Le langage poétique comme source de modernité
Introduction :
La poésie est avant tout un langage qui se veut différent de celui du quotidien, privilégiant l’expression de la subjectivité et la force d’évocation aux puissances démonstratives du langage. L’origine du mot, poiein en grec qui signifie « créer, inventer », nous rappelle le nécessaire renouvellement de l’écriture poétique. L’histoire de la poésie confirme cette acception par l’exploration toujours renouvelée d’un autre langage qui constitue une quête de sens. Mais le langage, a fortiori le langage poétique, est un système organisé et régi par des codes. Ces contraintes formelles peuvent constituer un frein à l’imaginaire et à la créativité.
Comment la poésie, si elle est astreinte aux contraintes grammaticales et lexicales de la langue, peut-elle aussi la transformer et la recréer ? En quoi ce travail sur le langage permet-il une nouvelle approche du réel ?
Dans un premier temps, nous expliquerons en quoi il s’agit avant tout d’un travail d’exploration linguistique. Puis, nous verrons comment, au XXe siècle, l’inspiration poétique a permis un renouvellement particulièrement fécond du langage. Enfin, nous étudierons « Le Grand Combat » (1927), un poème dans lequel Henri Michaux manipule et réinvente la langue pour élargir le réel.
La poésie : un travail sur le langage
La poésie : un travail sur le langage
Le dépassement du langage ordinaire
Le dépassement du langage ordinaire
La poésie est un genre littéraire qui tente de montrer les possibilités et les limites du langage par le biais d’une langue inhabituelle, invitant ainsi le lecteur à réagir sur sa condition et sur son rapport au monde.
La conception d’un langage poétique créateur de sens à partir de la forme, s’oppose à une vision strictement utilitaire du langage :
- il remet en cause la syntaxe traditionnelle ;
- il joue sur la musicalité ;
- et, surtout, il fait appel à l’imagination.
La poésie peut chercher à évoquer peu de choses en très peu de mots. On dit qu’elle porte en elle une puissance d’évocation.
Le langage poétique repose essentiellement sur des images, des sons, et des formes qui évoquent des sensations par un jeu d’associations habiles. Plus les associations sont surprenantes et inhabituelles et plus leur puissance d’évocation est forte.
L’homme blessé, Gustave Courbet, 1840, huile sur toile, 81,5 × 97,5 cm, musée d’Orsay, Paris
Dans « Le Dormeur du Val » (Cahier de Douai 1870), Arthur Rimbaud présente en quelques vers l’horreur de la guerre. La littérature en prose a, bien évidemment, déjà traité ce sujet. Mais Rimbaud, avec ce poème, réussit à toucher la sensibilité du lecteur par des associations fortes.
Par exemple, il décrit le paysage par ses couleurs (« vert », « d’argent », « luit », « bleu ») pour clore le poème avec la couleur associée au sang du soldat (« il a deux trous rouges au côté droit »).
La poésie utilise un langage qui sera plus ou moins codifié selon les époques.
La poésie, à la recherche d’un idéal esthétique
La poésie, à la recherche d’un idéal esthétique
Jusqu’au XIXe siècle, les formes fixes dominent en poésie : elles respectent des règles précises concernant le nombre et le type de strophes, le type de vers et de rimes, etc. Le poète effectue un travail de recherche formelle afin de sublimer l'objet évoqué par le poème.
- Au XVIe siècle, le genre poétique connaît un essor important sous l’impulsion des poètes de la Pléiade tels que Joachim du Bellay et Pierre de Ronsard. Ils adoptent notamment le sonnet, une forme fixe originaire d’Italie qui n’aura de cesse d’être reprise par de nombreux poètes.
Joachim du Bellay et Pierre de Ronsard
Toutefois, attention aux anachronismes, la poésie est une façon habituelle de jouer avec le langage, mais elle ne sera définie comme « genre littéraire » qu’à partir du XIXe siècle.
