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La République, les religions et la laïcité depuis les années 1880
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Introduction :
La laïcité est au cœur de nombreux débats actuels. Afin de saisir tous les enjeux culturels et politiques que soulève la question de la laïcité en France et de pouvoir définir ce qu’on entend par « République », nous devons nécessairement étudier l’histoire de ces notions. Dans ce cours, nous allons voir quelles ont été les relations entre la République, la laïcité et les religions depuis les années 1880 en France.
Étudions tout d’abord les origines de la République laïque. Analysons ensuite les grandes évolutions de la laïcité au XXe siècle.
Aux origines de la République laïque
Rappels
Laïcité :
La laïcité désigne la stricte neutralité de l’État en matière religieuse. C’est la liberté totale de culte et de conscience. Le citoyen de la République est libre de pratiquer ou de ne pas pratiquer un culte, quel qu’il soit. Dans ce cadre, la religion est reléguée à la sphère privée, tandis que l’espace public doit nécessairement être neutre.
Un exemple concret et actuel de l’application de cette définition est l’interdiction des signes religieux ostentatoires à l’école. Étant donné que l’école est considérée comme un espace public, les signes religieux n’y sont pas autorisés.
La République n’oppose pas la religion à l’athéisme mais seulement l’espace public à l’espace privé.
République :
Une République est un système politique dans lequel la source du pouvoir se trouve dans les élections populaires.
République ne signifie pas toujours démocratie : au XIXe siècle, tous les individus n’étaient pas des citoyens. Il y avait donc une République, mais pas de démocratie.
Jusque dans les années 1880, les relations entre l’État et l’Église catholique sont régies par le Concordat de 1801.
Concordat :
Le Concordat est un accord entre Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII qui permet de rétablir une relation étroite entre l’État et l’Église catholique suite à la tentative de laïcisation de la période révolutionnaire.
Mise en place des premières mesures laïques
Depuis la Révolution française, les relations entre l’Église catholique et la société sont difficiles. Cependant, tout au long du XIXe siècle, la religion catholique conserve son influence sur la société, notamment dans l’enseignement, mais aussi dans la vie quotidienne, rythmée par les diverses fêtes et rites catholiques.
C’est sous la IIIe République qu’un tournant politique est pris, résumé par le célèbre discours du républicain Gambetta qui s’exclame en 1877 devant la Chambre des députés : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ». Il entend par « cléricalisme » la prédominance du discours des représentants de l’Église catholique dans l’espace public.
C’est donc durant les années 1870, alors que la France est particulièrement affaiblie militairement, que les premières mesures de laïcisation sont prises.
Jules Ferry et la construction de l’école laïque
La mise en place de l’école laïque déclenche une « guerre scolaire » entre l’école « sans Dieu » et l’école privée catholique.
En 1882, la loi Ferry laïcise l’école primaire. L’école devient alors « laïque, gratuite et obligatoire ».
Un jour par semaine est accordé pour ceux qui souhaitent suivre l’instruction religieuse, le jeudi, mais l’enseignement religieux est exclu des programmes scolaires et il est remplacé par un enseignement « moral et civique ». Le personnel enseignant est laïcisé et formé dans les écoles normales d’instituteurs depuis 1879.
Les instituteurs doivent désormais transmettre un enseignement fondé sur les valeurs de la République. Cette loi est dénoncée violemment par ceux qui refusent une « école sans Dieu ».
Caricature de Jules Ferry - ©André Gill - Domaine public
Voici un exemple de caricature représentant Jules Ferry croquant un prêtre, qui date de 1878. Cette image insiste sur la férocité des républicains face aux prêtres et à l’Église catholique. Les républicains sont présentés comme « des bouffeurs de curés », en référence à un terme très utilisé à l’époque.
De l’affaire Dreyfus à la loi de 1905 : l’instauration de la laïcité
L’affaire Dreyfus qui secoua la France de 1894 à 1906, enflamme les relations entre les républicains dreyfusards et les cléricaux. Le silence assourdissant de l’Église catholique lors de cette affaire d’État fut la preuve pour nombres de républicains d’une volonté affichée d’affaiblissement du régime républicain, notamment par le soutien donné aux monarchistes. Le pape Léon XIII (1810-1903) finit par reconnaître la République française à la fin du XIXe siècle : il apaise les tensions en exhortant les catholiques français à se rallier à la IIIe République.
Cette accalmie entre catholiques et républicains est cependant de courte durée.
En effet, en 1902, les républicains radicaux arrivent au pouvoir. Particulièrement anticléricaux, ils dénoncent les dérives d’une éducation cléricale basée sur une foi aveugle et sur une obéissance passive, ce qui va à l’encontre de la pensée républicaine, censée former des citoyens capables d’élaborer une opinion critique vis-à-vis de leurs représentants et donc d’agir en citoyens responsables.
Une première loi sur les associations est promulguée en 1902, qui oblige les congrégations religieuses à demander une autorisation pour exister. De nombreuses autorisations sont d’ailleurs refusées, notamment pour celles qui dispensent un enseignement religieux. On estime que 2 500 congrégations sont alors fermées, provoquant une rupture des relations diplomatiques entre le Vatican et la République française dès 1904.
