant les régimes, parfois autoritaires, des pays de transit comme le Soudan et la Turquie pour contenir l’immigration.
Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique :
Action de coopération internationale pour lutter contre les causes profondes de la migration irrégulière en Afrique.
Les frontières maritimes et aériennes : un enjeu géopolitique et géoéconomique majeur
Le cloisonnement du monde ne se limite pas aux terres émergées.
L’importance croissante des océans (l’océan glacial arctique par exemple) pour l’approvisionnement des hommes (ressources vivantes issues de la pêche, énergies et minerais) et leurs déplacements a posé la question des eaux territoriales et celles des ZEE sur lesquelles s’exercent la souveraineté d’un État.
Eaux territoriales :
Espace côtier d’une largeur maximale de 12 miles marins ((22 km) qui borde un État et sur lequel ce dernier exerce sa souveraineté.
ZEE (zone économique exclusive) :
Espace maritime sur lequel un État côtier est souverain et dont il peut exploiter les ressources à une distance de 200 milles marins (370 km) par rapport à la côte.
À la suite de la conférence de Genève de 1958, la convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer crée en effet de nouveaux types d’espaces maritimes : les eaux archipélagiques (eaux situées entre les îles d’un archipel), les ZEE, les détroits navigables, les fonds des mers. Cependant, la délimitation de ces nouveaux espaces n’empêche pas les conflits.
Le différend relatif aux îles Kouriles, dans les territoires du Nord, entre la Russie et le Japon en est un exemple.
L’espace maritime est ainsi depuis longtemps le théâtre de tensions économiques et territoriales, principalement liées à l’exploitation des ressources naturelles des océans, et ce malgré les tentatives d’encadrement et de délimitation des frontières.
L'espace aérien correspond quant à lui à la projection verticale des frontières nationales d'un État.
Par ailleurs, la réglementation touche aussi l’espace extra-atmosphérique.
Depuis 1967, au moment où les États-Unis et l’URSS pratiquaient la course à l’espace, le traité de l’espace réglemente l’utilisation et l’exploration, par des fusées ou certains satellites par exemple, de l’espace extra-atmosphérique (qui se situe au-delà de l’atmosphère terrestre), de la Lune et des autres corps célestes. Les grandes lignes du traité de l’espace précisent que l’espace est exploré pour le bien commun de l’humanité et ne peut être la propriété d’un État.
L’espace extra-atmosphérique est donc soumis à des règlementations, tout comme l’espace aérien. Ainsi, l’espace extra-atmosphérique, bien que faisant l’objet de compétition liée à son exploration, échappe davantage aux tentatives d’appropriation par les États, puisqu’il reste défini comme une zone neutre.
Conclusion :
L’émergence de l’idée d’État-nation renforce l’importance des frontières extérieures qui délimitent l’exercice du pouvoir de la souveraineté nationale.
Les frontières sont ainsi des entités mouvantes : elles s’effacent, se déplacent, se créent, s’estompent ou se renforcent au gré notamment des différents rapports de forces entre les États.
Dans ce contexte, les frontières revêtent des fonctions de délimitation et de protection territoriale, de protection, mais aussi de construction d’une identité nationale.
Aujourd’hui, les frontières se retrouvent plus que jamais au cœur des enjeux liés à l’exploitation des ressources naturelles et à la maîtrises des flux de personnes.
Certains espaces plus flous, tels que l’espace maritime ou les espaces aérien et extra-atmosphérique, sont l’objet de convoitises et de tensions.
C’est pourquoi la communauté internationale tente de définir au mieux des règles d’utilisation de ces espaces, en définissant des frontières et/ou en faisant de certains d’entre eux des lieux non soumis à la notion de propriété.