Indépendance et nouveaux États pendant la guerre froide

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Introduction :

L’affaiblissement des États européens par la Seconde Guerre mondiale, conjugué à la bipolarisation du monde, rend les empires coloniaux européens de plus en plus fragiles. Ainsi, entre 1945 et 1975, la plupart des territoires colonisés par le Royaume-Uni, la France, les Pays-Bas, la Belgique et le Portugal accèdent à l’indépendance, soutenus par l’anticolonialisme affiché par les deux superpuissances (qui se manifeste par le soutien politique et/ou militaire aux mouvements décoloniaux).
Ce processus de décolonisation se fait selon des modalités et un rythme très variable, allant du « divorce à l’amiable » à des guerres longues et sanglantes. Dans le cadre de la guerre froide, la naissance de nouveaux États expose immédiatement ces derniers aux tentatives de chaque Grand de les attirer dans son camp. En réaction, le mouvement des non-alignés lancé à la conférence de Bandung de 1955 s’efforce de donner vie à un « tiers-monde » neutre dans la guerre froide et uni par des problématiques communes.
Quels sont les enjeux posés par l’accession à l’indépendance des territoires colonisés et l’affirmation d’une volonté de non-alignement dans la guerre froide ? Nous verrons que la décolonisation est un processus complexe et multiforme qui s’étale sur des décennies. Conscients des limites de la bipolarité du monde, certains pays s’efforcent d’organiser un tiers-monde non-aligné dont l’existence est mise à l’épreuve par les réalités de la guerre froide et des relations internationales.

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Définition

Tiers-monde :

Expression proposée par le géographe français Alfred Sauvy, désignant les pays en voie développement à l’écart du monde libéral et du monde communiste. Le tiers-monde renvoie aussi à l’idée d’un effort pour donner consistance à la solidarité entre pays connaissant les mêmes problèmes. S’il est toujours utilisé, le terme est considéré comme obsolète depuis la fin de la guerre froide.

La fin des empires coloniaux

Les empires coloniaux européens commencent à s’effondrer à partir de 1945. Englobant de vastes territoires de l’Afrique et de l’Asie, ils ont eu un impact profond sur les sociétés et les espaces. Mais l’épuisement de l’Europe dans le second conflit mondial rend vite intenable la domination de si vastes territoires. D’autant plus que de nouveaux acteurs émergent et mènent la lutte pour l’indépendance et la détermination de l’avenir des nouveaux pays.

Les empires coloniaux en 1945 Les empires coloniaux en 1945

Des sociétés profondément marquées par la colonisation

Tout en prétendant apporter la civilisation et le progrès, la colonisation a été avant tout une exploitation économique au profit des puissances coloniales. Les économies traditionnelles sont souvent détruites avec le remplacement de cultures vivrières (mil, manioc, riz, etc.) par des plantations destinées à exporter vers les pays européens (banane, canne à sucre, caoutchouc, etc.).

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À retenir

Des politiques sanitaires et médicales (vaccinations, dispensaires, etc.) ont été mises en place, mais elles ont suscité une forte augmentation de la population qui ne s’est pas accompagnée d’un équipement ou d’un développement approprié du pays. De plus, les populations ont parfois été déplacées ou une minorité favorisée par le colonisateur, ce qui complique le tracé de frontières satisfaisantes.

L’appauvrissement de la population s’est accompagné de l’émergence d’une bourgeoisie indigène profitant de la colonisation et attirée par la culture européenne.

  • C’est au sein de cette bourgeoisie qu’apparaissent des intellectuels « indigènes » qui adoptent les idéologies modernes (droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, nationalisme, communisme, etc.).

On peut citer le Martiniquais Frantz Fanon, médecin et résistant français, puis théoricien du racisme et de l’anticolonialisme, auteur de Peaux noires, masques blancs et Les Damnés de la Terre, ou le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, prisonnier de guerre, député et ministre de la IVe République puis premier Président de la République du Sénégal (1960-1980).

