Les formes des frontières dans le monde

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Introduction :

Dans un espace de plus en plus mondialisé, la notion de frontière, limite imaginaire entre les territoires, semble dépassée et vouée à disparaître. C’est du moins l’idée qui s’est répandue à la fin du XXe siècle, notamment dans les années 1990.

Et pourtant, cette notion, au lieu de s’affaiblir, semble se réaffirmer au XXIe siècle.

Afin d’analyser ces espaces complexes que constituent les frontières actuelles, nous aborderons dans un premier temps les types de frontières ouvertes ou fermées, avant d’examiner le processus de matérialisation et de dématérialisation à l’œuvre dans les frontières internationales.

Des frontières ouvertes et fermées

Des frontières ouvertes de droit ou de fait

Espace d’épaisseur variable, la frontière permet de séparer ou de joindre deux ou plusieurs territoires.

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À retenir

Dans le cas d’une frontière ouverte, il n’y a pas d’obstacle à la circulation des personnes et des biens, c’est-à-dire qu’il n’y a pas ou peu de restrictions de déplacement, pas ou peu de contrôle aux frontières.

La décision d’ouvrir la frontière peut être intentionnelle, on parle alors d’ouverture « de droit ».

  • C’est notamment le cas de l’accord de Schengen, signé le 14 juin 1985 entre l’Allemagne, la Belgique, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas, qui amorce la création de l’espace Schengen entré en vigueur 10 ans plus tard.
    Cet espace associe aujourd’hui 26 États : 22 de l’Union européenne et 4 de l’AELE (Accord européen de libre-échange), à savoir la Suisse, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège.

Schengen

  • Dans cet espace, les personnes et les biens franchissent librement les frontières intérieures.

L’ouverture d’une frontière peut aussi être une ouverture « de fait ».

  • À la frontière indo-bangladaise, l’ouverture de la frontière s’effectue « de fait » car, dans la pratique, la porosité de cette frontière est due à l’absence de contrôles.
    En effet, en 1947, au moment de la partition de l’Inde, le Bengale-Occidental demeure indien alors que le Bengale-Oriental devient le Pakistan oriental à dominante musulmane. Cette frontière, longue de 3 286 km (la plus longue barrière géopolitique au monde) tracée sans concertation au milieu d’une zone unifiée avant l’indépendance de l’Inde, est poreuse mais de plus en plus renforcée (220 000 gardes-frontières et 60 000 à 80 000 soldats indiens la gardent).

Des frontières fermées de plus en plus nombreuses aujourd’hui dans le monde

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À retenir

La frontière sert à délimiter le territoire officiel ou revendiqué par un État, à protéger les populations et à séparer les flux légaux des flux illégaux.

D’après le géopoliticien français Michel Foucher, c’est une sorte de réinvention du limes romain qui servait à filtrer le passage des non-citoyens romains.

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Définition

Limes :

Frontière de l’Empire romain entre le Ier et le Ve siècles après J.-C.

Dans le cadre de la mondialisation et de l’émergence de réseaux mouvants, la frontière ne doit pas se laisser déborder : elle doit continuer à assurer une sécurité effective.
En effet, certains réseaux comme des groupes djihadistes affiliés à l’organisation de l’État islamique, tels le Bangsamoro Islamic Freedom Fighters (BIFF) aux Philippines ou l’Ansar Beit Al-Maqdis au Sinaï en Égypte, peuvent être difficiles à identifier, car ils sont apatrides et répartis sur des territoires discontinus qui ne correspondent pas aux frontières classiques des États.

Le « retour des frontières » est exprimé par l’érection de murs et de barrières de plus en plus nombreux en Turquie, en Syrie, aux Etats-Unis par exemple, un bornage linéaire et visuel, pas nécessairement infranchissable.

Ces murs et barrières ont différentes fonctions.

  • Il peut s’agir d’une fonction de sécurité dans des territoires disputés pour mettre fin à un contentieux territorial.
  • La Line of Control (LoC) indienne, dans l’ouest du Cachemire, l’illustre. Cette limite s’étire sur 740 km depuis la partition de l’Inde en 1947 et sépare l’Inde du Pakistan, deux États dotés de l’arme nucléaire.
  • Il peut s’agir d’une fonction de barrière politique, interethnique ou intercommunautaire.
  • La construction des Peace lines (murs de la paix) en Irlande du nord devait limiter les violences entre catholiques et protestants, des barrières séparant les différents quartiers. On recense aujourd’hui 99 de ces murs construits à partir de 1969. Leur destruction est prévue en 2023.
  • Il peut s’agir d’une fonction de barrière anti-migratoire construite après un conflit militaire.
  • C’est le cas de la frontière entre les deux Corées. La Demilitarized Zone est en fait une zone minée et forestière de 4 km de large qui sépare les deux États sur 250 km depuis 1953.
  • Il peut s’agir enfin d’une fonction de contrôle et de protection.
  • À la frontière de la Thaïlande et de la Malaisie, un mur de 121 km est en construction. Il s'agit surtout de construire une zone de sécurité pour lutter contre la criminalité et notamment la contrebande et le trafic d'armes et de drogue.

Un monde qui se referme avec des frontières matérialisées ou dématérialisées

Des frontières matérialisées de plus en plus nombreuses à l’efficacité remise en cause

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À retenir

Depuis le début des années 2000, notamment à la suite des attentats du 11 septembre 2001, on assiste à un phénomène accentué de fermeture des frontières.

