Les genres du théâtre et leurs caractéristiques

Introduction :

Les genres théâtraux sont variés, et ont longtemps été tributaires de l’opposition entre la tragédie et la comédie. Mais cette distinction n’était valable qu’à une certaine époque, où le théâtre était codifié par des règles. Les auteurs ont souvent transgressé ces règles, et créé de nouveaux genres. Au XIXe et au XXe siècle, ces genres se sont multipliés, et les règles ont éclatées.

La tragédie, la comédie puis le drame seront étudié dans ce cours, avant de découvrir le théâtre au XXe siècle.

La tragédie

La tragédie est un genre théâtral créé par les Grecs dans l’Antiquité, vers le Ve siècle avant Jésus-Christ. Elle est reprise au XVIIe siècle avec des règles imposées. La tragédie est composée de cinq actes, séparés d’entractes. Elle met en scène des personnages nobles, des rois réels ou légendaires, qui peuvent être confrontés aux dieux. L’intrigue se situe dans un pays souvent lointain.

  • L’action nait d’un conflit lié à la fatalité, et le dénouement est toujours malheureux.

Le but de la tragédie est de permettre au spectateur de purger son âme, de réparer et racheter ses passions.

  • Elle a une fontion cathartique.

Nous pouvons prendre l’exemple d’Andromaque, la pièce de Racine. La scène se passe dans la région de l’Épire en Grèce, après la guerre de Troie. Les personnages sont des fils ou des filles de rois :

  • Pyrrhus est fils d’Achille, roi d’Épire ;
  • Oreste est fils d’Agamemnon, roi de Mycènes ;
  • Hermione est fille de Ménélas, roi de Sparte ;
  • Andromaque est fille du roi de Cilicie ;
  • Hector est fils de Priam, roi de Troie.

L’intrigue montre une chaîne amoureuse fatale : Oreste aime Hermione, promise à Pyrrhus qui lui, est amoureux d’Andromaque, alors que cette dernière veut rester fidèle à son défunt époux Hector, et sauver son fils Astyanax :

Andromaque : une chaîne amoureuse fatale Andromaque : une chaîne amoureuse fatale

L’enchaînement est implacable : Oreste fait tuer Pyrrhus à la demande d’Hermione, qui se suicide, et Oreste devient fou.

Andromaque : le dénouement Andromaque : le dénouement

La tragédie classique du XVIIe siècle obéit à plusieurs règles, dont celle des trois unités. Nicolas Boileau présente ces règles dans L’Art poétique, paru en 1674 :

« Qu’en un seul lieu, qu’en un seul jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli. »

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Définition

La règle des trois unités - l’unité de temps :

Elle oblige l’action à se dérouler en un seul jour, pour rendre la pièce plus vraisemblable. L’idée est de faire coïncider le temps de la représentation avec le temps de l’action.

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Définition

La règle des trois unités - l’unité de lieu :

Elle impose un lieu unique : une pièce dans un palais, un appartement…

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Définition

La règle des trois unités - l’unité d’action :

Elle concentre l’intérêt dramatique en une seule intrigue, et bannit les intrigues secondaires. Les personnages sont par conséquent peu nombreux.

Dans Andromaque, l’intrigue peut être résumée en une seule phrase :

  • Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector.

Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector

L’action se passe dans une seule salle, au palais de Pyrrhus. Les indications temporelles ne sont pas précisées, mais on comprend que le mariage de Pyrrhus et Andromaque a lieu le soir (acte V), alors qu’Oreste est arrivé le matin même (acte I).

La tragédie obéit à des règles de bienséance, afin de ne pas choquer le spectateur. Ces règles supposaient de ne pas faire référence à la sexualité, de ne pas montrer la mort sur scène et de ne pas y exacerber les déclarations d’amour, mais seulement de les sous-entendre. Il fallait également préserver la vraisemblance. La pièce devait inspirer la pitié et la peur, et permettre aux spectateurs de s’identifier aux personnages. Les actions devaient paraître possibles et courantes. On évitait donc celles trop extraordinaires.

