L’immigration et la société française au XXe siècle

Introduction :

L’immigration n’est pas un phénomène récent dans l’Histoire. Elle est au contraire très ancienne, surtout vers l’Europe. Les causes en sont multiples : pauvreté, guerres, persécutions de toutes sortes, dictatures…
La France bénéficie d’une image positive de liberté : depuis la Révolution de 1789, elle est perçue comme le pays des droits de l’Homme et est donc l’une des destinations de l’immigration. Alors que beaucoup d’Européens traversaient l’Atlantique pour aller vivre le rêve américain, des millions de personnes sont arrivées, et restées, en France. Nous allons nous intéresser aux spécificités de l’histoire de l’immigration en France et à la façon dont sont perçus ceux qui ont choisi la France comme pays d’accueil.

L’immigration en France

Du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale

Il faut savoir que la France est le premier pays européen a avoir eu recours à l’immigration pour combler son déficit démographique. Cette immigration connaît un essor continu de la fin du XIXe siècle jusqu’au milieu des années 1970.

Ainsi, dès la deuxième moitié du XIXe siècle, l’entrée et l’installation des étrangers en France sont favorisées car la France a besoin de main-d’œuvre et de soldats. Jusqu’en 1945, cette immigration est essentiellement belge, italienne, polonaise, russe et espagnole. Ces migrants fuient la misère, la guerre et les dictatures.

La loi de 1889, première loi sur la nationalité, étend l’acquisition de la nationalité française aux enfants d’étrangers nés en France. C’est le droit du sol. Mais elle donne aussi la nationalité française aux enfants nés d’un Français à l’étranger : c’est le droit du sang. Cette loi facilite également les naturalisations d’étrangers sous certaines conditions.

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Attention

Cette loi sur la naturalisation de 1889 sera ensuite modifiée à plusieurs reprises, notamment en 1917.

  • À l’époque, la République française compte sur l’école, le mariage et le travail pour intégrer les enfants des travailleurs immigrés et en faire des Français capables de travailler et de combattre pour leur patrie.

Toutefois, la volonté politique d’intégrer les immigrants a été beaucoup plus limitée qu’on ne le pense, et l’expression « modèle républicain d’intégration » est à nuancer.

Dans un premier temps, les immigrés gardent leurs nationalités, vivent au sein de leur communauté d’origine, parlent leur langue natale, fréquentent leurs associations, conservent leurs coutumes alimentaires, etc. Il faut donc généralement plusieurs générations pour que l’intégration fonctionne.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’immigration se diversifie. La population de l’Espagne franquiste et celle du Portugal de Salazar fuient la dictature et la misère de leurs pays pour venir en France.

Les flux de population venant des pays du Maghreb (Maroc, Tunisie et Algérie) sont eux aussi de plus en plus importants puisque la France, qui traverse les fameuses Trente Glorieuses, demande de plus en plus de main d’œuvre.

Depuis les années 1970

L’histoire de l’immigration en France connaît son grand tournant dans les années 1970. En 1974, la France souhaite officiellement limiter l’immigration vers son territoire. La crise l’oblige, pour la première fois depuis des années, à freiner les nouvelles arrivées, mais les flux migratoires ne disparaissent pas totalement.

  • Le regroupement familial permet une autre forme d’immigration. L’immigration africaine et maghrébine était plutôt masculine et individuelle. Les hommes venaient travailler en France et envoyaient des fonds à leurs familles, restées au pays. À partir de 1974, on permet aux familles de venir s’installer en France pour rejoindre le chef de famille.
  • L’immigration clandestine, venant notamment d’Afrique subsaharienne et du Maghreb, débute puisque l’accès au territoire français n’est plus possible légalement.
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À retenir

Dans les années 1980, l’immigration devient l’objet de débats politiques et sociétaux puis un enjeu majeur lors des élections.

Paris et l’Île-de-France ainsi que les régions Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’azur et Nord-Pas-de-Calais sont les principales concernées par l’immigration. Les immigrés sont peu nombreux dans le monde rural, ils se concentrent dans les villes, et notamment dans les banlieues.

On note ces dernières décennies une baisse très nette de l’immigration d’origine européenne en dehors du Portugal et de l’Espagne, et l’augmentation du nombre de migrants originaires d’Afrique noire et du Maghreb.

  • Les migrations sont donc plurielles et différentes d’une époque à l’autre.

