Socialisme, communisme et syndicalisme en Allemagne de 1875 à 1945

Introduction :

L’idéologie est au sens propre le discours sur les idées. Le marxisme est une idéologie née au XIXe siècle, et dont la vision du monde est basée sur des notions de luttes des classes sociales et de rapports économiques. C’est une idéologie matérialiste. Le marxisme s’est scindé en deux : entre le communisme et le socialisme.

Le terme « socialisme » est commun aux idéologies marxistes jusqu’à la Première Guerre mondiale et la révolution russe.

Le terme « communisme » est ensuite employé pour nommer le régime soviétique et les partis communistes du monde entier.

Nous travaillerons sur le contexte de la naissance de cette idéologie en Allemagne. Puis nous étudierons la naissance du mouvement ouvrier et du socialisme en Allemagne de 1875 à 1914. Enfin, nous verrons la division de ce mouvement de 1914 à 1945.

Contexte et notions de base du mouvement ouvrier allemand

La révolution industrielle a vu le jour au Royaume-Uni et se répand très vite en Europe. L’Allemagne posséde un sous-sol très riche en charbon et devient une grande nation industrielle avec une puissante classe ouvrière.

La révolution industrielle dans un contexte de capitalisme libéral implique une très forte augmentation du nombre d’ouvriers qui travaillent en usine (les prolétaires), dans des conditions très difficiles :

  • salaires faibles,
  • pas de protection sociale,
  • mauvaises conditions de travail…
  • C’est dans ce contexte qu’est né le marxisme.
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À retenir

Le marxisme est une idéologie qui décrypte les rapports de force entre :

  • la bourgeoisie, tenante du capital,
  • et la classe ouvrière, qui ne vit que grâce à son travail.

Pour Karl Marx, théoricien du socialisme et du communisme, il y a toujours eu des opprimés et des oppresseurs.

La société esclavagiste de l’Antiquité, le Moyen Âge avec les serfs et les seigneurs, le capitalisme libéral de la révolution industrielle exploitant la masse des ouvriers…

  • Les écarts de richesses et de niveau de vie sont colossaux.

Pour y remédier, Marx préconise de créer des partis communistes, de lancer des révolutions pour ensuite instaurer une dictature du prolétariat. Le stade final du marxisme est la fin de l’État et l’égalité entre tous les prolétaires.

  • Les révolutions seront menées par les prolétaires, qui devront mener la lutte des classes face à la bourgeoisie.
  • La dictature du prolétariat, car la classe ouvrière n’a pas de conscience politique : il faut donc l’éduquer pour qu’elle sache où est son intérêt.
  • La fin de l’État vient du fait que la conscience humaine de chaque citoyen sera élevée. Ainsi, tout le monde voudra instaurer le bien commun et l’État pourra disparaître.

Il existe plusieurs lectures du marxisme :

  • Les marxistes révolutionnaires ont une lecture très stricte du Manifeste du parti communiste et du Capital, textes fondateurs de la pensée communiste. Les bases de leur pensée sont :
  • la révolution prolétarienne ;
  • la lutte des classes ;
  • la collectivisation de l’économie et de la société.
  • Le but avoué est d’éradiquer le capitalisme, sans compromis possible avec la bourgeoisie. Le résultat serait une dictature du prolétariat avec un seul parti, le parti communiste.
  • Les marxistes réformistes ont, eux, une lecture plus nuancée du marxisme. Ils pensent que pour arriver à une société plus égalitaire, il faut collaborer avec la bourgeoisie et s’accommoder du capitalisme, mais le contraindre par des lois et les syndicats.
  • C’est par la négociation et le jeu de la démocratie parlementaire que l’on fera les réformes nécessaires à l’amélioration des conditions de la classe ouvrière et à l’avènement du socialisme.

Autre élément important du mouvement ouvrier, le syndicalisme est né de la révolution industrielle. Très difficile à organiser et très mal perçu par le patronat, il s’est forgé au contact des réalités quotidiennes du monde ouvrier et de l’idéologie marxiste.

  • Le rôle du syndicat est de défendre les ouvriers dans l’entreprise.

La naissance du mouvement socialiste allemand 1875-1914

Dès les années 1860, deux mouvements émergent :

  • ​l’ADAV, l’Association générale des travailleurs allemands, créée par le socialiste Ferdinand Lassalle, qui prône une vision réformiste.
  • Le SDAP, Parti démocrate des travailleurs, fondé par Liebknecht et Bebel, marxistes révolutionnaires.
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À retenir

​En 1875, ces deux mouvements fusionnent au congrès de Gotha pour fonder le SAP afin d’être plus forts face au pouvoir patronal et à celui d’Otto von Bismarck, chancelier allemand conservateur qui lutta contre tous les mouvements marxistes. Le SAP se transforme ensuite en SPD au congrès de Erfurt en 1891.

