La chrétienté médiévale (XIe-XIIIe siècles)

Introduction :

L’objectif de ce cours est d’étudier toute la richesse et la complexité du Moyen Âge. Cependant, le titre de ce cours n’est pas « le Moyen Âge », mais bien la « chrétienté médiévale ». On définit le terme « chrétienté » comme l’espace territorial dans lequel se développe et s’exprime la religion chrétienne.

Dans une première partie, nous étudierons les relations entre l’Église et le pouvoir temporel. Puis, nous analyserons la diffusion du christianisme dans la société quotidienne. Enfin, nous terminerons ce chapitre par une analyse des relations entre l’Église et ceux qu’elle nomme les « hérétiques ».

La réforme grégorienne

Dans l’Occident médiéval, la très grande majorité de la population est chrétienne, même s’il y a, dans quelques endroits, des minorités juives et musulmanes.

Entre le XIe et le XIIIe siècle, le christianisme connaît de profondes évolutions. Il ne se présente plus seulement comme un pouvoir spirituel, c’est-à-dire qui guide les hommes dans le cadre de la religion mais aussi comme un pouvoir temporel, qui maintient l’ordre social et fait directement concurrence aux rois et seigneurs.

La lutte contre les souverains laïcs

À partir du XIe siècle, l’Église se réforme en profondeur. Elle souhaite redéfinir ses relations avec le pouvoir temporel, c’est-à-dire le pouvoir des rois, empereurs et seigneurs, mais aussi réformer l’Église de l’intérieur.

À partir du XIe siècle, la série de réformes lancée par plusieurs papes successifs provoque des changements politiques profonds.

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À retenir

L’objectif est simple : il s’agit, pour le pape, de devenir un chef temporel autant que spirituel, ainsi que de contrôler l’ensemble de la chrétienté.

Ce point est important, car lorsque l’Empire romain disparait en Occident et laisse place à une multitude de petits royaumes, l’Empire romain d’Orient ne disparaît pas, lui. L’empereur d’Orient, que l’on appelle le basileus, est également le chef de l’Église chrétienne d’Orient.

  • Le pape souhaite s’affirmer comme l’unique chef de la chrétienté, empiétant ainsi sur le pouvoir de l’empereur d’Orient.
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À retenir

Ces tensions finissent par provoquer une rupture entre l’Église d’Orient et d’Occident. Cette rupture porte le nom de schisme, et date de 1054.

Le schisme de 1054 Le schisme de 1054

Second point de discorde : le pape souhaite être choisi non pas par les rois ou les empereurs, comme c’était le cas jusqu’à présent, mais par une réunion de cardinaux, des hommes d’Église très proches du pape.

Le pape veut également contrôler la désignation des évêques et des abbés, c’est-à-dire des hommes d’Église qui s’occupent d’un diocèse ou d’une abbaye.

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À retenir

Toutes ces réformes s’orientent dans la même direction : il s’agit d’enlever aux souverains laïcs le contrôle des affaires de l’Église.

Ces réformes prennent le nom de « réforme grégorienne », du nom du pape Grégoire VII, qui a régné entre 1073 et 1085.

La réforme interne de l’Église

En parallèle à la reprise en main du pouvoir temporel, l’Église mène à partir du XIe siècle une série de réformes internes.

L’Église lutte contre la simonie et le nicolaïsme.

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Définition

Simonie :

La simonie est le fait d’acheter des choses saintes, de faire du trafic d’objets religieux ou même de charges ecclésiastiques.

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Définition

Nicolaïsme :

Le nicolaïsme désigne le mariage ou le concubinage des prêtres.

  • Au XIe siècle, on interdit aux prêtres de se marier et on lutte activement contre le trafic d’objets ou de charges religieuses.

L’Église contre les débordements des seigneurs locaux

À partir du XIe siècle, l’Église souhaite être un repère moral contre les débordements des seigneurs. En effet, la chrétienté était secouée par de nombreuses guerres locales entre des seigneurs de grande, moyenne ou petite importance. Ces conflits locaux terrorisaient les populations paysannes car les seigneurs détruisaient les récoltes et pillaient les champs.

  • L’Église met alors en place des « serments de paix ».
  • Les chevaliers doivent jurer devant Dieu et l’évêque présent qu’ils ne s’attaqueront plus aux populations désarmées et qu’ils contrôleront les débordements.
  • L’Église lance la Trêve de Dieu, c’est-à-dire la suspension des activités guerrières durant certaines fêtes (comme Noël par exemple).

L’Église dans la vie quotidienne

L’Église reprend donc en main les affaires politiques et sociales entre le XIe et le XIIIe siècle. Elle joue également un rôle majeur dans la vie quotidienne. Il est important de distinguer le clergé régulier et le clergé séculier.

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Définition

Clergé séculier :

Le clergé séculier est celui qui organise la vie des fidèles et regroupe des hommes qui vivent dans la société.

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Définition

Clergé régulier :

Le clergé régulier regroupe des hommes qui s’écartent de la société pour vivre reclus, dans un monastère ou une abbaye.

