Conscience démocratique et relations internationales

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Introduction :

La chute du mur de Berlin et celle de l’ensemble du bloc soviétique à l’orée des années 1990 ont fait penser, durant quelques années, que le modèle de la démocratie libérale, telle que nous la connaissions déjà en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest, allait s’étendre sans limites. Toutefois, l’émergence de nouvelles zones de conflits et de nouvelles problématiques géopolitiques ont démontré que la démocratie libérale n’allait pas de soi : guerre en Yougoslavie, guerre civile et génocide au Rwanda, émergence d’un terrorisme islamiste, etc.
Les institutions internationales ont donc vu leur rôle accru dans l’espoir de favoriser la démocratie partout où cela était possible et avec pour but principal de tourner le dos à un XXe siècle particulièrement sanglant avec, à son triste bilan, deux guerres mondiales et les conflits de la guerre froide.
À partir de ce constat, on peut donc s’interroger sur la façon dont la démocratie peut influencer les relations internationales.

Nous allons aborder cette question en nous attardant tout d’abord sur les enjeux de la démocratie à l’échelle internationale. Puis, nous verrons la façon dont les institutions internationales peuvent agir en faveur de celle-ci. Enfin, nous nous intéresserons aux limites de l’action en faveur de la démocratie dans le monde.

Les enjeux de la démocratie à l’échelle internationale

Les conséquences de la Shoah : notion de génocide et émergence d’un droit international

En 1945, la Seconde Guerre mondiale s’achève et les premiers camps de concentration sont libérés. À ce titre, des cérémonies sont d’ailleurs organisées en 2020 pour commémorer les 75 ans de la libération du camp d’Auschwitz, le plus sinistrement connu d’entre eux.
Le monde prend alors conscience, petit à petit, de la catastrophe vécue par les populations juives d’Europe, sous l’action du régime totalitaire nazi. Le terme de « Shoah » est employé pour désigner le drame vécu par les 5 à 6 millions de victimes.

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Rappel

« Shoah » est un terme hébreu signifiant « catastrophe ». Il désigne la période couvrant les années 1941 à 1945, durant laquelle les populations juives d’Europe furent massacrées sur ordre des nazis. L’éradication de la population juive était en effet l’un des principaux buts de la politique hitlérienne.
On peut aussi désigner cette période sous le terme d’« holocauste », qui signifie « tout brûler ».

Après la Seconde Guerre mondiale, des procès sont organisés pour juger et condamner les responsables de ces atrocités, le plus célèbre étant le procès de Nuremberg, en Allemagne (novembre 1945-octobre 1946).

procès Nuremberg Le banc des accusés pendant les procès de Nuremberg, 1945-1946

  • La démocratie apparaît comme le régime des vainqueurs de la guerre, tandis que les totalitarismes allemand, italien et japonais ont été défaits. En ce sens, le procès de Nuremberg est une première étape concernant l’association de la démocratie, du droit et de la paix à l’échelle internationale.

C’est lors de la tenue de ces procès que la notion de crime contre l’humanité est définie. Il n’existait en effet pas encore de notion juridique dans le droit pour qualifier et sanctionner la Shoah.
Le juriste Raphaël Lemkin (1900-1959), travaille ainsi sur la définition et la reconnaissance du crime de génocide, ratifié lors d’une conférence internationale à Paris, en 1948.

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Définition

Génocide :

Crime de masse visant à l’éradication d’une catégorie précise de la population en fonction de son appartenance ethnique ou religieuse, réelle ou supposée.
Le terme « génocide » a été inventé par Raphaël Lemkin suite à la Shoah. C’est un néologisme récent formé à partir du latin caedere (tuer, massacrer) et du grec genos (peuple, groupe).

Après la barbarie de la Seconde Guerre mondiale, le monde réalise progressivement la nécessité de s’armer contre une violence inédite. Les démocraties instaurent ainsi de nouveaux outils (institution du crime de génocide dans le droit, création de l’ONU en 1945) pour permettre de réinstaurer des rapports pacifiés.