Dans Andromaque, la mort n’est jamais montrée sur scène. Oreste annonce la mort de Pyrrhus, puis Pylade annonce le suicide d’Hermione sur le corps de Pyrrhus, à l’extérieur du palais. De même, Pyrrhus ne fait pas de vraie déclaration d’amour à Andromaque. Il utilise une périphrase pour parler de lui-même :

« Je vous offre mon bras. Puis-je espérer encore
Que vous accepterez un cœur qui vous adore ? »

Acte I, scène 4

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Définition

Tragi-comédie :

La tragi-comédie est un intermédiaire entre la tragédie et la comédie. Elle transgresse plusieurs règles de la tragédie, notamment celles de la fatalité et de la fin tragique. En effet, la tragi-comédie se termine bien.

Le Cid, de Corneille, se déroule à Séville, au Royaume de Castille, en Espagne. Les personnages sont nobles : le roi de Castille, l’infante, Don Gomès. « Don » et « doña » sont des titres réservés aux seigneurs et personnes les plus importantes de Castille et d’Aragon.

L’unité de temps est à peu près respectée : la querelle des pères a lieu le premier jour, la bataille contre les Maures pendant la nuit, et le duel final le deuxième jour.

L’intrigue semble annoncer une tragédie et une fin malheureuse : Rodrigue doit épouser Chimène, mais son père tue celui de Chimène, qui l’a outragé. Le mariage est alors inconcevable. Cette intrigue d’amour impossible est simple.

Cependant, une attaque des Maures contre le roi permet à Rodrigue de montrer sa valeur. Chimène propose un duel entre Rodrigue et Don Sanche, qui l’aime aussi, et accepte d’épouser le vainqueur. Rodrigue gagne, et le mariage est annoncé pour l’année suivante.

De plus, la scène se passe dans trois lieux différents : la place publique, le palais du roi et la maison de Chimène. Par ailleurs, une intrigue secondaire existe : l’infante aime secrètement Rodrigue.

La comédie

La comédie existe depuis l’Antiquité, et a également été reprise au XVIIe siècle. Elle se conforme aux mêmes règles des trois unités que la tragédie classique. Néanmoins, la comédie a ses propres spécificités.

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À retenir

Le but de la comédie est de divertir le spectateur, de le faire rire et de lui plaire.

Elle vise aussi à « corriger les hommes », comme l’écrivait Molière, ou à « amuser en instruisant » selon Beaumarchais. L’idée est de rendre le spectateur supérieur aux personnages mis en scène.

  • Pour cela, les procédés comiques sont nombreux : comique de mot, de situation, de geste, de caractère, de mœurs…

Pour faire rire, l’intrigue est souvent légère et inventée. Il s’agit d’une intrigue amoureuse, généralement développée en trois ou cinq actes, mais parfois en un seul. Les personnages sont de conditions sociales différentes, mais souvent moyenne, comme des bourgeois ayant un métier, ou des personnages du peuple : valets, laquais, page, jardinier, servante, etc.

Les lieux sont généralement des intérieurs bourgeois : une chambre, un appartement, une galerie, ainsi que des extérieurs : une place, un jardin, une rue.

Le temps, contemporain de l’auteur, est souvent concentré sur une seule journée. Le dénouement est heureux et souvent satirique, bien qu’il puisse être amené par un deus ex machina lors d’un ultime retournement de situation.

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Définition

Deus ex machina :

Le deus ex machina désigne une personne, un événement qui apparaît de manière impromptue afin de dénouer providentiellement une situation désespérée.

Dans Le Mariage de Figaro, la comédie de Beaumarchais, l’intrigue principale concerne le mariage de Figaro, valet de chambre du Comte, avec Suzanne, première camériste de la Comtesse, et le droit de cuissage que le Comte souhaite restaurer.

