La perception - Partie 2

Problématiques

  • Qu’est-ce qu’une relation sensible au réel ?
  • Comment résister aux charmes d’un réel manipulé par d’autres, pour les intérêts de quelques-uns ?
  • Comment se forger une perception du réel plus raisonnable et personnelle ?
  • Platon et l’allégorie de la caverne

Dans l’allégorie de la caverne, extrait du dialogue La République, Platon raconte de manière métaphorique le quotidien des hommes. Retenus prisonniers au fond d’une caverne, attachés, les hommes sont contraints de regarder droit devant eux la paroi du mur. S’y reflètent des spectacles quotidiens de toutes sortes agencés par des marionnettistes. N’ayant jamais vu d’objets réels et n’ayant pas conscience de l’existence de marionnettistes, les hommes prennent pour réel ce qui n’est qu’une illusion. Ils ne peuvent savoir que les reflets qu’ils voient ne sont qu’une réalité déformée et manipulée par d’autres hommes.

  • Bachelard et la compréhension de la nature

Bachelard affirme dans La Formation de l’esprit scientifique que « nous comprenons la nature en lui résistant ». Cela signifie que par toute la force de son entendement, le savant résiste à la tentation d’en rester à un rapport individuel et subjectif avec le réel. Il cherche à construire les lois objectives et universelles qui règlent les phénomènes naturels. La connaissance de ces lois permet d’intervenir sur la nature pour la maîtriser et l’exploiter dans le souci du progrès humain.

  • Le philosophe pense par lui-même

Du point de vue philosophique, Platon trouve dans Socrate le modèle de ce prisonnier courageux parvenant à se libérer des opinions de son époque : conscient d’être manipulé, il questionne le pouvoir que s’octroient à son époque les sophistes, manipulateurs d'opinions qui n'ont pas le souci de rechercher la vérité. Mais par son esprit critique et son questionnement incessant, Socrate s’entête et refuse de se laisser bercer ou duper par des opinions que l’on cherche à lui imposer sans qu’il ne prenne le temps d’y réfléchir par lui-même. À ce dogmatisme manipulateur, Socrate oppose la sagesse de son ignorance : « Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien ». Il est impératif de prendre du recul avec les opinions des autres si l’on veut penser par soi-même. Cette méfiance à l’égard des opinions en vogue à son époque lui vaudra d’être accusé de trahison à l’égard de la cité athénienne. Il sera jugé puis condamné à mort en -344 avant Jésus Christ.

  • L’opinion et l’esprit critique

Antonio Gramsci, penseur engagé du XXe siècle, résume parfaitement cette difficulté de prendre du recul avec l’opinion commune afin de penser par soi-même. Il écrit dans ses Cahiers de prison :

« […] est-il préférable de "penser" sans en avoir une conscience critique, sans souci d'unité et au gré des circonstances, autrement dit de "participer " à une conception du monde " imposée mécaniquement par le milieu ambiant ; ce qui revient à dire par un de ces nombreux groupes sociaux dans lesquels tout homme est automatiquement entraîné dès son entrée dans le monde conscient […] ou bien est-il préférable d'élaborer sa propre conception du monde consciemment et suivant une attitude critique et par conséquent, en liaison avec le travail de son propre cerveau, choisir sa propre sphère d'activité, participer activement à la production de l'histoire du monde, être à soi-même son propre guide au lieu d'accepter, passivement et de l'extérieur, une empreinte imposée à sa propre personnalité ? »

  • Penser consiste à prendre conscience que nous sommes déterminés

Selon Spinoza, l’Homme croit savoir pourquoi il agit, pourquoi il prend telle ou telle décision, accomplit tel ou tel acte, mais en réalité il n’en est rien.

Pour le prouver, Spinoza prend l’exemple d’une pierre qui tombe au sol en raison de la force gravitationnelle. Donnons à cette pierre une conscience, et la pierre s’imaginera instantanément qu’elle tombe parce qu’elle le veut bien et non parce qu’elle y est forcée par une cause qu’elle ne peut réprimer.

L’exemple de cette pierre consciente est une métaphore pour inciter l’individu à comprendre vraiment ce qui le mobilise dans son existence ; quels sont ses motifs et ses intentions réels. Par exemple, si je veux devenir professeur de sport c’est pour certaines raisons, et je peux les énumérer si on me le demande. Mais ces raisons sont-elles bien les miennes ? Suis-je réellement motivé par les raisons que j’invoque, ou juste en train de cautionner les raisons que ma famille, mes amis ou la télévision m’ont mis en tête ? Ne suis-je pas comme cette pierre consciente, croyant savoir pourquoi elle roule mais s’illusionnant totalement ?

bannière à retenir

À retenir

  • Il paraît plus facile et naturel de sentir le réel au lieu de le penser. C’est pourquoi on se contente souvent de ce rapport sensible à la réalité, plus direct et spontané.
  • Tout phénomène perçu par les sens est perçu subjectivement.
  • L’individu sans conscience critique est comme celui qui vit enchaîné dans la caverne. Il sent le réel à travers les opinions des autres et se contente de les accepter passivement. En revanche, faire preuve d’esprit critique, avec tout l’effort et la persistance que cela demande, nous permet d’élaborer notre propre conception du monde.
  • Il ne suffit pas de nous sentir libre pour l’être vraiment. Il faut admettre que cette sensation est illusoire, que nous ne sommes pas libres, puis comprendre les causes réelles qui nous poussent à agir.
  • Un individu qui exerce son esprit critique s’affranchit des opinions véhiculées par les autres mais prend aussi conscience des déterminismes qui pèsent sur son identité. Il s’efforce alors de se libérer d’un point de vue intellectuel et moral.