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À retenir

Les démocraties, profondément liées au droit, renforcent ce dernier à l’échelle internationale pour tâcher de garantir la liberté des peuples et maintenir la paix.
L’instauration de l’Organisation des Nations unies (ONU) par les pays démocratiques permet l’émergence d’un véritable droit international.

Répandre la conscience démocratique

Les guerres du XXe siècle ont tellement bouleversé la donne dans l’histoire de l’humanité, notamment par leur nombre élevé de victimes, que la démocratie s’est présentée alors comme un idéal à atteindre par les valeurs qu’elle défend : liberté et égalité en droits, souveraineté du peuple.
La conscience démocratique, qui permet aux peuples de vouloir toujours plus de démocratie, constitue ainsi un outil pour atteindre cet idéal plus rapidement, en faisant en sorte que les valeurs défendues par la démocratie deviennent des valeurs universellement partagées.

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Définition

Conscience démocratique :

Notion selon laquelle une population peut se saisir de la démocratie comme d’un idéal à améliorer ou à atteindre grâce à l’action d’acteurs de la démocratie internationale.

  • Afin de fournir des garanties à l’instauration d’une paix durable, la démocratie doit se promouvoir elle-même comme une valeur potentiellement universelle.

D’ailleurs, les institutions internationales censées protéger les populations contre les différentes dérives violentes du pouvoir fonctionnent elles-mêmes selon un modèle démocratique.

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À retenir

La démocratie est donc perçue comme un régime politique « juste », stable et qui garantit une protection des citoyens contre d’éventuelles dérives du pouvoir.
La recherche d’un droit international, qui s’appliquerait à de nombreux pays, permet de renforcer les contrôles contre toute dérive autoritaire, voire violente, d’un État contre un autre État ou d’un État contre ses citoyens. Ce faisant, les démocraties, qui sont à l’origine de ce droit international, se présentent comme des modèles à suivre.

Une fois les enjeux de l’expansion de la démocratie à l’international posés, il faut également comprendre comment agissent concrètement les différents acteurs pour favoriser son instauration et son développement.

Agir pour la démocratie à l’international

À l’échelle internationale, nous allons plus particulièrement aborder deux entités qui agissent pour le développement de la démocratie : l’ONU et la Cour pénale internationale.

L’ONU

L’Organisation des Nations unies (ONU) est officiellement instaurée le 24 octobre 1945.
Son siège est à New York et elle dispose également d’un second bâtiment d’importance à Genève, en Suisse.

  • L’ONU regroupe actuellement 193 pays, soit la quasi-totalité des pays du monde. Instaurée initialement par des démocraties, l’ONU accueille donc en son sein différents types de régimes politiques.

La Charte des Nations unies, signée en 1945 à San Francisco, s’inspire des valeurs démocratiques portées par les démocraties qui sont à l’origine de la création de l’ONU :

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Citation

« Nous, peuples des Nations unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre […] [idée de paix], à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine [idée de respect des droits et libertés de l’être humain], dans l’égalité de droits des hommes et des femmes ainsi que des nations, grandes et petites [idée d’égalité juridique], à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international [suprématie du droit] […]. »

  • En signant la Charte, les pays adhérents reconnaissent donc d’une certaine façon ces valeurs, bien qu’en réalité, plusieurs pays ne les appliquent pas.
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À retenir

Les objectifs premiers de l’ONU sont le maintien de la paix dans le monde et de la sécurité internationale. Selon sa Charte, qui lui sert de fil directeur, elle peut décider d’émettre des résolutions, c’est-à-dire des textes ayant une portée juridique.