Cependant, les intrigues secondaires sont multiples et rocambolesques : Marceline est amoureuse de Figaro, mais ignore qu’elle est sa mère. Le médecin Bartholo, volé par Figaro, demande justice mais découvre que ce dernier est son fils. Chérubin, page du comte, est amoureux de la Comtesse. Quiproquos, déguisements, retournements de situation et actions étonnantes s’enchainent pour une Folle journée, qui est le sous-titre de cette comédie.

Les personnages sont de rangs très variés. On rencontre un comte, des professeurs de littérature ou de clavecin, un jeune prêtre, une bergère, un greffier ou une troupe de paysans.

Concernant les lieux, l’action passe de la chambre à l’appartement de la Comtesse, puis à la salle du trône et à la galerie du château. Et tout finit bien puisque Figaro et Suzanne peuvent se marier.

  • Selon les époques, il existe différentes variétés de comédies.
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Définition

La farce :

Il s’agit d’une brève comédie populaire à caractère familier, voire grossier.

Développée surtout à la fin du Moyen Âge, on la retrouve jusqu’au XVIIe siècle, notamment chez Molière dans Le Médecin volant, La Jalousie barbouillée, Les Fourberies de Scapin, etc.

Avec le rire pour seul objectif, le dramaturge a recours aux insultes, aux camouflets, aux soufflets. Généralement simple, l’intrigue tourne autour d’un défaut dont on veut se moquer : l’infidélité, la jalousie, le médecin charlatan… Avec ce caractère de comique caricatural, la farce est proche du fabliau. C’est pourquoi elle est dépréciée au XVIIe siècle, considérée comme vulgaire et plus ou moins abandonnée. Aujourd’hui, le terme de « farce » ne désigne plus qu’une plaisanterie.

Le vaudeville est une autre forme de comédie, développée au XIXe siècle. Généralement en un seul acte et bref, il reprend les thèmes et les aspects de la farce. L’intrigue amoureuse fait la part belle aux quiproquos, aux rebondissements inattendus et aux hasards extraordinaires. Les personnages, souvent bourgeois, sont caricaturés : le cocu, le mari stupide, la femme légère, l’ingénue…

Ces comédies, aujourd’hui appelées théâtre de boulevard, sont toujours très populaires dans les théâtres parisiens. Le genre repose sur le triangle amoureux femme – mari – amant, et son dénouement est heureux. Il est possible de citer Feydeau avec On purge bébé où, dès le titre, nous sommes plongés dans une ambiance drolatique avec le personnage de Toto, sept ans. Courteline, de son vrai nom Georges Moinaux, développe les mêmes thématiques dans ses saynètes. Boubouroche met en scène un colosse naïf qui se fait exploiter par ses amis et sa maîtresse. Le Petit Malade montre des parents un peu simplets face à leur fils qui ne sait plus marcher car ses deux jambes sont dans le même pantalon. Dans Le Gora enfin, un couple a des difficultés à faire les accords et les liaisons.

Le drame

Le drame est apparu dans la première moitié du XIXe siècle. Victor Hugo en pose les jalons en 1827 dans la préface de Cromwell.

Le drame romantique conserve le ton de la tragédie, mais n’en respecte pas les règles classiques :

  • les personnages sont nombreux ;
  • les lieux mélangent des décors intérieurs et extérieurs ;
  • l’action peut se dérouler en un jour comme en plusieurs mois ;
  • l’époque de l’intrigue est souvent antérieure à celle de l’auteur, mais liée aux temps modernes et non antiques ;
  • les personnages proviennent de toutes les classes sociales : rois, nobles déclassés, simples roturiers…
  • L’intrigue est centrée sur un héros passionné, et le dénouement est malheureux.
  • Le drame vise l’émotion, il fait appel à la sensibilité du spectateur.

Le drame romantique se veut plus proche du spectateur par le mélange des genres de la tragédie et de la comédie, et des tonalités grotesques et sublimes.

Dans la préface de Cromwell, Hugo écrit :«  […] et le drame, qui fond sous un même souffle le grotesque et le sublime, le terrible et le bouffon, la tragédie et la comédie, le drame est le caractère propre de la troisième époque de poésie, de la littérature actuelle ».

