Cette fiche de lecture fait partie du programme pour le bac de français 2024.
Cours sur Juste la fin du monde en 1ere
Cette pièce sur l’impossibilité à communiquer n’a jamais été montée du vivant de l’auteur. Écrite en 1990 alors que Jean-Luc Lagarce est en résidence à Berlin, elle ne fut jouée pour la première fois qu’en 1999 : la langue est trop novatrice. Jean-Luc Lagarce s’apprêtait à connaître une belle carrière de dramaturge, seulement, il apprend qu’il est contaminé par le VIH (virus de l'immunodéficience humaine) à l’âge de trente ans. Il mourra huit ans plus tard alors qu’il s’apprêtait à devenir directeur du C.D.N. (Centre dramatique nationale) de Besançon.
Il y a donc une forte part d’autobiographie dans la pièce puisque, comme Louis, Lagarce se savait condamné, et comme Louis, il ne l’a pas directement annoncé à sa famille. Mais les parallèles s’arrêtent là : les relations entre Lagarce et sa famille sont beaucoup plus apaisées que celles de Louis avec la sienne. Juste la fin du monde est un récit de vie qui propose de percevoir le monde à travers la conscience inquiète d’un personnage.
La force et la subtilité de cette écriture sont maintenant largement reconnues. C’est que Lagarce a fait beaucoup de retouches pour parvenir à cette épure verbale.
Louis : À trente-quatre ans, Louis est très malade. Il revient une dernière fois dans sa famille, après une absence de plusieurs années, pour annoncer à tout le monde sa mort prochaine. Suzanne : Suzanne est la petite sœur de Louis, elle a vingt-trois ans. Admirative autant que jalouse de son frère, elle voudrait le connaître davantage, aller le voir ou s’enfuir à son tour. Antoine : Petit frère de trente-deux ans de Louis, il est marié et a deux enfants. Il n’a jamais quitté le lieu où ils ont grandi. Il est rancunier et reproche à son frère sa réussite. Catherine : La femme d’Antoine a trente-deux ans également, elle est préoccupée par ses enfants, et s’inquiète de la relation conflictuelle entre son mari et son beau-frère. La Mère : La mère des trois enfants a soixante et un ans. Elle peine à faire le deuil de son mari. Elle en veut à son fils de les avoir laissés, mais elle voudrait quand même lui montrer son affection et sa confiance.
Le retour du fils prodigue : C’est un thème récurrent dans l’œuvre de Lagarce. Le « fils prodigue » est une référence à la parabole qu’on trouve dans l’Évangile de Luc, dans laquelle un fils retrouve son père après un temps d’exil. Il est accueilli par celui-ci avec bonheur et largesse, alors que son frère, resté auprès du père n’a jamais bénéficié de reconnaissance. Chez Lagarce, le père mais la jalousie des frères et sœurs est, elle, bien présente. La mort : Jamais évoquée, quoique partout présente, la mort est le thème sous-jacent dans la pièce. Si tout paraît urgent à être dit, c’est qu’il ne reste plus beaucoup de temps à Louis, et l’ombre de la mort du père pèse dans la mémoire de tous les personnages. C’est donc l’impuissance des hommes face à la fatalité qui apparaît derrière ce thème. La solitude : Louis se sent profondément seul : son retour est motivé par son envie de parler, son silence montre qu’il est impuissant à aller vers les autres. La dernière scène évoque en ce sens son incapacité à crier. Mais les autres personnages aussi vont tour à tour dire à quel point ils se trouvent isolés parmi leurs contemporains. Même la façon de s’exprimer par monologue est une preuve de l’isolement dans lequel se trouvent tous les personnages. La parole : Les non-dits, la difficulté à ne pas se heurter aux mots, le besoin de passer aux aveux, la difficulté à garder un secret, le soliloque, la domination par la maîtrise du langage, etc. autant de motifs qui traversent une pièce qui pose la question des pouvoirs de la parole et de ses effets. L’ironie : Comme personne ne parvient à bien se faire comprendre, les situations de malentendu se multiplient et cela crée souvent, dans Juste la fin du monde, des effets de décalages humoristiques. Le second degré, l’ironie, l’humour noir, etc. ne sont pas absents d’une pièce par ailleurs sombre.
Prologue
Prologue
Louis annonce aux lecteurs et spectateurs qu’il va mourir parce qu’il est malade, et qu’il décide de revenir dans sa famille pour l’annoncer. Il nous explique que dans sa famille il y a un inconscient très fort qui bouleverse tout le monde. Il veut se montrer sûr de lui-même et capable de prendre en main son propre destin.
Première Partie
Première Partie
Scène 1
Scène 1
Louis rencontre pour la première fois Catherine. La rencontre est polie, elle parle de ses enfants. Le trajet fait par Louis nous indique qu’il habite loin. Le langage est difficilement maîtrisé par Catherine. Suzanne et Antoine se disputent : le spectateur comprend que leur relation est tendue.
Scène 2
Scène 2
Catherine fait un maladroit portrait de sa fille et de son fils, qui s’appelle aussi Louis. Antoine veut qu’elle se taise, il ne veut pas qu’elle parle à son frère, il prétend que ce dernier se sent supérieur. Antoine est à deux doigts de l’insulter. Le langage marque la gêne collective.