- Au XVIIe siècle, le baroque qui prône l’irrégularité, voit bientôt le classicisme lui succéder. Ce nouveau mouvement est caractérisé par une exigence de clarté et de mesure que les règles de la doctrine classique doivent permettre d’atteindre. Les poètes de cette période, comme François de Malherbe puis Nicolas Boileau, proposent une poésie très stricte d’un point de vue formel et d’une très haute technicité.
François de Malherbe et Nicolas Boileau
« L’Art poétique » (1674) de Nicolas Boileau est un poème didactique en alexandrins classiques (chaque vers est composé de deux hémistiches de six syllabes).
- Il traite des règles fondamentales de l'écriture en vers et de la façon de s'approcher au plus près de la perfection.
Cette conception de la poésie a donné la priorité à sa valeur esthétique et, de ce fait, a permis une redécouverte de la langue. Le vers est mis en avant, considéré comme une forme noble.
Il se comprend en opposition à la « prose » c’est-à-dire ce qui va en avant et ne se termine pas. Le vers, du latin versus qui signifie aussi le sillon ou la ligne, se détermine par la façon dont il est interrompu pour des raisons métriques.
À partir du XIXe siècle, et même si certains poètes avaient déjà exploré cette voie, la recherche esthétique tente de s’affranchir de la forme fixe. C’est l’époque d’une remise en question et même d’une révolution autour de la question du vers.
La poésie, vers une libération formelle
La poésie, vers une libération formelle
Les poètes du XIXe siècle revendiquent une liberté créatrice qui s’oppose alors nécessairement au respect de règles trop contraignantes.
Ils vont peu à peu assouplir les codes qui régissent l’écriture du vers et imposer de nouvelles normes :
- soit en utilisant une métrique moins conventionnelle ;
- soit en multipliant les ruptures de rythme.
Dans « Art Poétique », Paul Verlaine prône le vers impair dont le rythme lui semble plus musical.
Certains poètes vont également s’essayer au vers libre et même aller jusqu’à s’affranchir totalement du vers avec la poésie en prose.
Dans Le Spleen de Paris, Charles Baudelaire, comme Aloysius Bertrand avant lui, libère son écriture du vers. Le rythme, les sonorités, les figures de style sont toujours bien présentes dans cette poésie en prose, mais s’affranchissent des codes formels du vers.
« Grand délice que celui de noyer son regard dans l'immensité du ciel et de la mer ! Solitude, silence, incomparable chasteté de l'azur ! une petite voile frissonnante à l'horizon, et qui par sa petitesse et son isolement imite mon irrémédiable existence, mélodie monotone de la houle, toutes ces choses pensent par moi, ou je pense par elles (car dans la grandeur de la rêverie, le moi se perd vite !) ; elles pensent, dis-je, mais musicalement et pittoresquement, sans arguties, sans syllogismes, sans déductions. »
Le Spleen de Paris, Charles Baudelaire, 1869
L'objectif des poètes de cette époque n'est plus seulement de sublimer l’objet du poème selon des codes définis, mais de déployer toutes les richesses du langage pour explorer de nouveaux univers mentaux.
Dans la mesure où le langage poétique repose essentiellement sur des images, des sons et des formes, il lui est tout à fait possible de se libérer des contraintes du vers sans pour autant renoncer au sens. C’est ce sur quoi vont travailler les poètes du XXe siècle.
La poésie en liberté au XXe siècle
La poésie en liberté au XXe siècle
Le langage poétique instaure toujours un rapport spécifique entre le mot, l’image et le réel. Les poètes du XXe siècle vont exploiter ces éléments du langage pour explorer un nouveau rapport au réel.
Exploration du mot
Exploration du mot
Jusqu’au XIXe siècle, la recherche d’un idéal esthétique a poussé les littérateurs à utiliser des termes élégants, rares et harmonieux. Certains poètes du XXe siècle vont, eux, se tourner vers une langue plus prosaïque et utiliser des tournures orales dans leurs œuvres.
Raymond Queneau ©CC BY-SA 3.0
Dans le poème « Si tu t’imagines… » (1948), Raymond Queneau utilise un langage oral et familier :
« Si tu t’imagines
[…]
fillette fillette
ce que tu te goures
si tu crois petite »
si tu crois ah ah »
Extrait de « Si tu t’imagines », L’Instant fatal, Raymond Queneau, 1948
Dans ce poème, le poète s’inspire de l’« Ode à Cassandre » de Ronsard pour traiter du même sujet : celui du carpe diem.