L’impossible contrôle des colonies après la Seconde Guerre mondiale

Si la Première Guerre mondiale avait accéléré la revendication d’une autonomie pour les peuples ayant combattu pour leur puissance coloniale, la France et la Grande-Bretagne avaient réussi à garder la main sur leurs colonies. Mais la Seconde Guerre mondiale porte un coup décisif à ces empires, qui n’apparaissent plus invincibles aux yeux des territoires colonisés. Des indépendances ont été proclamées dès la fin de la guerre, comme par exemple en Indochine française, juste après le départ des Japonais, pour placer le colonisateur devant le fait accompli.
En outre, les troupes coloniales ont fortement participé à la guerre et se sont vues vaguement promettre une plus grande participation à leur gouvernement. Si l’indépendance était hors de portée avant la Seconde Guerre mondiale, elle devient désormais un objectif envisageable. Ainsi, dès l’annonce de la capitulation de l’Allemagne, les Algériens manifestent pour l’indépendance à Sétif mais la répression par les autorités françaises fait des dizaines de morts.
De plus, la France, le Royaume-Uni, la Belgique et les Pays-Bas ne sont sortis de la guerre en vainqueurs que grâce à l’aide des États-Unis et de l’URSS.

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À retenir

Or, les États-Unis et l’URSS sont tous deux opposés à la colonisation (l’URSS par anti-impérialisme, les États-Unis par attachement au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et par leur mémoire nationale de première colonie indépendante) et refusent explicitement d’aider les puissances coloniales à garder leurs empires.

Les mouvements de lutte contre les empires

La lutte pour la décolonisation est menée par des mouvements variés mais qui peuvent se répartir en 4 grandes catégories.

  • Les nationalistes, qui s’appuient sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et visent à moderniser le pays pour renforcer la nation (et soit la remodeler soit restaurer les autorités traditionnelles). Exemples : le Tunisien Habib Bourguiba ou l’Indien Jawarlahal Nehru.
  • Les révolutionnaires, qui s’inspirent de la théorie marxiste et projettent de fonder un État non seulement émancipé mais aussi révolutionnaire, sur un modèle plus ou moins proche de l’URSS ou de la République Populaire de Chine. Exemples : le Front de Libération Nationale algérien ou le Viet Minh en Indochine.
  • Les panarabistes et panafricanistes, qui souhaitent renverser l’ordre colonial et ses frontières pour créer un grand État de tous les Arabes ou Africains. Exemples : le Sénégalais Léopold Sédar Senghor (panafricaniste) ou l’Égyptien Gamal Nasser (panarabiste).
  • Les religieux, essentiellement musulmans, qui souhaitent restaurer une société organisée par la religion. Exemple : les Frères Musulmans fondés au Caire en 1929 par Hassan el Banna.

À des degrés divers, ces mouvements sont soutenus par l’URSS et les États-Unis dans leurs luttes contre les pouvoirs coloniaux. C’est souvent le bloc de l’Est qui fournit l’aide militaire la plus importante (armes, conseillers militaires, troupes de pays amis, etc.) tandis que les États-Unis offrent souvent un appui politique aux anticolonialistes (en faisant pression sur leurs alliés européens) tout en restant déterminés à endiguer la progression du communisme.

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À retenir

Nous avons donc vu que la Seconde Guerre mondiale rend impossible le maintien des empires coloniaux car les puissances coloniales sont épuisées et les colonies de plus en plus déterminées à obtenir l’indépendance. D’ailleurs, les puissances coloniales se rendent rapidement compte que des colonies en perpétuelle rébellion sont un gouffre de soldats et d’argent.

L’émergence de nouveaux États

La décolonisation comme processus global s’étale sur des décennies et se fait selon des modalités extrêmement variables. Les Britanniques sont les premiers à se résoudre à l’émancipation de leurs colonies, suivis de près par la France puis, dans les années 1960-1970, par la Belgique et le Portugal.

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Attention

Le départ des colonisateurs n’empêche ni les violences ni le maintien de liens de subordination.