Scène 3
Scène 3
Long monologue de Suzanne dans lequel elle reproche à son frère d’être parti, d’à peine écrire. Elle nous apprend que Louis est un écrivain et qu’Antoine a un pavillon non loin de là.
Scène 4
Scène 4
La Mère raconte ses souvenirs de leurs sorties dominicales en famille quand le père était encore parmi eux. On apprend que les deux frères se disputaient beaucoup quand ils étaient petits.
Scène 5
Scène 5
Souvenir de Louis, qui se rappelle qu’il y a quelques jours il s’est réveillé en se disant qu’il devait aller voir sa famille. Il se rend compte que l’absence d’amour qu’il a toujours ressentie fait plus de mal à eux qu’à lui.
Scène 6
Scène 6
Catherine explique à Louis qu’Antoine travaille dans une usine d’outillage. Elle ajoute qu’Antoine trouve que Louis ne s’intéresse pas assez à eux. Elle ne veut pas être une intermédiaire entre eux deux.
Scène 7
Scène 7
Suzanne dit à Louis de ne pas s’inquièter pour Catherine, car elle est forte. Ce à quoi Louis répond que Suzanne s’occupe encore de tout, elle n’a pas changé.
Scène 8
Scène 8
La Mère dit à Louis que son frère et sa sœur ne vont pas savoir lui parler et que c’est à lui de les écouter et d’être gentil. Elle explique qu’Antoine est une brute, mais qu’il souffre ; Suzanne rêverait de partir elle aussi, comme Louis.
Scène 9
Scène 9
Antoine et Suzanne se disputent à table parce qu’Antoine veut contrôler la prise de parole. Louis quitte la table à son tour.
Scène 10
Scène 10
Louis raconte les différents sentiments qui l’ont traversé depuis qu’il a appris la nouvelle de sa maladie. Il dit qu’il voudrait partir apaisé.
Scène 11
Scène 11
Louis dit à son frère qu’il est arrivé en plein milieu de la nuit sans le dire à personne. Antoine s’énerve et dit qu’il en a assez d’avoir l’impression que la vie de son frère est meilleure que la sienne. Il ne veut pas qu’on lui demande d’écouter et de se taire.
Intermède
Intermède
Temps suspendu de la pièce. Sorte de rêve. Louis se sent perdu, sa mère ne l’entend pas. Antoine dit à Suzanne qu’il s’est disputé avec Louis. Louis dit qu’il a peur de la mort. Il est heureux de ne pas être amoureux. Antoine et Suzanne se demandent pourquoi Louis ne venait pas plus souvent. Catherine cherche Antoine. La Mère cherche Louis. Ils se cherchent tous sans se trouver. Finalement, la Mère retrouve Louis.
Deuxième partie
Deuxième partie
Scène 1
Scène 1
Louis s’apprête à partir. Il sait qu’il ne parviendra plus à dire pourquoi il était venu. Il promet aux autres de les revoir bientôt, mais il sait qu’il ne pourra jamais revenir.
Scène 2
Scène 2
Antoine presse Louis pour s’en aller, il est sur le départ. Cela agace Suzanne et Catherine. Antoine s’emporte, il a l’impression que tous sont contre lui et l’attaquent pour son mauvais caractère, alors qu’au fond, s’il est malheureux, c’est à cause de Louis.
Scène 3
Scène 3
Antoine prend longuement la parole et explique que Louis s’est toujours senti le mal-aimé, qu’il n’a jamais senti d’amour, qu’il était mis à l’écart. Antoine s’est senti profondément responsable de ça. Mais maintenant, il se dit qu’en fait Louis n’a pas tant souffert et qu’il était très protégé.
Épilogue
Épilogue
Louis se résigne à aller mourir seul. Il se remémore un souvenir : il marche le long d’une ligne de chemin de fer une nuit, s’approche du vide et lorsqu’il veut crier, rien ne sort.
« LOUIS. — Plus tard, l’année d’après
– j’allais mourir à mon tour –
j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai »
Prologue « LOUIS. — […] me donner et donner aux autres une dernière fois l’illusion d’être responsable de moi-même et d’être, jusqu’à cette extrémité, mon propre maître. »
Prologue
« LOUIS. — […] À un moment, je suis à l'entrée d'un viaduc immense,
il domine la vallée que je devine sous la lune,
et je marche seul dans la nuit,
à égale distance du ciel et de la terre.
Ce que je pense
(et c'est cela que je voulais dire)
c'est que je devrai pousser un grand et beau cri,
un long et joyeux cri qui résonnerait dans toute la vallée,
que c'est ce bonheur-là que je devrai m'offrir,
hurler une bonne fois,
mais je ne le fais pas,
je ne l'ai pas fait.
Je me remets en route avec seul le bruit de mes pas sur le gravier.
Ce sont des oublis comme celui-là que je regretterai. »
Épilogue
« ANTOINE. — Je ne veux pas être là.
Tu vas me parler maintenant
tu voudras me parler
et il faudra que j'écoute
et je n'ai pas envie d'écouter.
Je ne veux pas. J'ai peur.
Il faut toujours que vous me racontiez tout,
toujours, tout le temps,
depuis toujours vous me parlez et je dois écouter.
Les gens qui ne disent jamais rien, on croit juste qu'ils veulent entendre,
mais souvent, tu ne sais pas,
je me taisais pour donner l'exemple. »
Première partie, scène 11