La place des femmes en France au XXe siècle

Introduction :

La République se présente comme universelle et démocratique. Ceci signifie qu’en théorie, les femmes possèdent les mêmes droits que les hommes. Cela dit, l’égalité hommes-femmes au sein de la République française, en ce début de XXIe siècle, n’est pas encore une réalité, malgré les nombreux chantiers lancés par les différents gouvernements. Différence de salaires, poids de la maternité, regard culturel : la France est un pays qui possède un retard certain pour les droits des femmes. Afin d’en comprendre les raisons ce cours analyse l’histoire de l’émancipation féminine française.

Nous étudierons tout d’abord les droits des femmes au XIXe siècle, puis nous présenterons les évolutions au XXe siècle. Nous terminerons ce chapitre par une analyse des défis à venir.

Les droits des femmes au XIXe siècle

La femme sous la Révolution et l’Empire

Au début du XXe siècle, la place des femmes dans la société française est encore marquée par une vision sexiste héritée du XIXe siècle et de la religion catholique. Les hommes estiment que la fonction des femmes reste avant tout la maternité.

  • Le sénateur Bérard affirme en 1919 que « séduire et être mère, c’est pour cela qu’est faite la femme ».

Malgré la Révolution française et la participation des femmes à ce mouvement, l’égalité hommes-femmes n’a que très peu progressé. La fameuse Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges, écrite en 1792, n’a pas fait avancer la cause féminine à l’époque. Pire, celle qui est considérée comme la première féministe de l’histoire française meurt guillotinée, pour avoir entre autres défendu cette égalité.

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À retenir

Le code civil de Napoléon 1er, en 1804, établit le cadre juridique de la famille. La femme mariée ne peut ni étudier, ni travailler, ni disposer de ses biens et de son salaire sans l’autorisation de son mari. En 1810, le code pénal punit l’adultère par une peine de prison, et fait du devoir conjugal une obligation car il ne peut y avoir de viol entre époux. L’avortement est, quant à lui, sévèrement réprimé.

  • Ni la IIe République (de 1848 à 1851) ni même la IIIe République (de 1870 à 1940) ne changent cette situation, et il n’est alors pas question de donner aux femmes des droits civiques. Il faut attendre 1907 pour que certaines de ces dispositions en défaveur des femmes soient supprimées.

Cette situation d’infériorité des femmes s’explique par une vision archaïque des rapports entre hommes et femmes. La société dans son ensemble voit la femme à travers la famille, cellule de base de la société, donc en tant que mère de famille, cantonnée dans un rôle bien particulier. La femme est ainsi définie comme étant « naturellement » inférieure à l’homme, ce qui justifierait son statut social.

Quelques pionnières du XIXe siècle

Malgré ces restrictions, quelques femmes ont tenté de dépasser ce statut.

  • La première femme bachelière, Julie-Victoire Daubié, obtient son diplôme en 1861, après une dure bataille pour parvenir à s’y inscrire, suivie d’un combat encore plus féroce pour sa remise de diplôme. Il a fallu l’intervention de l’impératrice Eugénie pour « régler » le problème. Le ministre de l’Instruction publique de l’époque aurait déclaré « vous voulez ridiculiser mon ministère ! ». Les femmes bachelières restent donc une rare exception au XIXe siècle malgré l’instauration de la République.
  • Le second exemple est Sarmiza Bilcescu : elle est non seulement la première femme avocate en France mais également la première docteure en droit du monde. En 1897, pourvue de tous les diplômes requis, elle se présente à la Cour d’appel de Paris pour prêter son serment d’avocat. Mais elle essuie un refus, au motif que la loi n’autorise pas les femmes à exercer la profession : elle devra attendre trois ans pour que le président de la République, Raymond Poincaré, et le président du Conseil, René Viviani, fassent voter une loi promulguée le 1er décembre 1900. Elle peut finalement prêter serment quelques jours plus tard.

Les lois Ferry de 1882 ont rendu obligatoire l’école pour les filles jusqu’à 13 ans. En sus des matières générales, on leur enseigne les travaux domestiques, la cuisine et la couture. L’accès à l’enseignement secondaire reste très marginal et compliqué à obtenir. Les jeunes femmes issues de familles modestes travaillent comme employées avec des salaires très bas. L’ œuvre de Zola en donne plusieurs exemples, notamment dans Nana.

Les droits des femmes au XXe siècle

Organisation des premiers mouvements féministes

Les premiers mouvements féministes apparaissent au début du XXe siècle. Le nom de Madeleine Pelletier y est associé. Cette femme, médecin et militante d’extrême gauche, prône la contraception et pratique des avortements. Son mouvement est jugé extrémiste à l’époque, et très mal reçu par la société en général. Elle affirma elle-même être « née plusieurs siècles trop tôt ».

Il existe, en parallèle, des revendications plus modérées avant 1914. Les femmes réclament notamment le droit de vote, luttent contre les guerres, l’alcoolisme, ou pour l’éducation. C’est le cas de l’UFSF, l’Union française pour le suffrage des femmes ou encore de la Ligue patriotique des femmes françaises. Ces mouvements ne trouvent pourtant que peu d’appui du côté républicain.

L’impact de la Première Guerre mondiale

La guerre de 1914-1918 fait craquer les certitudes de la société patriarcale française : les femmes ont remplacé les hommes qui étaient partis au front et ce dans tous les corps de métiers. Les femmes travaillent donc dans l’industrie, comme « munitionnettes », effectuent les travaux agricoles, mais sont aussi chauffeurs de tramway, ramoneurs ou encore maçons.