Le SPD (Parti social-démocrate d’Allemagne) est donc traversé par un courant réformiste soutenu par Eduard Bernstein et un courant révolutionnaire promu par Kautsky.

  • Le SPD lutte pour améliorer les conditions de la classe ouvrière et pour instaurer la démocratie en Allemagne.

En réponse, Bismarck va tenter de contrer le mouvement socialiste :

  • il interdit le parti et les syndicats en 1878,
  • il lance un programme de lois sociales très avancées pour son temps, sur le temps de travail, l’assurance maladie, vieillesse ou encore d’invalidité.
  • Le but est de couper l’élan du marxisme en améliorant le sort des ouvriers.

Il finit par lever l’interdiction du SPD et des syndicats en 1890. Le pari de Bismarck est perdu puisque le SPD progresse en même temps que le poids des syndicats.

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À retenir

La lutte ouvrière s’amplifie, le nombre des grèves s’accroit, mais le fossé entre révolutionnaires et réformistes se creuse et finit par toucher les syndicats.

Les divisions et l’anéantissement du mouvement ouvrier allemand 1914-1945

En 1914, le SPD est divisé.

  • Faut-il jouer le jeu des nationalistes et entrer en guerre, ou bien s’opposer au conflit en faisant grève, comme le demande Jaurès en France, et donc être solidaire des autres marxistes européens ?

Finalement, le SPD s’aligne derrière le nationalisme et l’empereur Guillaume II. C’est une grande défaite du marxisme, mouvement pacifiste et internationaliste.

Les révolutionnaires allemands forment la ligue Spartakiste en 1915. Ils sont hostiles à la guerre, mènent une propagande en faveur de la paix et adhèrent à la révolution russe menée par Lénine en 1917.

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À retenir

La défaite allemande en 1918 entraîne la fin de l’Empire et la naissance de la République, appelée République de Weimar et contrôlée par le SPD réformiste.

Les spartakistes quittent le SPD et fondent le KPD, parti communiste allemand qui adhère aux 21 conditions de la 3e Internationale de Lénine.

Le KPD pense que l’Allemagne est prête à mener la même révolution communiste qu’en Russie. De 1918 à 1919, une vague révolutionnaire ouvrière traverse le pays, avec des combats entre l’armée du gouvernement SPD réformiste et le KPD communiste.

Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, deux figures révolutionnaires, sont fusillés lors de la semaine sanglante en janvier 1919, symbole de l’impitoyable répression du mouvement.

  • La rupture entre les deux courants marxistes est très profonde et durable, et a des conséquences dramatiques.

Après le retour au calme, les têtes pensantes du KPD marxiste-léniniste sont décimées. Le SPD s’allie à d’autres partis pour diriger une Allemagne qui accepte très difficilement le traité de Versailles. La crise de 1923 envenime les clivages sociaux et politiques et le parti nazi d’Hitler fait une percée. La crise de 1929 replonge l’Allemagne dans une crise sans précédent, avec plus de 7 millions de chômeurs.

  • Le parti nazi en profite et s’engouffre dans les brèches laissées par la division SPD/KPD.
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À retenir

Il n’y a pas de gauche unie pour faire face à Hitler. D’un côté, la peur du communisme amène le SPD à lutter contre le KPD. Quant au KPD, il lutte contre les « traitres » du SPD qui, pour eux, ont trahi la classe ouvrière.

Quand Hitler arrive au pouvoir le 30 janvier 1933, la démocratie allemande disparaît.

Le mouvement ouvrier est le premier visé par les nazis. Le parti communiste est interdit, puis les communistes internés à Dachau en 1933. Les socialistes, les syndicalistes et tous les opposants à Hitler vont subir le même sort.

  • C’est la fin des libertés fondamentales, la classe ouvrière est encadrée et mise au pas par le régime nazi.

Conclusion :

Les partisans du marxisme étaient, dès le départ, divisés entre les révolutionnaires, qui cherchent à éradiquer le capitalisme, et les réformistes, qui souhaitent le modifier de l’intérieur. Cette division entre réformistes et révolutionnaires est bien illustrée par la division entre communistes du KPD et socialistes du SPD. Les socialistes ont pris leur distance avec les idées marxistes après la Première Guerre mondiale. Ces oppositions au sein du mouvement ouvrier allemand ont favorisé la montée en puissance du parti nazi.