En 1905, la loi de séparation des Églises et de l’État achève l’entreprise de laïcisation de la société française. C’est le député socialiste Aristide Briand qui est à l’origine de cette loi fondatrice de la République du XXe siècle.
La loi de 1905 établit la liberté de conscience mais renvoie la religion dans la sphère privée.
Le pape Pie X condamne dès 1906 la loi de séparation des Églises et de l’État. Les inventaires des biens de l’Église catholique deviennent alors le théâtre de violences entre les catholiques et les forces de l’ordre.
Cependant, il faut bien comprendre que cette loi recherche un compromis entre la religion et la République. En effet, d’un côté les églises perdent les revenus que l’État leur versait depuis le Concordat de 1801 ; mais d’un autre côté la loi garantit la liberté religieuse et surtout l’indépendance de l’Église catholique.
République et laïcité au XXe siècle : grandes évolutions
De 1914 à 1958 : une laïcisation profonde de la société
La Première Guerre mondiale a permis une meilleure intégration des croyants en général et des catholiques en particulier au sein de la République. La solidarité des croyants et des non-croyants au front et à l’arrière (que l’on appelle « l’Union sacrée ») a permis une forme de consensus dans la société française.
Après la guerre, l’Église catholique se rallie officiellement à la République.
Notons également que le gouvernement de l’époque accorde en 1919 à l’Alsace et à la Moselle une dérogation pour continuer à bénéficier du concordat de 1801. Toutefois, peu à peu, c’est la majeure partie de la société française qui se laïcise dans les mentalités, au quotidien.
Entre 1940 et 1944, la laïcité républicaine fut remise en cause sous le régime de Vichy. Pétain favorise l’enseignement catholique, notamment par le biais de subventions et d’aides envers l’enseignement privé. Il réintroduit notamment la notion de « devoirs envers Dieu » dans les programmes scolaires.
À la libération cependant, le combat pour la laïcité reprend de la vigueur. La notion est inscrite dans la Constitution de la IVe République en 1946, puis réaffirmée dans la Constitution de la Ve République : la République est laïque.
La laïcité sous la Ve République : de nombreux défis
L’école est le lieu dans lequel se cristallisent les défis et les attentes soulevés par la notion de laïcité, qui apparaît désormais, aux yeux de certains, inadaptée et dépassée. Le débat se concentre tout particulièrement autour de la notion d’enseignement privé.
Deux projets de lois en sont particulièrement le reflet :
Les écoles confessionnelles sous contrat avec l’État sont en vérité très largement laïcisées dans nombre de secteurs : le recrutement du personnel est identique, les programmes sont identiques, les élèves sont issus de toutes classes sociales et toutes confessions. L’aspect religieux n’est donc plus l’unique critère dans le choix d’une école.
Depuis quelques années, la laïcité est remise en cause au nom de la liberté individuelle. Le 18 septembre 1989, l’exclusion de deux jeunes musulmanes refusant de retirer leur voile d’un établissement scolaire de l’Oise a profondément relancé le débat sur la laïcité en France.
En 2004, une circulaire a encadré le port d’insignes religieux à l’école en raison de la multiplication de problèmes, notamment pour les repas à la cantine, la participation à l’éducation physique ou aux cours de biologie. Les agents hospitaliers et médecins sont d’ailleurs confrontés aux mêmes problèmes. Dans l’espace des établissements publics, écoles, collèges et lycées, mais aussi dans les services publics de tous genres, les signes distinctifs religieux sont interdits (le cas des universités est cependant ambigu).
La laïcité garantit un espace public commun pour le mieux vivre ensemble. La querelle dépasse l’école et devient donc un débat de société. Ainsi, certaines associations féministes dénoncent le voile comme une atteinte à la laïcité mais également au principe d’égalité hommes/femmes, intégrant ainsi la notion d’égalité des sexes au principe de laïcité.
À l’inverse, des organisations musulmanes manifestent pour défendre la liberté de porter le voile. En 2010, un nouveau débat sur le voile intégral entraîne l’adoption d’une nouvelle loi interdisant de dissimuler son visage dans l’espace public.
La laïcité doit permettre de combattre le communautarisme. Même si la majorité des Français est sécularisée, beaucoup veulent être reconnus dans leur identité religieuse. C’est le cas tout particulièrement de l’islam, deuxième religion de France. En 2003 le Conseil français du culte musulman a été créé pour tenter de rétablir un dialogue, jusqu’alors compliqué, entre l’État et certains musulmans.
Conclusion :
La laïcité est un des grands débats qui ont traversé le XXe siècle français. Fondatrice d’une certaine idée de la République, la laïcité a pour vocation la « création » de citoyens libres de tout arbitraire religieux. Cependant, le XXIe siècle démontre que cette notion de laïcité « à la française » connaît de nombreuses limites. Nombreux sont les croyants, chrétiens, musulmans ou juifs, qui estiment tout à fait possible de concilier les aspects ostentatoires de leur religion avec l’idée de République française. L’école apparaît alors comme le lieu qui cristallise ce débat, et les défis à soulever sont nombreux.