Il écrit également : « le drame, c’est le grotesque avec le sublime, l’âme sous le corps, c’est une tragédie sous une comédie ».

Dans Lorenzaccio, un drame de Musset, l’auteur s’émancipe de toutes les règles puisqu’il écrit pour être lu et non joué, comme l’indique le titre sous lequel sont parues nombre de ses pièces : Spectacle dans un fauteuil.
Ainsi, l’action fait des allers-retours entre Florence et Venise en janvier 1537, et on compte plus de cinquante personnages. La pièce ne sera jamais jouée dans son intégralité et la première représentation aura lieu en 1896, plus de 60 ans après sa parution, avec l’actrice Sarah Bernhardt dans le rôle-titre de Lorenzo.

Au XXe siècle

Après le drame romantique et la mise à mal des règles classiques, le théâtre va s’émanciper et prendre des formes variées. Les dramaturges veulent démocratiser le genre théâtral, faire réfléchir et participer le public. Certains prônent même un théâtre total, qui privilégie le langage du corps. Lister les courants et les influences serait impossible, car il y en a presque autant que d’auteurs. On peut pourtant retenir deux grands courants du XXe siècle.

  • Tout d’abord, le théâtre engagé.
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À retenir

Des auteurs comme Giraudoux ou Anouilh, sentant la montée du nazisme, se tournent vers les mythes antiques.

Ils se les réapproprient et les détournent au profit de leur propre lecture politique et philosophique. Ils souhaitent exprimer leurs angoisses à travers ces mythes.

Cela donne naissance à des pièces d’écriture très libre, comme Antigone de Jean Anouilh, une pièce en un seul acte écrite en 1944, dont il dit : « Je l’ai réécrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre ».

Giraudoux, lui, dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu, cherche à comprendre les manipulations qui peuvent conduire à la Seconde Guerre mondiale. Sa pièce résonne comme un avertissement.

  • C’est dans ce contexte que naît aussi le théâtre de l’absurde.
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Définition

Théâtre de l’absurde :

Il cherche à montrer ce qui est contraire au vraisemblable, à la raison et au possible. Les personnages sont dénués de toute importance et de toute épaisseur psychologique.

Certains se métamorphosent même comme dans Rhinocéros d’Ionesco, où l’arrivée des rhinocéros symbolise la montée du fascisme. L’action est très réduite, et parfois inexistante. Elle peut donner lieu à des improvisations.

De même, le temps peut ne pas s’écouler, ou sembler être un éternel recommencement. C’est ce que montre Beckett dans En attendant Godot. Deux vagabonds attendent, dans un non-lieu, l’arrivée de Godot qu’on ne verra jamais. Ils doivent faire passer le temps, lorsqu’un jeune garçon arrive et annonce la venue de Godot le lendemain. Son arrivée marque la fin du premier acte, mais aussi celle du deuxième, qui rejoue le premier avec quelques variations, sans rien de significatif. On pense alors qu’un troisième acte pourrait se jouer, identique lui aussi.

Conclusion :

La tragédie est un genre codifié, qui aide à pardonner les passions. La comédie est un genre plutôt ludique, qui tend à divertir. Le drame est une combinaison des deux, plus libre, avec des visées morales et pédagogiques. À partir du XXe siècle, les genres du théâtre se multiplient et laissent plus libre l’expression du dramaturge.

L’évolution du théâtre est intimement liée à son histoire. Depuis la tragédie et la comédie antiques jusqu’à aujourd’hui, l’idée est de montrer les variations des passions de la condition humaine, que ce soit à travers les qualités, les défauts et les sentiments les plus nobles, comme les plus vils.

Le théâtre est un art de l’écriture, du langage, mais aussi du geste, de la scène et de la mise en scène. Aujourd’hui, il est souvent remplacé par l’expression « spectacle vivant », où le public tient aussi sa place.