La paroisse

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Définition

Paroisse :

Une paroisse est une division territoriale. Le chef de la paroisse est le curé. La réunion de plusieurs paroisses s’appelle le diocèse, dont le chef est l’évêque.

La vie quotidienne au Moyen Âge s’organise donc autour de la figure du curé et de son église, souvent située au centre du village. Le curé est chargé de la messe, de l’éducation religieuse des fidèles et des sacrements religieux, tels que le baptême.

  • Autrement dit, la vie au Moyen Âge s’organise sur le temps de l’Église, qui rythme le quotidien des fidèles.

L’abbaye : un centre de diffusion culturelle

En parallèle aux prêtres, qui organisent la vie quotidienne des chrétiens, il existe un groupe de croyants qui s’isole de la société : ce sont les moines que l’on appelle aussi le clergé régulier.

  • « Régulier » parce qu’ils vivent selon une « règle », que l’on appelle aussi un ordre monastique.

Il en existe plusieurs au Moyen Âge, mais les plus répandus, entre le XIe et le XIIIe siècle, sont l’ordre cistercien et l’ordre clunisien.

  • L’ordre cistercien vit selon la règle de saint Benoît, dans la pauvreté et le silence.
  • L’ordre clunisien se propose également de vivre dans la pauvreté et l’austérité.

Les moines vivent reclus dans des abbayes, que l’on définit comme un monastère placé sous la direction d’un abbé ou d’une abbesse. Les abbayes sont fondées à la fois par des laïcs, qui financent une partie de la construction et par des membres du clergé. Le choix du site de la construction de l’abbaye répond à plusieurs critères (à proximité d’une source d’eau, sur une terre fertile principalement). Une fois construite, l’abbaye s’inscrit dans l’économie locale : elle fait travailler des paysans, possède parfois une forge, un moulin ou même une boulangerie.

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À retenir

Les abbayes possèdent de nombreux ouvrages rares dans leurs bibliothèques et deviennent ainsi les gardiens du savoir antique.

Toutefois, la richesse et la beauté de ces abbayes suscitent de nombreuses critiques. En effet, ces grands ordres monastiques accumulent au fil du temps de nombreuses richesses, achètent des terres, font vivre des paysans et les moines ressemblent souvent à des seigneurs plutôt qu’à religieux reclus.

  • Dès le XIIIe siècle, de nouveaux ordres apparaissent, précisément pour revenir à des pratiques de pauvreté : ce sont les franciscains et les dominicains.

Le culte des saints

À partir du XIe siècle, il existe en Occident un essor du culte des saints et des reliques.

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Définition

Saint :

Les saints sont les personnes qui ont été canonisées par le pape.

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Définition

Reliques :

Les reliques sont les objets ou les ossements dont on croit qu’ils ont appartenu à un saint.

On considère généralement que les reliques possèdent un pouvoir magique, qui peut guérir ou exaucer des prières. L’Église organise le culte des saints, notamment celui de saint Jacques de Compostelle.

L’Église contre les hérétiques

Non seulement l’Église s’oppose aux souverains laïcs, à l’Église d’Orient et organise la vie quotidienne des chrétiens, mais elle lutte également activement contre les ennemis de la religion chrétienne. Il existe deux types d’ennemis selon elle :

  • ceux qui sont externes au christianisme, c’est-à-dire les autres religions,
  • et ceux qui sont internes.

Les ennemis internes sont les chrétiens qui ne suivent pas le dogme (la règle) officiel : ce sont les hérétiques.

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À retenir

L’évangélisation, c’est-à-dire la diffusion de la parole du Christ, ne se fait pas toujours pacifiquement.

La lutte externe

À partir du XIe siècle, l’Église s’est opposée aux musulmans lors des fameuses croisades, que le pape définit comme une « guerre juste et sainte » et lors de la Reconquista, c’est-à-dire la reconquête de l’Espagne musulmane par les rois chrétiens entre le XIe et le XVe siècle.

Les hérétiques

Un certain nombre de fidèles, à la recherche d’une Église plus pure, très critiques envers les richesses que le clergé accumule, s’éloigne du dogme officiel.

  • C’est le cas notamment des Albigeois que l’on nomme également les Cathares.

Dès le XIIe siècle, les Albigeois s’implantent dans le Languedoc ; le pape et un certain nombre de seigneurs s’allient alors pour lutter contre eux : la répression est violente. Les Albigeois sont arrêtés et exécutés, souvent sur des bûchers. Certains historiens parlent d’un million de morts lors de cette répression.

Conclusion :

La chrétienté médiévale s’affirme à partir du XIe siècle. Elle parvient à mettre de l’ordre à l’intérieur de son clergé, à contrôler la vie des villes et des villages, ainsi qu’à remettre en question le pouvoir des plus grands souverains. Elle lutte activement contre les ennemis du christianisme, qu’ils soient externes, notamment les musulmans, ou internes, comme les Albigeois.

Cependant, à partir du XIIIe siècle, le pouvoir royal s’affirme un peu partout en Europe, et en particulier en France. Le roi va alors se présenter à nouveau comme un concurrent de l’autorité chrétienne qui va à son tour s’affaiblir.