Le projet d’une Europe politique depuis 1948

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Attention

Pour les élèves de terminale S, la période à étudier commence au traité de Maastricht en 1992 et non plus au congrès de La Haye en 1948. Les évenements qui précédent la signature du traité peuvent néanmoins vous éclairer sur le processus de construction de l’Europe.

Introduction :

Dans notre étude sur les gouvernances à différentes échelles, l’échelle continentale est éminemment importante en Europe. L’Europe n’est pas surnommée le « vieux continent » pour rien. On pourrait remonter jusqu’à Charlemagne pour trouver un premier semblant d’unité politique. Mais ceux qui composent l’Europe, cependant, n’ont jamais cessé de se faire la guerre jusqu’à un passé récent.

Les frontières au sein de l’Europe ont changé au gré des mariages royaux, des guerres de succession et des alliances. Le XIXe siècle est marqué par la consolidation des États-nations au sein de l’Europe et par la montée des nationalismes. Les antagonismes entre pays sont forts, comme l’illustre par exemple la guerre de 1870 entre Français et Allemands.

Les deux guerres mondiales de la première moitié du XXe siècle ont par la suite mis l’Europe à genoux économiquement, politiquement et moralement. La pire des barbaries s’est produite sur le sol européen, où se trouvaient les camps de concentration et d’extermination. Mais des cendres de cette vieille Europe va naître un projet inédit dans l’histoire : des États-nations sont prêts à renoncer à une partie des pouvoirs qu’ils avaient jusqu’alors.

La France et l’Allemagne sont les chevilles ouvrières de cette construction européenne, pays ennemis hier, main dans la main aujourd’hui pour construire un avenir commun. Il faut donc reconstruire l’Europe, mais sur quelles bases ?

Pour travailler cette question, nous verrons tout d’abord la naissance du projet d’une Europe politique entre 1948 et 1957. Puis, nous étudierons les difficultés rencontrées par cette Europe politique et la naissance en parallèle d’une Europe économique. Nous terminerons par un bilan des défis qui attendent l’Europe dans la mondialisation.

La naissance d’un projet d’une Europe politique 1948-1957

L’idée d’une Europe politique ne date pas de 1948. Victor Hugo, au XIXe siècle, avait déjà évoqué la question, et le diplomate français Aristide Briand évoque en 1929 une « fédération européenne ». Mais face à ces quelques voix, la crise de 1929 et les courants fascistes et nazis vont bientôt balayer l’Europe et détruire toute idée d’unité européenne.

Les premiers Européens convaincus sont issus des mouvements de résistance européenne au nazisme et à leurs gouvernements collaborateurs. L’idée est de faire de l’Europe un espace de paix, de démocratie, de droits de l’Homme et de prospérité, le tout garanti par un État-providence.

Les démocrates-chrétiens européens comme Konrad Adenauer, Jean Monnet et Robert Schuman, ou des sociaux-démocrates comme Paul-Henri Spaak, veulent bâtir cette Europe unie.

  • Ce sont les pères de l’Europe et leur projet est d’autant plus impressionnant que le contexte est celui de la guerre froide. L’Europe est divisée et les deux blocs de l’Est et de l’Ouest s’y opposent. L’Europe de l’Ouest doit se reconstruire face au bloc soviétique de l’Est. Le communisme est perçu comme une menace.
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À retenir

Des mouvements divers se réunissent au congrès de La Haye en 1948. Le congrès prévoit une « union économique et politique » ainsi que le transfert de certains droits souverains des États. Un volet culturel est aussi présent.

C’est Churchill, ancien Premier ministre anglais durant la guerre, qui fait le discours d’entrée et demande « des États-Unis d’Europe » pour faire face aux enjeux de la guerre froide.

Le congrès est divisé entre les fédéralistes, partisans d’une fédération où les États renoncent à leur souveraineté au profit d’une autorité supranationale, et les unionistes, partisans d’une confédération, c’est-à-dire une union d’États indépendants où chaque État conserve sa souveraineté.

Le congrès débouche sur la création du Conseil de l’Europe en 1949 qui met sur pied une Convention européenne des droits de l’Homme. Les États-Unis soutiennent le projet en pleine guerre froide et aident l’Europe à se reconstruire grâce au plan Marshall.

Cela oblige les Européens à se réorganiser. L’OECE, l’Organisation européenne de coopération économique, permet d’organiser la répartition des moyens colossaux attribués par les Américains. Concernant la défense, l’OTAN protège nucléairement et militairement l’Europe de l’Ouest.

