Pour Baudelaire, le monde n’est pas que matière ; il comporte aussi une dimension spirituelle.
Deux réalités différentes coexistent : l’une est d’ordre matériel, l’autre relève de l’Idéal.
Cette conception du monde rappelle la philosophie de Platon qui repose sur la distinction entre deux réalités :
une réalité concrète perçue par nos sens ;
et une réalité abstraite, du domaine des idées.
Dans son essai Les Arcanes célestes, Emmanuel Swedenborg sépare lui aussi spiritualité et matière et amorce le dessin d’une poétique de la correspondance.
Le monde sensible, humain, révèle le monde spirituel par un système de correspondances.
La quête de l’Idéal est notamment motivée par la nécessité de s’extraire du Spleen.
Au moment de l’écriture des Fleurs du mal Baudelaire choisit le mot spleen, pour nommer un état de mélancolie profonde inhérent au dégoût de sa propre existence.
Ce mot anglais signifie « rate » et fait référence à l’une des quatre humeurs de la théorie des humeurs : la bile noire.
En entrant dans l’analyse du poème « Correspondance », nous pouvons montrer la tension synesthésique qui tiraille le poète entre Spleen et Idéal.
Le rôle du poète : un médiateur entre la Nature et les hommes
Le poète en quête d’Idéal est sensible au langage de la nature qu’il tente de retranscrire au moyen de son art : la poésie.
« Correspondances » s’ouvre sur une métaphore filée qui rapproche la « Nature » d’un « temple ».
Ainsi, la nature revêt un caractère sacré. C’est un lieu de communication entre l’humain et le divin.
Mais l'humain se révèle incapable de comprendre le monde et d’appréhender une réalité supérieure.
En communion avec les éléments, le poète devient une figure druidique capable de déchiffrer la formule de la Nature qui libère l’accès à l’Idéal.
Le poème déploie la notion de correspondances horizontales et de correspondances verticales, aussi appelées synesthésies.
Certaines perceptions correspondant à un sens évoquent spontanément des perceptions liées à un autre sens.
Le poème établit ainsi une correspondance entre le monde de la sensibilité et celui de la spiritualité.
Le poète semble atteindre un état d’extase, cet Idéal qu’il recherche pour échapper au Spleen.
D’horizontale, la correspondance devient donc verticale et permet à l’Homme de transcender sa condition matérielle.
Le poète se fait l’intermédiaire, le passeur qui propose au lecteur de l’aider à s’élever vers l’Idéal.
La poésie, par les jeux qu’elle permet sur les rythmes et les sonorités, sert ainsi la démonstration.
Tous les alexandrins sont coupés en deux hémistiches identiques afin d’illustrer l’harmonie de la Nature.
En outre, le travail du poète sur les sonorités permet de solliciter l’ouïe du lecteur via des assonances et des allitérations.
Le sonnet des « Correspondances » fonctionne comme une illustration de ce qu’il expose. Par les rythmes et les sons, il conduit le lecteur à expérimenter sa capacité à détecter des analogies à partir de ses sens.
Ce poème ouvre la voie à la poésie symboliste : ce courant littéraire et artistique de la seconde moitié du XIXe siècle ne voit dans le réel que le reflet d’une réalité supérieure.
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