Les composantes institutionnelles des régimes politiques démocratiques

Introduction :

Les régimes politiques démocratiques ont progressivement supplanté le pouvoir absolutiste du roi, dont Louis XIV a été l’une des plus fidèles incarnations. Cette transition s’explique par l’affirmation de la société sur la Monarchie absolue, incarnée par le règne de Louis XIV. Le pouvoir cesse progressivement de trouver sa justification dans la religion pour tirer sa légitimité de la volonté du peuple. Dans son discours de 1863 à Gettysburg, le président américain Abraham Lincoln avance le concept de gouvernement « du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Ainsi, la démocratie est un régime politique dans lequel le pouvoir s’institue au nom du peuple libre et souverain. Mais les citoyens ne peuvent être libres qu’à la condition d’être protégés contre l’arbitraire d’autres hommes. La première garantie réside dans la construction d’un État de droit, c’est-à-dire d’un État qui accepte de se soumettre à la règle des lois.

Les régimes politiques démocratiques sont fondés sur la liberté, l’égalité et la protection des individus contre toute forme de tyrannie. Ensemble, nous allons essayer de comprendre quelles sont les composantes institutionnelles des régimes politiques démocratiques.

Ainsi, nous étudierons dans une première partie la notion de séparation des pouvoirs comme protection nécessaire de l’homme contre l’homme. Dans une seconde partie, nous verrons que le système démocratique repose sur une traduction de ce principe politique en règle de droit. Enfin, nous envisagerons la séparation des pouvoirs à travers sa dimension contemporaine pour comprendre les enjeux auxquels elle est confrontée.

La séparation des pouvoirs comme exigence démocratique

Le philosophe Thomas Hobbes explique dans son ouvrage Léviathan que « l’homme est un loup pour l’homme ». À l’état de nature, les hommes ne seraient mus que par leur volonté de survivre dans un monde hostile, en préservant leurs propres intérêts.

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À retenir

Il considère que sans organisation de la société par des lois, chaque individu serait menacé par les libertés naturelles des autres individus.

Montesquieu théorise en 1748 dans De l’esprit des lois le concept de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire pour protéger les individus contre l’arbitraire d’un seul homme. En effet selon lui, tout individu qui a un pouvoir aurait tendance à en abuser. Par conséquent, les pouvoir doivent être encadrés et restreints. Cela fait partie des fondements des régimes démocratiques.

Le pouvoir législatif établit les lois, tandis que le pouvoir exécutif vise à les appliquer.

pouvoir législatif et exécutif ses terminale

Or, si un seul et même individu concentre ces deux facultés, rien ne l’empêche alors de créer « des lois tyranniques, pour les exécuter tyranniquement ». Le constat repose donc sur une vision négative : l’Homme serait dangereux par nature.

La Constitution, matérialisation de la séparation des pouvoirs

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À retenir

Au lendemain de la Révolution française, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose dans son article 16 c que « toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».

Ainsi, l’une des garanties premières de la démocratie réside dans l’existence d’un État de droit.

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Définition

État de droit :

Un État de droit est un système institutionnel dans lequel la puissance est soumise au droit.

Les règles de droit y sont hiérarchisées de telle sorte que la puissance est limitée. Au sommet de cette hiérarchie des normes se trouve la Constitution.

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Définition

Constitution :

La Constitution est la norme suprême qui organise la séparation des pouvoirs, qui garantit les libertés fondamentales et à laquelle toutes les lois doivent être conformes.

L’organisation constitutionnelle de la séparation des pouvoirs existe sous trois formes :

Chaque régime correspond à un mode d’organisation des pouvoirs et d’interdépendance. Le principe négatif posé par Montesquieu soulève une difficulté : si la séparation des pouvoirs leur permet de se limiter les uns des autres, elle ne doit pas pour autant nuire à leur indépendance respective.

Alors, comment organiser ce contrôle entre les pouvoirs sans nuire à leur fonctionnement effectif ? La Constitution permet de répartir les domaines de compétence et de définir les mécanismes d’interdépendance.

  • Le régime parlementaire régit les relations entre pouvoir législatif et exécutif par l’intermédiaire des mécanismes de la responsabilité politique. L’une de ses caractéristiques s’illustre de la manière suivante : le pouvoir législatif peut renverser le gouvernement par la motion de censure, et le gouvernement peut contraindre par menace l’Assemblée législative : c’est le droit de dissolution. La séparation des pouvoirs y est plutôt faible.
  • Dans le régime présidentiel, la séparation des pouvoirs est forte car les pouvoirs sont indépendants. Le chef de l’État, élu au suffrage universel, concentre tout le pouvoir exécutif. Il n’est pas responsable devant le Parlement, mais ne peut en revanche dissoudre les assemblées ou s’opposer au vote d’une loi. Le régime présidentiel par excellence est le régime des États-Unis.
  • Le régime semi-présidentiel est un mode d’organisation des pouvoirs mixte qui emprunte à la fois au régime présidentiel (le chef de l’État est élu au suffrage universel, il n’est pas responsable devant l’Assemblée) et au régime parlementaire (le président et le Premier ministre se partagent l’exécutif, le Premier ministre est issu de la majorité, le gouvernement est responsable devant le Parlement, l’Assemblée peut être renversée). La Ve République est un régime semi-présidentiel et la Constitution d’octobre 1958 permet de délimiter les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. L’article 34 de la Constitution précise le champ de compétence du pouvoir législatif.