Cependant cette réécriture utilise un registre beaucoup plus familier que celui du poème dont elle s’inspire, Queneau l’espère ainsi propre à toucher le plus grand nombre.
Les poètes vont également explorer le langage au point d’inventer de nouveaux mots. C’est le cas des néologismes ou des barbarismes, qui suscitent chez le lecteur une impression d’étrangeté.
Néologisme :
Un néologisme est un mot nouveau, récemment forgé pour répondre à un manque ou pour son caractère expressif. Par exemple, « abracadabrantesque » est un néologisme attribué à Arthur Rimbaud et dérivé du mot « abracadabra ».
Barbarisme :
Un barbarisme est la forme d'un mot qui n'existe pas dans la langue et dont l'emploi est jugé fautif : « aréoport » ou lieu d’« aéroport », par exemple.
Ferdinand de Saussure est un linguiste du XIXe siècle qui a établi les bases de la sémiologie (l’étude des signes linguistiques). Il interprète la langue comme un ensemble de signes.
- Les néologismes s’appuient en partie sur cette conception de la langue car ils jouent avec les signes qui composent un mot ou plusieurs mots pour en former de nouveaux qui conservent, malgré tout une signification.
Dans son poème « Bon dieu de bon dieu », Raymond Queneau fait appel à de nombreux néologismes « que je t’enpapouète/t’enrime/t’enrythme/t’enlyre/t’enverse/t’enprose ».
Ces inventions loufoques sont autant de provocations à la poésie traditionnelle : la rime (« enrime »), le rythme (« enrythme »), la lyre symbole de la poésie (« enlyre »), les vers (« enverse[nt] »), la prose (« enprose »).
Les réflexions des poètes s’appuient aussi parfois sur l’idée que le mot représente graphiquement la chose, ce qui accentue son potentiel d’évocation.
Dans Le Parti pris des choses (1942), Francis Ponge s’intéresse aux réalités prosaïques des choses. Dans le poème « L’Huître », il choisit des mots qui présentent les mêmes particularités graphiques que l’huître pour la décrire : « verdâtre », « noirâtre », « blanchâtre ».
Les poètes du XXe siècle ont manipulé les mots pour en accroître le pouvoir poétique. Ils en ont également exploré la dimension visuelle pour intensifier la puissance d’évocation du poème.
Exploration de l’image
Exploration de l’image
La dimension visuelle du langage poétique tient à la capacité qu'ont les mots de s’associer entre eux pour créer des « images ». Les comparaisons et les métaphores participent à cette dimension visuelle. Le renouvellement du genre poétique passe aussi par là.
Pour Baudelaire, des liens existent entre le visible et l'invisible, entre les couleurs, les sons et les parfums. Dans Les Fleurs du mal (1857) le poète doit déchiffrer ces liens.
La dimension visuelle du langage poétique peut également passer par une mise en page spécifique ou par une mise en relief de certains termes. C'est ce à quoi s'emploient des poètes comme Stéphane Mallarmé ou Guillaume Apollinaire (avec Les Calligrammes par exemple), mais ce ne sont pas les seuls à s'être engagés dans cette voie.
- Dans « Sonnets dénaturés » (1923), Blaise Cendrars conserve la forme traditionnelle du sonnet mais en l’altérant. Les vers sont décalés dans l’espace et certains mots sont mis en relief par une typographie différente.
« Sonnets dénaturés », Blaise Cendrars, 1923
- Francis Ponge a choisi d’écrire le poème « L’Huître » (1942) en prose sous forme de trois paragraphes serrés sans blanc typographique. Le poème forme un bloc, imitant ainsi la forme du « galet » décrit au début du poème.
- La forme du texte se met au service du fond.
Ces expérimentations visuelles touchent la sensibilité du lecteur comme un tableau touche la sensibilité du spectateur. Elles donnent à voir une autre perception du réel.
