La musique ou l'art de faire entendre les nombres

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Introduction :

Les sons musicaux, pour être agréables à l’oreille, doivent être consonants.
C’est pourquoi il est important que des instruments qui jouent ensembles soient bien accordés.

Nous aborderons dans ce cours la notion de consonance et nous verrons en quoi les mathématiques et la musique sont étroitement liés.

Dans un premier temps, nous étudierons la construction de la gamme de Pythagore, puis nous verrons pourquoi et comment est née la gamme tempérée.

La gamme de Pythagore

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Attention

Dans ce cours, lorsque l’on utilisera le terme « note », on ne fera référence qu’à sa hauteur (fréquence).

Octave et gamme

En musique, pour « comparer » les notes, on évalue l’intervalle qui les sépare.

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Définition

Intervalle :

En acoustique, un intervalle entre deux notes est le rapport (résultat de la division) de leurs fréquences fondamentales.

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À retenir

Deux sons dont le rapport de leurs fréquences fondamentales est $\dfrac{2}{1}$ (ce qui est égal à $2$) correspondent à une même note.
L’intervalle les séparant est appelé une octave.

  • Par exemple, on dit donc que le $la_4$ ($880\,\text{Hz}$) est à l’octave du $la_3$ ($440\,\text{Hz}$).

L’octave permet ainsi de définir les gammes.

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Définition

Gamme :

Une gamme est un nombre fini de notes comprises dans une octave.

En français, les notes non altérées (c’est-à-dire sans dièse ni bémol) sont désignées comme suit :

$do$, $ré$, $mi$, $fa$, $sol$, $la$, $si$, $do$

Dans l’Antiquité, pour construire une gamme, on se basait sur la consonance des sons.

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Définition

Consonance :

Deux sons sont dits consonants si lorsqu’ils sont entendus ensemble, cela semble agréable à l’oreille.
(Mozart parlait de notes « qui s’aiment ».)

Construction de la gamme de Pythagore

Dans l’antiquité, pour construire une gamme, on utilisait le son émis par une corde tendue.
Les sons dont les rapports de fréquences étaient simples ($\dfrac{2}{1}$, $\dfrac{3}{2}$, $\dfrac{4}{3}$…) ont été repérés comme consonants et ont donc servi à la construction des gammes dites « naturelles ».
La plus connue de ces gammes est la gamme de Pythagore.

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À retenir

Pour construire cette gamme, les pythagoriciens se sont basés sur la consonance des sons dans des rapports de $\dfrac{2}{1}$ (octave) et $\dfrac{3}{2}$ (quinte).

Voici la description de la méthode de composition de la gamme de Pythagore :

  • On choisit une note de référence, $do$ par exemple.

On a alors $do = 1$

  • On applique le rapport choisi ($\dfrac{3}{2}$) pour trouver la note consonante :
    $$\text{note}\,2 =\dfrac{3}{2}$$ On obtient une gamme ditonique (deux notes).
  • On applique de nouveau le rapport à cette seconde note pour trouver la suivante : $$\text{note}\,3 =\dfrac{3}{2}\times\dfrac{3}{2} =\dfrac{9}{4}$$ On pourrait continuer ainsi infiniment en multipliant le résultat trouvé à chaque fois par $\dfrac{3}{2}$. $\dfrac{3}{2}$ étant supérieur à $1$, la fréquence trouvée est de plus en plus grande et donc de plus en plus aigüe. En faisant cela, on finit par retomber sur la note de départ mais à une hauteur différente.
    Or, comme on cherche à construire une gamme, les notes doivent se trouver dans une même octave, ce qui n’est plus le cas ici ($\dfrac{9}{4}>\dfrac{2}{1}$).
    Pour remédier à ce problème, on prend la même note 3 mais une octave en dessous. Pour cela, il suffit de diviser sa fréquence par $2$.
    On obtient ainsi :
    $$\text{note} 3 =\dfrac{9}{4}\div 2=\dfrac{9}{4}\times\dfrac{1}{2}=\dfrac{9}{8}$$
  • On reproduit cette même technique pour trouver les notes suivantes.
  • Il suffit ensuite de classer les rapports de façon croissante pour obtenir les notes de la gamme dans l’ordre.