  • Les années 1920 voient les « suffragettes » manifester pour le droit de vote.
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Définition

Suffragettes :

Les suffragettes sont les membres d’un mouvement féministe apparu en Grande-Bretagne et diffusé ensuite en France. Elles militent notamment pour obtenir le droit de vote.

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Astuce

Pour aller plus loin :

Les années 1920 sont aussi l’époque de la « garçonne », femme bourgeoise qui fume, boit, fréquente les boites de nuit de Paris, s’habille en homme et se coupe les cheveux très court. Ces femmes font scandale.

Malgré le refus du Sénat d’accorder le droit de vote aux femmes, le combat ne faiblit pas. Dans les années 1930, Louise Weiss, avec son association « La femme nouvelle », multiplie les manifestations en faveur du droit de vote des femmes.

  • Alors qu’elles n’ont pas le droit de vote, trois femmes sont tout de même nommées dans le gouvernement du Front Populaire de Léon Blum en 1936.

Il faut attendre 1944, soit beaucoup plus tard que la plupart des pays européens, pour que le pouvoir politique, le GPRF (Gouvernement provisoire de la République française), donne le droit de vote aux femmes. Jusqu’à cette date, les républicains craignaient notamment que les femmes soient influencées dans leur vote par le clergé et mettent en péril la République.

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À retenir

Le 21 octobre 1945 a lieu le premier vote des femmes françaises.

Le droit des femmes après 1945

Après 1945, c’est surtout sur le plan des mœurs et de l’émancipation juridique que les droits des femmes connaissent de nombreuses avancées.

  • Simone de Beauvoir écrit en 1949 Le Deuxième Sexe et conteste la vision de la place des femmes dans la société française.
  • En 1956 le planning familial est créé. Il sert de base aux premières réflexions sur la place de la femme dans la société.
  • Après d’âpres débats, la loi Neuwirth sur la liberté de contraception est votée en 1967.
  • En 1970 ce n’est plus l’autorité du père qui prime mais désormais l’« autorité parentale partagée ».

Mai 1968 fut une période très positive pour l’émancipation des femmes. Le MLF, le Mouvement de libération des femmes, fait un travail colossal pour faire avancer les droits et l’égalité.

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À retenir

Le MLF (Mouvement de libération des femmes) est né dans les années 1950 et a pris part à tous les combats pour l’égalité et l’émancipation des femmes dans la société française. Mai 1968 a été un grand moment de prise de parole et d’actions concrètes dans la rue, dans les foyers, et sur les lieux de travail pour les femmes françaises.

En 1975 c’est la loi Veil sur l’avortement, l’IVG, l’interruption volontaire de grossesse est, là aussi, votée dans un climat très tendu. Simone Veil a fait preuve de beaucoup de courage car elle était extrêmement décriée, même dans son camp politique, sur ce sujet brûlant qu’était l’avortement à cette époque.

De nombreux défis

Une parité politique difficile

Malgré ces avancées indéniables, de nombreux défis restent à relever.

C’est en politique que les femmes ont le plus de mal à se faire une place, bien que l’égalité soit inscrite dans la Constitution. Malgré des avancées significatives, le nombre de femmes à l’Assemblée nationale et au Sénat reste faible.

  • En 1945 elles étaient 6 % à l’Assemblée nationale, en 2012, 27 %.
  • Au Sénat, 7 % en 1946, et 22 % en 2012.

Il faut attendre 1991 pour voir, pour la première fois en République, une femme Premier ministre avec Édith Cresson. Les gouvernements successifs ont certes fait des efforts pour aller vers la parité, mais le chemin est long.

  • Ainsi, il est nécessaire de promulguer une loi, en 2000, pour obliger les partis politiques à présenter autant de femmes que d’hommes aux élections. Certains partis préfèrent toutefois payer des amendes très lourdes que d’appliquer strictement la loi.

Les femmes dans la vie active contemporaine

Le phénomène le plus marquant après 1945 est l’augmentation du taux de femmes dans la population active. Même si, de nos jours, la parité est pratiquement acquise dans ce domaine (il y a presque autant de femmes que d’hommes qui travaillent), il existe encore de nombreuses inégalités. Dans le monde du travail, elles sont sous-représentées chez les ingénieurs et les chefs d’entreprises. C’est paradoxal car les filles réussissent mieux que les garçons dans les études.

Les préjugés restent très forts, ce qui explique peut-être leur faible participation aux études supérieures scientifiques. Malgré les lois Roudy de 1981 et 1983 interdisant toute forme de discrimination entre hommes et femmes au travail, l’inégalité demeure.

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À retenir

Le salaire des femmes reste en moyenne inférieur de 20 % à celui des hommes, à diplôme et compétences équivalents.

La nouvelle loi de 2006 sur l’égalité salariale a du mal à se traduire dans les faits. Le chômage touche davantage les femmes. Les familles monoparentales sont plutôt féminines et doivent faire face à de nombreuses difficultés sociales.

Conclusion :

Les difficultés soulevées par la reconnaissance des droits des femmes par la République démontrent les limites de celle-ci. Ce sont les guerres de 1914-1918 et 1939-1945 qui ont fait avancer les droits des femmes. Après 1945, c’est notamment le mouvement de mai 1968 qui a permis d’approfondir ces droits. Depuis, la place des femmes dans la société a largement évolué en faveur de l’égalité hommes-femmes. Beaucoup de progrès ont été réalisés mais il reste de nombreux secteurs où l’égalité n’est pas encore atteinte : c’est le cas des salaires et des divers mandats politiques, notamment la présidence.