Exploration du réel et de l’imaginaire
Exploration du réel et de l’imaginaire
Le poète invente parfois un monde qui n’existe pas (par exemple dans son poème « Barbare » Rimbaud invente des fleurs arctiques).
Au XXe siècle, les surréalistes comme André Breton, Paul Éluard, Robert Desnos, estiment que le rationnel n'est qu'une façon parmi d'autres d'envisager le réel, et que l’Homme est constitué autant par ses rêves et son inconscient que par sa réalité éveillée.
Surréalisme :
Le surréalisme est un mouvement artistique né dans l’immédiat après-guerre. C’est un mouvement de révolte et d’émancipation du langage et de l’art. Il se caractérise par l’utilisation de toutes les forces psychiques (automatisme, rêve, inconscient) libérées du contrôle de la raison.
Dans « La Terre est bleue comme une orange » (1929), Paul Éluard évoque son amour pour sa muse. Pour lui, l’amour, libérateur et créateur, donne vie à la poésie et livre une nouvelle réalité pleine d’images insolites soutenues par des comparaisons et métaphores improbables.
Les guêpes fleurissent vert
L’aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Extrait du poème « La Terre est bleue comme une orange », L’Amour la poésie, Paul Éluard, 1929
Le surréalisme n’a pas été seulement un mouvement littéraire. L’œuvre du peintre espagnol Salvador Dalí, par ses sujets oniriques, a été très proche du mouvement surréaliste. Les éléphants aux « pattes arachnéennes » sont un des classiques de l’artiste.
Éléphant inspiré des Éléphants de Salvador Dalí, 1946, London ©JimLinwood
Le langage poétique instaure toujours un rapport spécifique entre le mot, l’image et le réel. Le XXe aura été une période d’exploration particulièrement féconde en poésie : en inventant de nouveaux mots, en travaillant sur la dimension visuelle des poèmes, et en ouvrant le champ du réel.
Henri Michaux : « Le Grand Combat », Qui je fus
Henri Michaux : « Le Grand Combat », Qui je fus
En marge des surréalistes, Henri Michaux s’engage lui aussi dans une voie novatrice.
L’auteur et son œuvre
L’auteur et son œuvre
Portrait de Henri Michaux, La Demeure du Chaos – Musée L’Organe, Saint-Romain-au-Mont-d’or ©thierryermann
Henri Michaux est né en 1899 en Belgique. Après des études chez les jésuites, il s’engage dans la marine. À 25 ans, il s’installe à Paris et s’intéresse à la peinture et au dessin. La découverte de Lautréamont le pousse à écrire le recueil de poèmes Qui je fus en 1927.
Il parcourt le monde et écrit des carnets de voyages (Un Barbare en Asie, 1933), des recueils de poèmes en prose ou en vers libres (Plume, 1938), mais aussi des récits de ses expériences avec les drogues dans Connaissance par les gouffres (1961).
Son œuvre est caractérisée par une défiance radicale à l'égard du langage, dont il désarticule la cohérence.
S’il est proche des surréalistes, on ne peut le classer dans aucun mouvement. Naturalisé français en 1955, il meurt à Paris en 1984.
« Le Grand Combat » est un poème tiré du recueil Qui je fus écrit entre 1922 et 1927.
Le Grand Combat
Il l'emparouille et l'endosque contre terre :
Il le rague et le roupète jusqu'à son drâle ;
Il le pratèle et le libucque et lui barufle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage rape à ri et ripe à ra.
Enfin, il l'écorcobalisse.
L'autre hésite, s'espadrine, se défaisse, se torse et se ruine.
C'en sera bientôt fini de lui ;
Il se reprise et s'emmargine… mais en vain
Le cerveau tombe qui a tant roulé.
Abrah ! Abrah ! Abrah !
Le pied a failli !
Le bras a cassé !
Le sang a coulé !
Fouille, fouille, fouille.
Dans la marmite de son ventre est un grand secret.
Mégères alentour qui pleurez dans vos mouchoirs ;
On s'étonne, on s'étonne, on s'étonne
Et on vous regarde
On cherche aussi, nous autres, le Grand Secret.
