La fin de l’industrie
Introduction :
Depuis les années 1970, les économies se sont transformées sous le poids d’événements conjoncturels, c’est à dire de phénomènes ponctuels. Mais les transformations ont aussi porté sur la structure même de nos sociétés industrielles, avec le travail informatisé, robotisé, ou les délocalisations.
Nous verrons comment ces grandes évolutions économiques ont initié le mouvement vers ce que l’on peut appeler la fin de l’industrie traditionnelle, ce qui a donné naissance à une société transformée.
Une nouvelle conjoncture : les années 1970
Une nouvelle conjoncture : les années 1970
La fin des accords de Bretton Woods
La fin des accords de Bretton Woods
Les années 1970 voient plusieurs événements bouleverser les Trente Glorieuses, jusqu’à y mettre fin.
Le premier événement est la fin du système monétaire instauré par les accords de Bretton Woods, qui avaient établi le dollar comme seule monnaie d’échange équivalent à l’or.
Mais les Américains ne peuvent plus tenir cette parité dollar/or. La fin du système enclenche une fluctuation des monnaies qui est extrêmement néfaste pour le commerce international. Les économistes appellent cela le flottement des monnaies. Ces dernières varient au jour le jour, et le commerce international, de même que les investisseurs, attendent que le système se stabilise.
- La période est donc néfaste pour les économies occidentales puisque seul un système monétaire stable permet les investissements et un commerce mondial fructueux.
Les chocs pétroliers
Les chocs pétroliers
C’est dans ce contexte de déstabilisation du commerce international qu’a lieu le premier choc pétrolier de 1973, où le prix du baril de pétrole, jusque-là très bon marché, flambe : de 3 dollars, il passe à 15 dollars en quelques mois.
Le premier choc pétrolier est dû à deux facteurs :
- les pays du tiers-monde prennent conscience que, pour certains, ils détiennent une arme redoutable face aux pays du Nord : le pétrole. À la conférence d’Alger de 1973 qui rassemble les pays « non-alignés », les chefs d’État présents souhaitent trouver un moyen de développement économique. L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (l’OPEP) décide alors que les pays développés devront leur acheter cette ressource à un juste prix ;
- la guerre du Kippour : des pays arabes (Égypte et Syrie soutenus par l’URSS et les principaux pays arabes) mènent une guerre contre Israël, qui est soutenu par les Occidentaux.
En 1979 a lieu le second choc pétrolier. De 18 dollars, le baril passe à 40 dollars. Cette année-là a lieu la Révolution iranienne, durant laquelle l’Iran destitue son dictateur pro-américain, le shah (qui signifie « roi » en iranien), et instaure une République islamique. La peur de voir toute la région s’embraser, et l’action de l’OPEP qui profite de la situation, entraînent ce second choc.
Par la suite, la courte guerre de 1991 en Irak fait remonter momentanément les prix, puis on observe une stabilisation.
Dans les années 2000, une nouvelle guerre en Irak et au Liban, ainsi que la croissance des pays émergents, expliquent la hausse du prix du pétrole.
- Chaque événement menaçant les régions productrices fait donc monter le prix du pétrole.
La fin de l’industrie traditionnelle
La fin de l’industrie traditionnelle
Délocalisation et conséquences économiques
Délocalisation et conséquences économiques
Les économies occidentales ont fondé leur prospérité sur une énergie à bas prix et très abondante. Mais les chocs pétroliers successifs remettent en question leur fonctionnement et leur mode de développement. La croissance n’est possible qu’en mobilisant les autres secteurs de l’industrie.
Cependant, les industries traditionnelles deviennent beaucoup moins rentables. Le textile, les aciéries et les chantiers navals n’arrivent plus à produire en quantité suffisante pour des coûts raisonnables. De plus, le pétrole, dont le prix augmente, est inclus dans les coûts de production puisqu’il est utilisé pour le transport des marchandises.
- Le coût des matières premières croît, de même que celui de l’énergie.
On observe un phénomène de plus en plus fréquent, lié à la mondialisation : les entreprises délocalisent leurs unités de production à l’étranger, dans les pays où la main-d’œuvre est moins chère que dans les pays occidentaux.
Mais les deux chocs pétroliers ne sont pas les seuls éléments à mettre en cause puisque dans les années 1980, il y a eu des contre-chocs pétroliers, c’est-à-dire une chute des prix du pétrole. Cela n’a cependant pas suffit à faire repartir les économies occidentales, comme le prévoyaient certains. Les failles économiques étaient plus profondes, et pas seulement liées aux chocs pétroliers.
C’est le début de la désindustrialisation pour les sociétés développées.
- Des friches industrielles remplacent les usines apparues durant la révolution industrielle.
- Les ouvriers connaissent des licenciements parfois très importants, comme dans le secteur de l’acier par exemple.
- Le taux de chômage devient important dans tous les pays occidentaux.
Friche industrielle :
On appelle friche industrielle les anciennes zones industrielles où l’on voit des bâtiments délabrés, laissés à l’abandon. Raser et rénover ces friches industrielles coûte très cher. Tant qu’il n’y a pas d’investisseurs, ces zones restent dans les paysages de certaines régions et donnent une image très négative, voire répulsive, avant qu’émergent de nouvelles activités.
Le chômage de masse
Le chômage de masse
Le chômage de masse et de longue durée était un phénomène inconnu jusqu’alors. Les ouvriers peu qualifiés, les femmes, les personnes issues de l’immigration, les jeunes sans qualifications, sont les plus touchés. Là où les Trente Glorieuses donnaient du travail à tout un chacun, la société qui se profile dans les années 1970 est plus sélective. Les nouveaux emplois sont souvent très qualifiés comme dans la robotique ou l’informatique.