La décolonisation La décolonisation

Les colonies britanniques

Dans les Indes Britanniques (considérées comme le joyau de l’Empire), l’agitation anticoloniale existe depuis l’entre-deux guerres. Elle est représentée par deux principaux mouvements, le Parti du Congrès de Gandhi et Nehru et la Ligue musulmane d’Ali Jinnah. Les célèbres campagnes de désobéissance civile non-violente de Gandhi et l’épuisement du Royaume-Uni dans la guerre (2,5 millions de soldats indiens ont d’ailleurs contribué à la victoire) obligent les Britanniques à quitter l’Inde.

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Définition

Désobéissance civile :

La désobéissance civile est la méthode qu’utilise Gandhi pour montrer l’injustice du système colonial de façon non-violente, en refusant de se plier à ses règles.

Mais l’accession à l’indépendance est marquée par un désaccord entre Nehru et Ali Jinnah sur l’intégration ou la séparation des musulmans. Des affrontements entre hindous et musulmans font des millions de morts en quelques années et aboutissent à la partition des Indes en 1947 : les musulmans fondent un État séparé, le Pakistan (dont le Bangladesh se sépare en 1971). L’Inde et le Pakistan s’affrontent dès 1947 pour le contrôle de la vallée du Cachemire puis à nouveau en 1965 et 1971.

En Asie, Ceylan et la Birmanie deviennent indépendants en 1948 et la Malaisie en 1957, après l’écrasement de la guérilla communiste.
En Afrique, le Ghana est le premier pays indépendant en 1957 grâce au combat du panafricaniste Kwame Nkrumah. Le Nigéria devient indépendant en 1960 et bascule dans une sanglante guerre civile en 1967-1970. Dans les années 1960, les dernières colonies anglaises d’Afrique (Ouganda, Kenya, Tanzanie, etc.) accèdent à l’indépendance. La Rhodésie et l’Afrique du Sud, sous l’influence des Blancs locaux, rompent avec le Commonwealth pour pouvoir pratiquer la politique d’apartheid.

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Définition

British Commonwealth of Nations :

Le British Commonwealth of Nations est une organisation regroupant le Royaume-Uni et la plupart de ses anciennes colonies en tant que « partenaires libres et égaux ». Un certain nombre de ses membres reconnaissent officiellement la Reine d’Angleterre comme leur chef d’État.

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À retenir

De façon générale, en Afrique et en Asie, les Britanniques émancipent leurs colonies de façon progressive et négociée et maintiennent des liens via le Commonwealth. Celui-ci permet de préserver les intérêts économiques britanniques.

Les colonies françaises

La décolonisation française se fait, dans certains cas, de manière pacifique.
En Afrique Occidentale Française et Afrique Équatoriale Française, la France met en place l’Union Française en 1946 en s’inspirant du Commonwealth (quelques députés africains siègent au Parlement français mais l’administration coloniale reste en place). En 1956, la loi-cadre Deferre donne une représentation accrue aux colonisés, puis de Gaulle remplace en 1958 l’Union Française par la Communauté Française. Toutes les colonies y adhèrent, sauf la Guinée-Conakry, qui devient de facto indépendante. Le Sénégal demande et obtient l’indépendance en 1960, suivi par les autres pays. Ceux-là maintiennent donc des liens de coopération avec la France. À la fois politiques, économiques et culturels, ces liens sont parfois accusés de constituer une continuation déguisée du colonialisme : la Francafrique.

Dans les protectorats du Maghreb (Maroc et Tunisie), les mouvements nationalistes (Néo-Destour de Bourguiba en Tunisie, Istiqlal du sultan Mohamed V au Maroc) tiennent tête à la France (grèves, attentats) malgré la répression et l’exil de leurs leaders. En 1954, Pierre Mendès France (président du Conseil et ministre des Affaires étrangères), déterminé à mettre fin aux crises coloniales, lance les négociations qui aboutissent en 1956 à l’indépendance de la Tunisie et du Maroc.