HENRI MICHAUX - « Le Grand Combat », Qui je fus (1927)
Un nouveau langage
Un nouveau langage
Henri Michaux s’emploie ici à manipuler le langage.
- Il choisit l’utilisation du vers libre : il n’y a pas de rimes et la longueur des vers est variable.
- Il fait le choix d’une ponctuation expressive : les points virgules sont nombreux et évoquent la succession, l’accumulation. L’aspect visuellement très chargé du texte est alimenté par la présence de ces nombreux signes typographiques.
- Il utilise une syntaxe inventive et répétitive (« Abrah ! Abrah ! Abrah ! »/« Fouille, fouille, fouille, ») qui confère au poème un rythme nerveux et haletant.
- Il façonne de nombreux néologismes par l’association de plusieurs mots (on peut imaginer les significations suivantes :
- « emparouille » = empare/écrabouille ;
- « endosque » = endosse/esquinte ;
- « barufler les ouillais » = donner des baffes sur les oreilles ;
- « tocarde » = donner une estocade.
Via ces différents leviers, il déracine le langage pour mieux le libérer. Ces créations lexicales réinventent la langue, par la violence évoquée mais aussi par l’humour (comme une parodie de combat).
Henri Michaux s’engage ici dans une voie originale en travaillant à inventer des mots, sans pour autant renoncer à leur signification première.
Un élargissement du réel
Un élargissement du réel
Le poète peut donner vie à un monde nouveau à l’aide d’images et de sonorités. Dans « Le Grand Combat », malgré les mots inventés et le rythme anarchique, le texte reste compréhensible.
- Le titre, « Le Grand Combat », est explicite. Même s’il n’est pas vraiment nommé et même si les combattants ne sont pas connus (les pronoms personnels sont indéterminés dans le poème), nous savons qu’il s’agit d’une lutte. Ce que confirme d’ailleurs le registre épique du poème qui le rapproche des chansons de gestes médiévales.
- Le champ lexical du combat (« sang », « contre terre », « fini de lui », « tombe ») et les allitérations aux sonorités dures en [p], [t], [q], [r] (« emparouille », « endosque », « rague », « roupète », « pratèle », « libucque », « tocarde ») figurent la bataille jusque dans les sens.
- Malgré ces libertés lexicales, le respect de la syntaxe et de la grammaire, ainsi que la cohérence de la chronologie, permettent une lecture fluide du texte.
- Les mots déformés sont souvent reconnaissables ou interprétables : « écorcobalisse » est peut-être un mélange entre « écorcher » et « abaisser » ; mais l’essentiel du sens est porté par la rugosité de ses sons évocateurs de violence.
Toute la subtilité de son écriture tient dans la dynamique d’une double lecture qu’elle laisse paraître. Au-delà du sens du mot ou de la scène évoquée, c’est l’émotion conduite par la sonorité des mots qui fait à la fois le sens et l’intérêt du texte.
Ce « Grand Combat » qui n’est pas nommé, tout comme le « Grand Secret » qui n’est pas révélé, et les deux combattants dont l’identité reste inconnue, ne sont peut-être que des prétextes à la création poétique, à la création linguistique. Ce « Grand Combat » pourrait être celui de la langue et du signe : un poème qui dépeint une lutte violente dont le vainqueur serait la nouvelle langue inventée par Henri Michaux.
Conclusion :
Dans la mesure où le langage poétique repose essentiellement sur des images, des sons et des formes, il est en mesure de se libérer des contraintes de la langue sans pour autant renoncer à délivrer du sens.
Cette faculté, propre au genre poétique, permet une exploration profonde du langage. Les poètes portent ainsi un nouveau regard sur le monde en diversifiant les interprétations du réel.
Nous sommes aux antipodes d’autres conceptions du rôle du poète, qui peut être perçu tantôt comme un « voyant », un « prophète », un artiste « engagé » ou un amuseur selon les périodes de l’histoire littéraire. Ici, le poète est considéré comme l’artisan de notre langue, le travailleur acharné qui use le mot et le taille comme un bijou, obsédé par la beauté et l’efficacité du verbe (et non du vers !).