Voici comment a été calculée chacune des fréquences des notes composant une octave avec le $do$ choisi comme point de départ :

Note Rapport Valeur approchée
1 ($do$) $1$ $1,000$ 
2 $1\times\dfrac{3}{2}=\dfrac{3}{2}$ $1,500$ 
3 $\dfrac{3}{2}\times\dfrac{3}{2}=\dfrac{9}{4}\approx 2,250$

$\rightarrow\dfrac{9}{4}\div 2=\dfrac{9}{8}$

$1,125$ 
4 $\dfrac{9}{8}\times\dfrac{3}{2}=\dfrac{27}{16}$ $1,688$ 
5 $\dfrac{27}{16}\times\dfrac{3}{2}=\dfrac{81}{32}\approx 2,531$

$\rightarrow\dfrac{81}{32}\div 2=\dfrac{81}{64}$

$1,266$ 
6 $\dfrac{81}{64}\times\dfrac{3}{2}=\dfrac{243}{128}$ $1,899$ 
7 $\dfrac{243}{128}\times\dfrac{3}{2}=\dfrac{729}{256}\approx 2,847$

$\rightarrow\dfrac{729}{256}\div 2=\dfrac{729}{512}$

$1,424$ 
8 $\dfrac{729}{512}\times\dfrac{3}{2}=\dfrac{2\,187}{1\,024}\approx 2,135$

$\rightarrow\dfrac{2\,187}{1\,024}\div 2=\dfrac{2\,187}{2\,048}$

$1,068$ 
9 $\dfrac{2\,187}{2\,048}\times\dfrac{3}{2}=\dfrac{6\,561}{4\,096}$ $1,602$ 
10 $\dfrac{6\,561}{4\,096}\times\dfrac{3}{2}=\dfrac{19\,683}{16\,384}$ $1,201$ 
11 $\dfrac{19\,683}{16\,384}\times\dfrac{3}{2}= \dfrac{59\,049}{32\,768}$ $1,802$ 
12 $\dfrac{59\,049}{32\,768}\times\dfrac{3}{2}=\dfrac{177\,147}{131\,072}$ $1,352$ 
13 ($do$) $\dfrac{177\,147}{131\,072}\times\dfrac{3}{2}=\dfrac{531\,441}{262\,144}$ $2,027$ 

À la lecture du tableau, on s’aperçoit que le rapport est proche de $2$ pour la ligne 6, la ligne 8 (avant division par $2$) et la ligne 13.
Après avoir remis les notes dans l’ordre croissant des fréquences, on obtient des gammes de notes réparties sur une octave. Les gammes les plus courantes s’étendent du $do_1$ (première ligne) au $do_2$ (treizième ligne).

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À retenir

La gamme la plus courante est la gamme diatonique : elle contient 7 notes ($do$, $ré$, $mi$, $fa$, $sol$, $la$, $si$).
Par la suite, pour faciliter la transposition des mélodies, il a fallu combler les « vides » en passant à une gamme chromatique contenant 12 notes, ce qui explique la présence des notes dites « altérées » (dièse, bémol).

La gamme chromatique retenue est composée de 7 notes naturelles de la gamme diatonique et de 5 notes altérées :

Note $do_1$ $do\sharp$ $ré$ $ré\sharp$ $mi$ $fa$ $fa\sharp$ $sol$ $sol\sharp$ $la$ $la\sharp$ $si$ $do_2$
Rapport $1,00$ $1,07$ $1,13$ $1,20$ $1,27$ $1,33$ $1,42$ $1,50$ $1,60$ $1,69$ $1,80$ $1,89$ $2,03$

En analysant les rapports entre ces notes, on peut constater que la différence entre deux rapports successifs n’a pas une valeur constante, ce qui pose des problèmes lors des transpositions.
Aussi, on s’aperçoit que l’on ne tombe pas tout à fait sur un rapport de $2$ pour le $do_2$.

De plus, même en poursuivant cette méthode de calcul d’après le rapport de quinte, on se retrouve devant un autre problème : la fréquence du $si\sharp$ n’est pas égale à celle du $do$ alors qu’elle devrait l’être.

  • La différence, même faible entre ces deux notes, appelée le comma pythagoricien, est à l’origine de l’élaboration d’une nouvelle gamme dite « tempérée ».

La gamme tempérée

Il a fallu attendre la fin du XVIIe siècle pour qu’une gamme comportant 12 intervalles égaux soit pensée et élaborée par le mathématicien Andreas Werckmeister.