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Ainsi, la Constitution organise clairement la séparation des pouvoirs en répartissant les domaines d’attribution du Parlement, du gouvernement et de la justice.

La séparation des pouvoirs : un enjeu contemporain en perpétuel mouvement

Les régimes politiques démocratiques reposent sur des principes constitutionnels théoriques. Cependant, la réalité historique a mis au cœur du débat les enjeux relatifs à la séparation des pouvoirs avec notamment la crise du 16 mai 1877 : le président de la République française Patrice de Mac-Mahon, monarchiste avéré, s’est retrouvé face à une majorité républicaine à la Chambre des députés. Or, il a choisi de nommer un chef de gouvernement monarchiste, en accord avec ses propres opinions politiques, en dépit de la majorité. Cette décision a donné lieu à une crise, qui s’est résorbée par l’ancrage de l’esprit républicain dans les institutions de la IIIe République.

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À retenir

Le gouvernement ne dépend dès lors que du Parlement, qui l’investit et le révoque. Il doit donc refléter la majorité, et non plus relever du pouvoir discrétionnaire du président de la République.

Par ailleurs, on peut prendre pour illustration la vision des institutions du général de Gaulle, telle qu’il l’avait exposée dans son discours de Bayeux de 1946. À son retour au pouvoir en mai 1958, de Gaulle engage la transition entre le régime parlementaire de la IVe République et le régime semi-présidentiel de la Ve République, conformément à sa vision d’un exécutif fort.

  • Le rôle du président de la République est renforcé vis-à-vis du Premier ministre, il n’a plus un rôle purement symbolique. Il peut par exemple dissoudre l’Assemblée nationale, mais n’est pas responsable devant elle. D’après l’article 15 de la Constitution, le président est le chef des armées.

Par ailleurs, un autre indice d’un pouvoir exécutif important s’illustre par la possibilité de « passage en force » de textes de loi par le gouvernement. Généralement, un projet de loi issu du gouvernement doit faire l’objet d’une discussion devant l’Assemblée nationale : c’est la navette parlementaire.

Or, cette discussion peut prendre du temps, et se trouver retardée par les innombrables propositions d’amendements. Afin de gagner du temps, le gouvernement peut invoquer l’article 49-3 de la Constitution : le gouvernement engage sa responsabilité sur le texte, c’est-à-dire que le Parlement doit se prononcer à la majorité, dans un délai de 24 heures, sur une motion de censure du gouvernement s’il veut empêcher l’adoption du texte. L’issue est double : le texte est réputé adopté sans vote sauf si le Parlement parvient à voter la motion de censure, auquel cas le texte est rejeté et le gouvernement doit démissionner.

le 49-3 SES terminale L'article 49-3 de la Constitution

Cette pratique est vivement critiquée car il est très peu probable que le Parlement réunisse la majorité nécessaire pour censurer le gouvernement dans le délai imparti. C’est donc un outil très avantageux pour un gouvernement qui souhaite faire passer un texte de loi controversé. Ce fut notamment le cas pour la loi Macron de 2015 sur l’économie.

Enfin, la question de la séparation des pouvoirs peut être abordée dans le cadre des institutions de l’Union européenne.

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À retenir

Le fonctionnement de l’UE est contraint par une problématique d’ampleur : la délégation de compétences nationales au profit d’institutions supranationales se heurte à l’inquiétude des États membres de perdre progressivement leur souveraineté.

L’organisation institutionnelle reflète cette hésitation entre une logique supranationale, avec notamment la Commission, une logique intergouvernementale, avec le Conseil, et une logique démocratique, avec le Parlement. Si la Commission reflète la branche exécutive et le Parlement une branche plus législative comme nous pourrions le retrouver dans un État classique, la séparation des pouvoirs n’y est pas aussi marquée. Le pouvoir législatif est notamment réparti entre le Conseil, le Parlement et la Commission.

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Astuce

Point d’actualité

L’instauration de l’état d’urgence le 14 novembre 2015 a remis à l’ordre du jour la question de la séparation des pouvoirs dans un régime d’exception. Afin de répondre au plus vite à une menace imminente, le principe peut être suspendu momentanément afin de donner à l’exécutif des moyens effectifs d’action : le pouvoir exécutif peut notamment procéder à des perquisitions sans demander l’aval du juge.

En temps normal, une telle pratique nécessite un accord préalable du pouvoir législatif afin d’éviter les dérives, mais un contexte particulier permet de déroger à cette règle. Toute la difficulté réside dans l’encadrement de ces mesures exceptionnelles pour éviter qu’elles ne conduisent à des abus de la part du pouvoir exécutif. Ainsi, toutes les actions du pouvoir exécutif prises dans ce contexte de confusion temporaire des pouvoirs restent soumises a posteriori au contrôle du juge, et le prolongement de cet état d’urgence ne peut se faire qu’avec l’autorisation du pouvoir législatif. Les institutions démocratiques peuvent, dans ces circonstances, connaître des dérogations au principe de séparation des pouvoirs, mais restent malgré tout encadrées.

Conclusion :

La séparation stricte des pouvoirs repose sur le postulat que l’exécutif, le législatif et le judiciaire doivent être en mesure de se contrebalancer pour s’équilibrer. La Constitution organise cette séparation, de même que le type de régime définit le degré d’étanchéité entre ces pouvoirs. L’actualité invite cependant à repenser ce principe fondateur de la démocratie pour qu’il soit en accord avec les nouvelles exigences démocratiques, de même que la question de la démocratie en période d’état d’urgence.