Lorsque l’ONU constate que la paix et la sécurité sont grandement menacées dans une partie du monde, elle peut alors décider d’envoyer une délégation militaire connue sous le nom de casques bleus.
Les casques bleus ont un rôle de maintien de la paix : dans les zones de conflits, ils protègent avant tout les populations civiles, veillant au bon déroulement des opérations humanitaires et au ravitaillement en vivres, eau potable et médicaments.

casque bleu RDC Un casque bleu tient dans ses bras une petite fille congolaise, lors d’une action de maintien de la paix menée en République démocratique du Congo (RDC), ©MONUSCO photos

Les mesures les plus importantes font l’objet de décisions mises en délibération au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Celui-ci est composé de 15 membres : 5 permanents et 10 non permanents (mandat de deux ans).
Les 5 membres permanents sont : les États-Unis, le Royaume-Uni, la Russie, la Chine et la France. Chacun de ces pays dispose d’un droit de veto contre n’importe quelle résolution en délibération, ce qui lui donne un pouvoir plus grand.

L’ONU n’a donc pas qu’un rôle militaire, loin s’en faut, mais bien plus politique et, dans la limite du possible et de la coopération de ses membres, juridique.

  • D’ailleurs, l’ONU diffuse et promeut les droits de l’homme auprès de ses pays membres en encourageant la signature de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) de 1948.

La Cour pénale internationale (ou CPI)

La Cour pénale internationale (CPI) est une juridiction internationale fondée par le Statut de Rome, signé dans la capitale italienne en 1998. Celui-ci entre en vigueur en 2002 et est ratifié par 60 États.
Le siège de la Cour pénale internationale est à La Haye, aux Pays-Bas.

Cour pénale internationale Bâtiments de la Cour pénale internationale, à La Haye, aux Pays-Bas, ©OSeveno

Lorsqu’il y a des cas nombreux à juger qui sont tous associés à un évènement contraire aux droits de l’homme, la Cour pénale internationale délègue un tribunal temporaire chargé d’instruire le procès : le tribunal pénal international (TPI).

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À retenir

La Cour pénale internationale est chargée d’enquêter et d’instruire sur des affaires de génocides, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et d’agression (c’est-à-dire les crimes commis dans le but de déstabiliser un État souverain).
Ce faisant, la Cour pénale internationale agit pour préserver des libertés et des droits considérés comme inaliénables par les démocraties, tels que le droit à la vie ou le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

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Exemple

Parmi les jugements rendus par la Cour pénale internationale, citons par exemple le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).
Établi à Arusha, en Tanzanie, il condamne 9 personnes impliquées dans le génocide des Tutsi (un groupe ethnique qui a été victime de massacres perpétrés par les Hutu). Le jugement de la Cour pénale internationale permet ainsi la reconnaissance du génocide par la communauté internationale.

La CPI est donc une juridiction ambitieuse souhaitant appliquer le respect des mêmes normes juridiques (préservation de la vie humaine, souveraineté des états) à une échelle internationale.
D’ailleurs, il s’agit de la seule juridiction pénale internationale à siéger en permanence.

Cependant, la diffusion de la démocratie à travers les relations internationale n’est pas évidente et se heurte à de plusieurs problèmes.

Les limites de l’action en faveur de la démocratie dans les relations internationales

La promotion de la démocratie à l’échelon international a pour finalité de protéger des populations potentiellement vulnérables, mais il existe néanmoins des freins à son action.

Des instances internationales à l’action limitée

Si la Cour pénale internationale apparaît comme un moyen de renforcer la démocratie en faisant respecter les droits à l’échelle internationale, elle est toutefois limitée dans son action, du fait qu’elle n’a été ratifiée que par 60 pays membres.

  • Ainsi, théoriquement, seul l’un de ces 60 pays peut être mis en accusation devant la CPI.

De plus, la Cour pénale internationale est confrontée à des critiques, notamment de la part des pays africains qui remettent parfois en cause son bien-fondé. En effet, ils estiment que ce sont surtout des pays de leur continent qui sont mis en accusation, les autres pays du globe étant relativement épargnés.

  • Certains pays africains dénoncent ainsi ce qu’ils considèrent comme une forme de néocolonialisme.

L’ONU est elle aussi régulièrement critiquée pour la lenteur de son action, voire sa paralysie. En effet, au sein des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, des clivages forts existent, survivances de la guerre froide.