Mais d’autres colonies françaises doivent lutter des années pour leur indépendance. En Indochine, Ho Chi Minh profite du départ des Japonais pour proclamer l’indépendance en août 1945, mais les troupes françaises reprennent le contrôle de la colonie et imposent le maintien dans l’Union Française. En novembre 1946, les troupes françaises bombardent le port de Haiphong pour signifier l’échec des négociations avec Ho Chi Minh. C’est le début de 8 ans de guerre (guerre d’Indochine), durant laquelle les Français sous-estiment l’adversaire et refusent toute concession.
Le soutien de la Chine populaire à partir de 1950 permet au Viet Minh (organisation politique et paramilitaire communiste vietnamienne) de mener des offensives qui aboutissent à la défaite française de Dien Bien Phu en mai 1954. Pierre Mendès France conclut alors les accords de Genève, qui confèrent l’indépendance au Laos et au Cambodge tout en séparant le Vietnam en deux. Il apparaît vite que les communistes entendent prendre le contrôle du pays, ce qui amène les États-Unis à soutenir leurs adversaires, jusqu’à s’engager militairement dans la guerre du Vietnam.

La guerre d’Indochine La guerre d’Indochine

EnAlgérie aussi le peuple a dû lutter pour l’indépendance. À cette époque, l’Algérie fait partie intégrante de l’espace national français, puisque son territoire a été divisé en trois départements. Elle est peuplée de 10 millions d’habitants dont 1 million d’Européens (« pieds-noirs »). C’est pourquoi le pouvoir colonial a toujours refusé de considérer comme légitimes les représentants politiques algériens (comme Ferhat Abbas ou Messali Hadj). La rébellion armée s’impose alors comme moyen d’action, mise en œuvre par le Front de libération nationale. Il est dirigé depuis Le Caire par Ahmed Ben Bella. Les premières attaques contre les Français commencent le 1er novembre 1954 (Toussaint Sanglante). Il s’ensuit une répression croissante sous la pression des pieds-noirs, ce qui empêche toute possibilité de négociation.
Le conflit s’enlise et déstabilise la République elle-même avec la crise du 13 mai 1958 qui voit le soulèvement de l’armée permettre le retour de De Gaulle au pouvoir. Ce dernier constate rapidement l’impossibilité d’un compromis et commence à négocier avec le FLN. Il réalise aussi que la guerre est trop coûteuse économiquement et diplomatiquement pour la France. La guerre d’Algérie ne se termine qu’en 1962 avec l’indépendance de l’Algérie, au prix de près d’un million de morts.

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À retenir

La décolonisation de l’empire français se fait donc de façon contrastée, parfois de manière pacifique et négociée, parfois de manière violente et meurtrière.

Les colonies belges et portugaises

À côté des grands empires de la France et du Royaume-Uni, d’autres puissances coloniales perdent aussi leurs territoires.

  • Belgique :

La Belgique contrôle le territoire du Congo belge (actuelle République démocratique du Congo). C’est un pays pauvre qui a été administré de façon prédatrice et inégalitaire, où aucun effort n’a été fait pour intégrer ou former les indigènes (populations colonisées). C’est aussi un pays qui regorge de ressources (diamants, or, métaux et minerais recherchés) : les grandes compagnies minières sont toutes-puissantes dans des pans entiers du pays.
Des insurrections pour l’indépendance se produisent dans les années 1950 et aboutissent au vote de l’indépendance par le Parlement de Bruxelles en 1960, avec Kasavubu comme Président de la République et Lumumba comme Premier ministre. Mais le manque abyssal d’infrastructures et de cadres politiques plongent aussitôt le pays dans la crise. Surtout, les sociétés minières belges exploitent les divisions ethniques et poussent la province du Katanga à faire sécession (pour garder le contrôle des importantes ressources qui s’y trouvent). Il faut l’intervention des Casques bleus (force de maintien de la paix des Nations unies) pour mettre fin à la rébellion katangaise (1960-1963). Entretemps, le chef de l’armée Joseph-Désiré Mobutu (anticommuniste) a pris le pouvoir et fait exécuter Lumumba, avec l’assentiment des États-Unis. Il rebaptise le Congo en Zaïre et installe jusqu’en 1997 une des dictatures les plus corrompues d’Afrique.