La perception des étrangers en France

Les immigrés doivent faire face aux phénomènes de racisme et de xénophobie. Les populations immigrées ont parfois été victimes de xénophobie violente, comme par exemple lors du massacre d’Aigues-Mortes en 1893, où 8 italiens ont été assassinés et de nombreux autres blessés dans un véritable lynchage mené par la population locale.

  • Depuis la fin du XIXe siècle, la presse d’extrême droite lance des campagnes contre les immigrants.
  • Durant la crise des années 1930, la montée de l’extrême droite amène son lot de chasses à l’immigrant et engendre les premières mesures visant à ralentir l’entrée des immigrés en France. La loi de 1932 « protégeant la main d’œuvre nationale » contre la concurrence des travailleurs étrangers crée des quotas d’ouvriers étrangers dans les entreprises.
  • En 1934 et 1935, est organisé le retour volontaire au pays, puis forcé, de plusieurs centaines de milliers d’ouvriers étrangers. Après le Front populaire en 1936, le gouvernement Daladier facilite les expulsions pour les « étrangers indésirables » venus d’Espagne en particulier. Pour beaucoup il s’agissait des républicains fuyant le régime dictatorial de Franco.
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À retenir

Sous le régime de Vichy, une loi de 1940 permet l’internement des juifs étrangers et, la même année, une autre loi est instituée contre les étrangers non juifs considérés comme étant « en surnombre dans l’économie nationale ».
On estime que 80 000 d’entre eux sont contraints au travail forcé dans le cadre des GTE (les Groupements de travailleurs étrangers) gérés par Vichy, ou dans des camps de l’Organisation Todt, qui gère les chantiers de construction décidés par l’Allemagne nazie.

Après 1945, l’immigration est de nouveau encouragée et les Trente Glorieuses permettent une meilleure intégration, notamment des premières vagues d’immigrations européennes, tant par le travail que par l’école républicaine qui a fait des efforts de démocratisation.

Ces avancées se heurtent pourtant à certains obstacles.

  • Le problème du logement notamment est, déjà à cette époque, un sujet épineux. La population immigrée est passée des bidonvilles aux HLM de banlieue et travaille dans les usines ou dans le bâtiment comme manœuvre. Elle occupe ainsi les emplois délaissés par les français « de souche ».

L’intégration se fait très lentement. La xénophobie et le racisme ne sont pas absents mais relativement marginaux et ne font pas la Une des journaux, même si l’extrême droite reste sur ses positions concernant l’immigration.

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À retenir

Du fait des difficultés économiques croissantes et du chômage depuis les années 1970, l’immigration est désormais l’objet de débats politiques et sociétaux. Xénophobie et racisme augmentent au cours des années 1980 et 1990. La polémique porte notamment sur les naturalisations, qui sont restreintes par la loi Pasqua de 1993.

En réponse à la montée du racisme, des organisations de lutte contre la xénophobie se créent, comme SOS Racisme en 1984. La question de l’intégration occasionne parfois des débats houleux, comme par exemple autour de la question du port du voile islamique à l’école. Tous ces changements sociétaux inquiètent une partie de la population française, et les populations issues de l’immigration sont fréquemment stigmatisées.

Conclusion :

L’histoire de l’immigration en France est très longue et très riche. Il faut bien distinguer les différentes phases et l’origine des migrants. Jusqu’au début des années 1960 ils sont essentiellement européens, puis, dans un second temps, principalement originaires d’Afrique du Nord et d’Afrique Noire. L’immigration fut globalement familiale pour les Européens et individuelle pour les Africains jusqu’aux années 1970.

Si l’immigration a été voulue par l’État français jusqu’aux années 1970, elle est désormais controlée. Il faut mettre en relation plusieurs facteurs pour expliquer ces fluctuations : la démographie, les cycles économiques, la décolonisation et les dictatures.

Il reste la question de l’intégration de ces diverses communautés. Les temps de prospérité économique et de progrès sociaux ont permis d’intégrer de nombreux migrants par le travail et l’école. Mais depuis les années 1970, le chômage de masse et les difficultés sociales mettent en lumière les problèmes d’intégration. Devant ces difficultés, on perçoit d’une part un certain repli communautariste et, à l’opposé, émerge le danger d’une stigmatisation de certaines minorités. Les réponses sociétales à apporter sont un enjeu central, il en va de la cohésion de la société française, où chacun doit pouvoir travailler et vivre dans les règles de la République.