Construction de la gamme tempérée

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À retenir

L’idée de cette gamme est de répartir le comma pythagoricien pour obtenir des rapports entre les notes parfaitement égaux.

gamme tempérée octave

Ainsi, une octave est séparée en 12 intervalles égaux. Un intervalle permet de passer d’une note à la suivante. Or en termes de fréquence, une octave correspond à une multiplication par $2$. Ce qui peut s’écrire : $$\dfrac{f\,do_2}{f\,do_1}=2=a^{12}$$

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Attention

On n’additionne pas les intervalles, on les multiplie entre eux, c’est pourquoi on écrit bien $a^{12}$.

Par analogie à la racine carré qui est l’inverse du carré (si $2^2=4$, alors $\sqrt 4=2$), on obtient :

$a=^{12}\sqrt 2$ (on lit « racine douzième de $2$ »), soit $a=2^{\frac{1}{12}}$

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À retenir

Dans la gamme tempérée, l’intervalle séparant deux notes successives, appelé demi-ton, est toujours le même et vaut $2^{\frac{1}{12}}$.

Au moment de la construction de la gamme de Pythagore, le rapport entre deux notes se faisait sous forme fractionnaire, ce qui rendait impossible l’obtention d’un intervalle constant entre deux notes de la gamme. En utilisant les connaissances des nombres irrationnels pour définir l’intervalles entre deux notes, il a été possible de trouver une valeur d’intervalle constante sur toute la gamme.
La connaissance des nombres irrationnels en mathématiques a donc permis une évolution dans le domaine musical.

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Rappel

Un nombre irrationnel est un nombre qui ne peut s’écrire sous la forme d’une fraction $\dfrac{\text a}{\text b}$ ou $\text a$ et $\text b$ sont deux entiers.

Si l’on connaît la fréquence d’une note, on peut facilement trouver la fréquence de la 8e note après celle-ci : $$f_{sol}=2^{\frac{8}{12}}\times f_{do}$$

Avantages et inconvénients de la gamme tempérée

Dans la gamme tempérée, un $ré\sharp$ et un $mi\flat$ sont une seule et même note.

  • Le dièse signifie que l’on augmente la note d’un demi-ton, alors que le bémol signifie que l’on diminue la note d’un demi ton.
  • Avantages

Les intervalles entre toutes les notes étant égaux, on peut aisément transposer une mélodie.
Si l’on souhaite transposer une mélodie au ton supérieur, il suffit d’ajouter un ton à chacune des notes de la mélodie : $do$, $mi$, $fa$, $do$ devient ainsi $ré$, $fa\sharp$, $sol$, $ré$.
Les intervalles sont préservés et il est alors possible de transposer une mélodie sans changer d’instrument pour préserver la sensation auditive globale.

Avec la popularisation de cette gamme tempérée, les instruments capables de jouer les 12 notes (instruments tempérés) se sont développés.
Les notes sont les mêmes (en termes de fréquence) quel que soit l’instrument utilisé, permettant un essor de la musique d’orchestre.

  • Inconvénients

Il est indéniable que cette gamme tempérée est bien plus pratique à utiliser au quotidien et a fortiori par les non experts.
Toutefois, les intervalles basés sur des considérations mathématiques font perdre de la justesse aux notes, comme le montre le tableau suivant sur la fréquence associée à chaque note selon la gamme :

$do$ $ré$ $mi$ $fa$ $sol$ $la$ $si$ $do$
Gamme de Pythagore $261,6$ $294,3$ $331,1$ $348,8$ $392,4$ $441,5$ $496,7$ $523,3$
Gamme tempérée $261,3$ $293,7$ $329,6$ $349,2$ $392$ $440$ $493,9$ $523,3$

Les écarts sont néanmoins très faibles et donc assez peu perceptibles, ce qui explique la popularité de la gamme tempérée.

Conclusion :

À l’origine, la musique était basée uniquement sur des sensations auditives, puis les scientifiques ont petit à petit utilisé les connaissances en mathématiques permettant la définition de l’octave et de différentes gammes.

Ces définitions scientifiques de la musique, et notamment la gamme tempérée, ont permis de la populariser mais également de développer de nouvelles orientations, telle que la musique d’orchestre.
La poursuite de ces progrès scientifiques en lien avec le domaine musical a notamment permis l’émergence de la musique électronique.

Il apparaît donc que sciences et musique sont deux domaines intimement liés.