  • En 2016, on dénombrait 65 murs construits et planifiés qui couraient sur plus de 40 000 km mis bout à bout, soit la circonférence de la Terre, alors qu’en 1989, au moment où le mur de Berlin s’effondrait, le monde comptait une dizaine de murs.

Aujourd’hui, les frontières se fortifient à l’aide de différents matériaux (sable, électricité, béton), de dispositifs plus ou moins visibles et efficaces (drones, miradors, clôtures discontinues ou non, quartiers séparés, forces militaires, technologies de biométrie, c’est-à-dire l’utilisation de leurs caractéristiques physiques pour identifier les individus) mais aussi par le renforcement des douanes qui luttent contre la fraude, le trafic illégal, le terrorisme et la criminalité.

La moitié des murs actuels ont été construits après 2010.
Selon le géographe Stéphane Rosière, nous pouvons inclure dans les barrières fermées, les lignes de front, gardées par des armées, généralement infranchissables (à l’exemple de la clôture indo-pakistanaise dans le Cachemire, la plus haute du monde, construite par l’Inde en 2004 et longue de 550 km) et les détroits placés sous haute surveillance comme Gibraltar, pour empêcher l’immigration illégale, qui sont aujourd’hui transgressés et donc à forte mortalité.
Le détroit d’Ormuz, qui sert de frontière entre l’Iran et l’Arabie saoudite, est également stratégique ; pour défendre ses exportations de pétrole vers les pays alliés des États-Unis, le président iranien Hassan Rohani a menacé, en 2018, de le fermer.

frontières matérialisées monde

Ces frontières matérialisées appellent à des stratégies moins visibles de contournement et de transgression, ce qui remet en cause leur efficacité.

  • La construction de nombreux tunnels à la frontière américano-mexicaine, l’apparition de lignes marines et sous-marines clandestines et l’usage de drones par les trafiquants de drogue déstructurent les économies locales transfrontalières. Des organisations criminelles, des mafias, en font une source de revenus en organisant des passages clandestins et en créant des territoires-pivots de stockage et de redistribution de la drogue.
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Définition

Territoire-pivot :

Territoire dynamique qui centralise et redistribue des flux de natures différentes.

Des frontières dématérialisées qui ont leurs limites

Pour Stéphane Rosière, nous vivons un processus combiné de matérialisation/dématérialisation des frontières internationales.

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À retenir

Au XXIe siècle, on assiste à une « technologisation » des frontières afin d’identifier les personnes et biens en circulation et de maîtriser les espaces frontaliers d’un territoire.

Ce recours à la technologie, moins visible que les techniques traditionnelles matérielles, répond à une logique contradictoire : il s’agit à la fois de maintenir des échanges dans un monde de plus en plus globalisé, mais aussi d’œuvrer pour une sécurisation grandissante.

  • La frontière intelligente (smart border) repose sur l’usage de la technologie (électronique, informatique) afin de détecter le danger tout en préservant la fluidité des flux. Les données observées sont ensuite analysées par l’humain dans des data centers, c’est-à-dire des centres servant à stocker et à analyser de grandes quantités de données.
    Seuls les pays les plus riches et développés ont les moyens de dresser de tels dispositifs (États-Unis, Qatar, Israël, Union européenne).

  • La clôture virtuelle (virtual fence) est un mur invisible composé de caméras thermiques, de radars et de capteurs de surveillance, à l’exemple de la tentative de Secure Border Initiative (SBI) vers Tucson dans l’Arizona sur 17,45 km pour un coût de 67 millions de dollars. Ce projet ambitieux (il devait également améliorer les conditions d’accueil des migrants) a été abandonné car jugé trop onéreux.
    On retrouve ce type de clôture dans l’espace Schengen depuis 2007.
    En effet, la Slovaquie a une frontière commune de 97,9 km avec l’Ukraine, située à l’extérieur de la zone de libre-circulation de l’UE. Elle a développé un système de surveillance par chaîne de caméras.

Si l’invisible, l’immatériel, se met au service de la sécurité, la frontière doit rester visible pour continuer d’impressionner, de dissuader.

Cependant, la frontière dématérialisée idéale semble rester utopique par son coût et ses limites, certaines technologies étant par exemple peu efficaces selon la topographie (montagnes, forêts).
En outre, le recueil de données peut potentiellement constituer une atteinte aux libertés fondamentales.

  • Début 2019, l’Union européenne a amorcé un projet qui pourrait voir la création d’une grande base de données alphanumériques et biométriques sur les citoyens non-européens pour renforcer la prévention d’attaques terroristes et la fraude d’identité. Certains spécialistes craignent cependant l’augmentation d’un risque de cyber attaque pour s’approprier les données de ce type de fichier.

Conclusion :

L’idée d’effacement des frontières dans un espace mondialisé peut aboutir à l’établissement de frontières ouvertes, favorisant la libre circulation de personnes et de biens, comme c’est le cas dans le cadre de certains accords internationaux tel que celui de l’espace Schengen.

Néanmoins, de manière globale, on assiste surtout à une multiplication des frontières fermées depuis le début du XXIe siècle. Ainsi, les dispositifs frontaliers, loin de disparaître, se développent sur fond de politiques sécuritaires, le bornage linéaire et visuel répondant notamment à une logique de dissuasion.

Dans le cadre de ce renforcement des frontières, les processus a priori contradictoires de dématérialisation et de matérialisation se complètent dans leur application, avec l’utilisation de technologies avancées coûteuses par les pays les plus développés.