  • Portugal :

Les colonies portugaises datent du XVIe siècle et se situent sur les côtes africaines (Guinée-Bissau, Cap-Vert, Angola et Mozambique). Les mouvements anticoloniaux s’y développent dès les années 1950, mais le régime du dictateur Salazar refuse de lâcher ces territoires. Pendant près de 20 ans, l’armée portugaise lutte en vain contre les divers mouvements rebelles.
Le sud de l’Afrique devient un terrain de la guerre froide à partir de la fin des années 1960 : les mouvements communistes (MPLA en Angola et Frelimo au Mozambique) sont aidés dans la lutte contre l’armée portugaise par l’URSS et l’intervention de l’armée cubaine, tandis que les mouvements du FNLA angolais et du Renamo mozambicains sont soutenus par les États-Unis et l’Afrique du Sud. Il faut attendre 1974 et la chute du régime de Salazar pour voir ces États accéder à l’indépendance, mais les nouveaux pays basculent aussitôt dans la guerre civile.

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À retenir

On peut voir ainsi que les indépendances suivent des chemins souvent tortueux et passant fréquemment par la violence. Les territoires réclamant l’indépendance sont aussi le lieu d’expression des tensions entre les deux blocs de la guerre froide.
Les nouveaux États sont souvent dépourvus des moyens de gouverner (cadres, finances, infrastructures) et cherchent donc à s’organiser autour de leurs problèmes communs.

Le tiers-monde à l’épreuve de la guerre froide

La solidarité anti-impérialiste des pays décolonisés se traduit par la volonté politique de ne pas rentrer dans le jeu de la guerre froide. En parallèle, plusieurs organisations internationales sont créées au sein du tiers-monde, avec des résultats limités. À partir des années 1970, la notion de tiers-monde et le neutralisme apparaissent ainsi comme en partie dépassés.

Le non-alignement et ses ambiguïtés

La solidarité entre les mouvements luttant contre le colonialisme permet une prise de conscience qui aboutit à la conférence de Bandung de 1955. 29 États africains et asiatiques y participent, avec en plus la Yougoslavie comme observateur (cette dernière est communiste mais rejette l’URSS). Cette conférence réunit de grandes figures comme Sukarno (Indonésie), Nehru (Inde),Nasser (Égypte), Haïlé Sélassié (Éthiopie), Zhou Enlai (République Populaire de Chine) et Tito (Yougoslavie). Ils y affirment une position neutraliste, soutiennent les mouvements de libération nationale et déclarent refuser toute présence militaire étrangère sur leur territoire. 110 États au total ont rejoint le mouvement des non-alignés, soit la majorité des membres de l’ONU qui se définissent comme n’étant alignés sur aucune puissance mondiale.

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À retenir

Au-delà de l’antagonisme Est-Ouest instauré par la guerre froide, le tiers-monde veut plutôt mettre en avant le clivage qui existe entre les pays dits du Nord et ceux du Sud. 

La présence d’États communistes aux côtés des ex-colonies ne fait que s’accentuer avec l’entrée dans les non-alignés de Cuba, du Vietnam et de l’Algérie. Ainsi, les conférences des non-alignés de 1973 et 1979 se tiennent à Alger et La Havane. Ces États membres mettent en avant une « alliance naturelle » avec le camp socialiste, qui devient une dénonciation du seul impérialisme américain. L’impérialisme américain s’exerce notamment sur l’Amérique Latine avec les interventions militaires au Guatemala et au Costa Rica en 1954, à Grenade en 1983 et le soutien aux dictatures militaires au Chili, au Brésil et en Argentine.