- C’est un bouleversement profond de nos sociétés.
Chômage de masse, délocalisation, restructuration et désindustrialisation sont les mots qui reviennent le plus souvent pour expliquer ces mutations. La mondialisation, l’intégration européenne, les mutations technologiques et le coût des énergies fossiles sont les facteurs explicatifs pour comprendre la fin des Trente Glorieuses.
Cette croissance ralentie est ce que les économistes appellent la croissance dépressive. Des années 1970 à nos jours, la croissance du PIB reste néanmoins positive au niveau mondial avec une moyenne de 3 % environ. Cependant le taux de chômage reste très élevé dans les pays occidentaux et des crises éclatent régulièrement : le krach boursier de 1987, la crise du système monétaire européen en 1993, la crise en Asie en 1997. La crise des subprimes aux États-Unis en 2007 s’est étendue à l’ensemble du système financier mondial et à l’ensemble de l’économie.
Subprimes :
Les subprimes sont des prêts d’argent accordés alors qu’il y a beaucoup de risques pour le prêteur. Parce qu’ils sont risqués, ces prêts rapportent plus de bénéfices.
Les causes de ces crises sont multiples et font l’objet de débats et d’interprétations contradictoires. Pour certains, la déréglementation des secteurs financiers des années 1980 avec Thatcher et Reagan est la cause de ces difficultés. Ainsi des spéculations financières non liées à l’économie réelle seraient la cause des crises.
Un monde nouveau
Un monde nouveau
Les pays occidentaux face à la crise
Les pays occidentaux face à la crise
Malgré le ralentissement lié aux crises économiques, les innovations relancent régulièrement la croissance mondiale. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication, comme la téléphonie mobile ou le commerce par internet entre autres, sont porteuses de croissance.
Nous assistons à un redéploiement de la croissance mondiale. Dans les pays occidentaux, la croissance demeure faible. Le taux de chômage reste très élevé, de même que l’endettement des ménages. Les États eux-mêmes cherchent à faire des économies en augmentant les impôts, en baissant des salaires et en remettant en cause des acquis sociaux, ce qui sème l’inquiétude dans la population des pays riches et de l’Union européenne.
Les inégalités sociales se creusent à grande vitesse dans les sociétés des pays riches. L’austérité économique et le spectre des crises des années 1930 ont refait surface.
Les pays émergents
Les pays émergents
La croissance mondiale est tirée par les pays émergents comme la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, mais aussi par des pays en développement rapide situés surtout en Asie comme la Thaïlande, l’Indonésie ou les Philippines. Plus proche de nous, la Russie cherche un nouveau modèle de développement et participe à cette croissance mondiale.
- Les BRICS (acronyme pour le groupe formé par le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud) essayent de se démarquer des politiques des pays du Nord et veulent imposer une autre vision de l’économie mondiale.
La hiérarchie économique mondiale se transforme sous nos yeux. Ce sont ces pays qui, par une hausse de leur niveau de vie, vont tirer la croissance mondiale vers le haut. La Chine et l’Inde, par exemple, voient apparaître une classe moyenne qui demande à consommer des produits de luxe fabriqués dans le Nord. La mondialisation a imbriqué toutes les économies les unes aux autres, et les États sont interdépendants, plus ou moins liés à leurs partenaires.
Ces pays émergents vont très vite vers une production de plus en plus élaborée technologiquement. Les marges de manœuvre sont de plus en plus restreintes pour les pays du Nord. Même si l’Occident garde d’énormes atouts, il faut désormais faire avec cette nouvelle conjoncture. Les atouts des pays du Nord restent l’éducation et la formation, du plus grand nombre comme des élites. Ces pays misent également sur la recherche et l’innovation, ce qui leur procure une suprématie au niveau mondial.
Problèmes sociaux et environnementaux
Problèmes sociaux et environnementaux
Les pays émergents, qui ont une croissance importante, doivent pourtant faire face à des problèmes importants.
- Les inégalités énormes creusent le fossé dans ces sociétés et font peser un danger d’explosion sociale. Les nouveaux riches chinois ou indiens côtoient une misère très profonde. Jusqu’où ces sociétés pourront-elles tenir avec des écarts aussi énormes ?
- La croissance effrénée dans ces pays s’accompagne d’une pollution effrayante qui ne pourra pas durer indéfiniment. Ces pays risquent de payer très cher les dégâts environnementaux que la croissance à tout prix engendre. Malgré les accords de Kyoto, la Chine est devenu le plus gros émetteur de CO2 dans le monde, pour ne prendre en compte que la pollution de l’air. C’est un gros défi pour tous les pays émergents.
- Enfin, dans cette nouvelle économie mondialisée, les pays les plus pauvres voient leur pauvreté s’aggraver. Les écarts se creusent avec les pays riches et les émergents. L’essentiel de ces pays se trouvent en Afrique subsaharienne, en Asie et encore en Amérique Latine. La mondialisation est loin de profiter au plus grand nombre.
Conclusion :
Le temps où une industrie florissante pouvait s’appuyer sur une énergie à bas coûts est révolu. Les crises économiques successives, des matières premières de plus en plus chères et le coût du travail dans les pays occidentaux ont amené les entreprises à délocaliser une partie de leur production dans des pays en voie de développement. La mondialisation du commerce et de l’industrie d’une part, et le développement de plus en plus rapide des pays du BRICS d’autre part, bouleversent l’ordre mondial et modifient sous nos yeux l’équilibre économique du monde.