  • Ainsi, certains membres font valoir leur droit de véto, verrouillant les possibilités d’action de l’ONU. Ce droit de véto apparaît donc de plus en plus comme un privilège anti-démocratique.
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Exemple

Le cas le plus emblématique qui illustre l’inefficacité relative de l’ONU et de la Cour pénale internationale est le conflit israélo-palestinien.
Ce conflit dure depuis 1948, mais l’ONU n’a jamais réussi à proposer un plan de paix durable. Les États-Unis ont d’ailleurs utilisé plusieurs fois leur véto pour bloquer une action concernant Israël.
De même, Israël et l’autorité palestinienne n’ayant jamais ratifié le traité sur la CPI, les dirigeants israéliens ou palestiniens ne peuvent être mis en accusation que de façon symbolique.

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À retenir

Ainsi, l’action de la CPI en faveur de l’exportation d’un droit démocratique est limitée par le fait qu’elle ne peut s’appliquer qu’aux pays la reconnaissant, mais aussi par des critiques vis-à-vis d’une action trop ciblée sur les seuls pays d’Afrique.
L’Action de l’ONU est parfois limitée par son propre fonctionnement : l’ONU apparaissant alors peut agissante, son efficacité à diffuser les valeurs démocratiques est contestable.

Limites économiques et diplomatiques d’une action internationale

D’autres freins à la démocratie interviennent également dans le domaine des relations internationales.

  • Ces freins peuvent être d’ordre économique.

Il est parfois difficile pour deux pays souhaitant négocier des accords commerciaux à grande échelle d’aborder la question du respect des droits de l’homme ou de la démocratie.

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À retenir

La démocratie peine ainsi à s’imposer face aux logiques économiques.

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Exemple

Un exemple concret est celui de la Chine.
Ce pays immense, en passe de devenir la première puissance économique mondiale, n’est pas à proprement parler une démocratie : le régime exerce un contrôle fort sur ses citoyens, les réseaux sociaux et Internet sont surveillés, les opposants sont réduits au silence et le cas du Tibet et de la minorité ouïghoure de l’Ouest du pays font débat à l’international.
Toutefois, le pays étant aujourd’hui un partenaire commercial incontournable, les démocraties occidentales composent avec mesure sur le plan diplomatique.

Des dictateurs ont parfois été soutenus au pouvoir dans leur pays par des démocraties afin de favoriser une certaine stabilité du pays et ne pas nuire aux avantages/échanges économiques.
C’est le cas notamment de la dynastie Al-Saoud, en Arabie saoudite, qui a été installée par les Américains en échange de la garantie d’un accès sans limite au pétrole du pays.

  • Ces freins peuvent aussi être d’ordre diplomatique.

De manière générale, chaque pays est souverain, c’est-à-dire qu’il régit seul ses lois et son système juridique à l’intérieur de ses frontières.

Ainsi, même s’il n’a pas la même conception que les démocraties occidentales en matière de droits de l’homme ou d’application de la démocratie, on ne peut pas imposer au pays visé de changer sa politique intérieure.
Le changement doit être souhaité par la population. Il nécessite alors forcément un temps de transition démocratique plus ou moins long.

Conclusion :

Le XXe siècle, par son nombre particulièrement élevé de victimes de guerre, a bousculé les mentalités et la démocratie est devenu un modèle à suivre, irriguant ainsi les relations internationales par la diffusion de ses valeurs et de son fonctionnement.

Après la Seconde Guerre mondiale, la conscientisation de la Shoah et le travail accompli lors du procès de Nuremberg ont permis d’élever le niveau de la démocratie à l’international. De nouvelles notions juridiques, comme le génocide ou le crime contre l’humanité, aident les instances internationales dans le respect des droits de la personne humaine.

Des institutions comme l’ONU et la CPI tentent de diffuser la démocratie sur le plan mondial, notamment en favorisant l’internationalisation du droit.
Toutefois, ces institutions ont leurs limites : droit de veto pour l’ONU et non-ratification du Statut de Rome pour la CPI. Enfin, des impératifs économiques et/ou diplomatiques peuvent entraver la bonne diffusion de la démocratie libérale à l’échelle du globe.