Unités régionales et organisations internationales

La volonté de certains acteurs de créer des États englobant un continent, une ethnie ou une religion est formulée assez tôt et aboutit à la création d’organisations internationales. Si elles parviennent parfois à des réalisations concrètes, elles montrent aussi des divergences politiques.
Au Moyen-Orient, la Ligue Arabe fondée en 1945 au Caire est ainsi concurrencée par la Conférence Islamique fondée en 1969 par l’Arabie Saoudite. Le panarabisme aboutit à une brève union de l’Égypte et de la Syrie (1958-1961), avant que la question palestinienne et la guerre du Liban ne fracturent l’unité arabe.
En Afrique, l’Organisation de l’Unité africaine est fondée en 1963 mais est dès le début divisée entre réformistes et révolutionnaires. Pour éviter des conflits sans fin au sujet des territoires des nouveaux États, elle proclame que les frontières héritées de la colonisation ne peuvent être modifiées, ce qui met à mal le projet panafricaniste. Elle enregistre cependant des succès diplomatiques en servant de médiateur.
En Amérique Latine, l’Organisation des États américains (incluant l’Amérique du Nord) de 1948 est alignée sur les États-Unis alors que l’Organisation latino-américaine de solidarité (fondée à La Havane en 1966 et ne concernant que l’Amérique latine) est dirigée contre eux.
D’autres organisations internationales sont créées au sein du tiers-monde. L’une des plus importante est l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) créée à Bagdad par l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Irak, le Koweït et le Venezuela en 1960. Dans les années 1970, l’OPEP est à l’origine du choc pétrolier pendant la guerre du Kippour et contrôle l’essentiel du pétrole mondial. Depuis, son influence s’est réduite à cause de la diversification de l’approvisionnement énergétique des pays industrialisés et de l’apparition de nouveaux grands producteurs hors OPEP.

L’enjeu du développement

En 1963, 77 pays en voie de développement demandent à l’ONU la tenue d’une conférence pour le développement. La Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) se réunit en 1964 et conclut des accords internationaux sur le prix des produits de base. En 1974, le Groupe des 77 fait adopter par l’ONU une déclaration appelant à établir un nouvel ordre économique mondial plus favorable au développement, mais se heurte à l’opposition des États-Unis. Ce groupe des 77 s’élargit et se diversifie, prenant conscience des inégalités qui existent en son sein.
En effet, les situations des États du tiers-monde sont très diverses. Des pays comme la Corée du Sud ou Taïwan passent en quelques décennies du statut de pays en voie de développement à une économie très moderne et performante (Nouveaux Pays Industrialisés, parfois surnommés « Dragons d’Asie »). Certains comme le Brésil ou le Mexique font figure de « pays émergents » à cause de nombreux atouts non-exploités (parfois en raison de l’ingérence politique et économique des États-Unis). Certains pays parviennent à grandement profiter du développement du tourisme, comme l’Égypte, la Tunisie ou le Maroc, tandis que la Libye ou l’Algérie n’en profitent pas à cause de la situation politique. La stabilité affichée par le Sénégal ou l’Inde contraste fortement avec les coups d’État fréquents au Pakistan ou en Angola.
En 1981, un plan d’aide aux 31 « pays les moins avancés » (PMA) est ainsi décidé à la Conférence de Paris. La même année, le premier sommet Nord-Sud réunit 22 pays à Cancun mais reste sans lendemain. L’objectif proposé par l’ONU de voir les pays développés consacrer 0,7 % de leur PIB à l’aide au développement a ainsi été peu suivi, et l’aide souvent mal distribuée ou détournée.

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À retenir

Nous voyons donc que la volonté politique d’une unité du tiers-monde s’est progressivement effritée sous l’effet des divergences politiques et socio-économiques, mais que l’idée de pays unis par des problèmes communs de développement s’est imposée grâce à l’ONU.

Conclusion :

À leur apogée à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les empires coloniaux européens sont ébranlés par les deux guerres mondiales, aboutissant ainsi à un processus global de décolonisation à l’initiative des colonies. Si certains pays parviennent à accéder pacifiquement à l’indépendance, il faut parfois mener une guerre sanglante qui laisse des traces très profondes dans le pays. Cependant, les conséquences de la présence coloniale sont nombreuses et persistent souvent après l’indépendance.
Poussés par des problématiques et des aspirations communes, les États décolonisés se rassemblent dans le mouvement des non-alignés. Mais leur volonté de neutralité est vite rattrapée par la bipolarisation du monde dans le contexte de guerre froide.
Des organisations internationales régionales ont quand même permis des avancées politiques et économiques, mais elles sont loin d’être suffisantes. Si certains pays du tiers-monde ont clairement réussi leur développement, de nombreux obstacles persistent pour d’autres. Et nombre de ces pays restent complètement minés par le sous-développement et/ou l’instabilité politique.