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À retenir

Le premier pas fédéraliste fut réalisé par le biais de la CECA, la Communauté européenne du charbon et de l’acier, créée en 1951. Six pays se réunissent pour produire du charbon et de l’acier en commun. Encore sous le choc terrible de la guerre, l’idée était aussi de maîtriser ces deux productions afin de ne plus pouvoir permettre qu’un pays se réarme.

Pays fondateurs de la CECA histoire terminale

La deuxième étape dans la construction d’une Europe fédérale fut la création de la CED, la Communauté européenne de défense, en 1952. Le but est de mettre sur pied une armée européenne, qui comprenne une armée Ouest-Allemande reconstituée.

La Seconde Guerre mondiale est encore dans de nombreux esprits, et réarmer l’Allemagne n’est pas possible pour les gaullistes et les communistes français.

Les difficultés de l’Europe politique, la naissance de l’Europe économique

Les européistes ne désarment pourtant pas, et préparent un traité visant à mettre en place un marché commun européen. Le 25 mars 1957, c’est la naissance de la CEE, la Communauté économique européenne, par le traité de Rome.

  • La CEE est appelé aussi marché commun.

Les 6 pays de la CECA signent ce traité :

  • France,
  • RFA,
  • Italie,
  • Belgique,
  • Pays-Bas,
  • et Luxembourg.

Le traité de Rome instaure une libre circulation des marchandises et des capitaux ainsi qu’une politique de coopération économique et technologique. Peu à peu les barrières douanières disparaissent entre les 6 pays. L’Euratom, l’Europe de l’énergie atomique naît quelques années plus tard en 1958.

L’Europe rencontre pourtant des difficultés face à l’intransigeance de la France de De Gaulle. De Gaulle privilégie l’axe franco-allemand et s’oppose à tout ce qui pourrait ressembler à une supranationalité. Il est partisan de l’Europe des nations et non pas d’une fédération, qui priverait pour lui la France de sa souveraineté.

Au sein des institutions de la CEE, les pays membres votent pour les projets à l’unanimité. La volonté de transformer le vote européen en un vote à la majorité met de Gaulle en colère et il pratique alors la « politique de la chaise vide » :

  • la France ne siège plus et entrave le processus de création d’une Europe commune large.

Parallèlement, le Royaume-Uni a fondé l’AELE, l’Association européenne de libre-échange, avec certains pays scandinaves, ainsi que la Suisse, l’Autriche et le Portugal. L’idée est de créer une zone de libre-échange sans les liens politiques que supposent l’entrée dans la CEE. Plus tard, quand le Royaume-Uni veut adhérer à la CEE, de Gaulle refuse par deux fois l’entrée du Royaume-Unis dans la CEE au motif que les Anglais seraient toujours pro-américains et pas assez européens.

Cependant, les concrétisations de la CEE sont réelles sur le plan économique. En plus de la création de la PAC, la politique agricole commune, l’union douanière est achevée en 1968. Grâce à la PAC, l’Europe devient une puissance agricole, mais elle absorbe jusqu’à 50 % du budget européen pour soutenir les productions agricoles des pays membres.

  • Ces deux étapes majeures sont suivies par la fusion des exécutifs de la CECA, de la CEE et d’Euratom pour plus d’efficacité.

Sur le plan politique la nouveauté des années 1970, c’est le Conseil européen qui réunit les chefs d’État et de gouvernement des pays membres. En 1979, le Parlement européen est élu au suffrage universel, ce qui donne une réalité politique à cette Europe même si le Parlement ne possède pas de grands pouvoirs.

Sur le plan monétaire le système monétaire européen est créé, et fondé sur une monnaie de compte, l’ECU. Il a pour but d’assurer la stabilité des monnaies et vient palier la fin du système de Bretton Woods.

  • Un premier élargissement de la CEE se produit en 1973 avec le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark.
  • Il se poursuit avec la fin des dictatures en Grèce, en Espagne et au Portugal. Cela permet à des pays d’intégrer la CEE en 1981 pour la Grèce et 1986 pour l’Espagne et le Portugal.
  • La cheville ouvrière de cette construction européenne est le couple franco-allemand, avec François Mitterrand et Helmut Khol.

Les années 1980 voient un recul britannique dans l’investissement au sein de cette construction. Margaret Thatcher, Premier ministre conservateur, souhaite limiter la contribution anglaise à la CEE dans une période de coupes budgétaires sévères. Il faudra toute la volonté franco-allemande pour relancer le projet européen et l’approfondir. Jacques Delors, alors à la tête de la Commission européenne, lance l’Acte unique européen en 1986.

  • L’Acte unique vise à accomplir pleinement le principe du marché unique en 1993, et donne plus de pouvoir à la CEE au détriment des pays souverains.

En 1987, c’est aussi le début du programme Erasmus pour les étudiants européens qui peuvent partir faire leurs études dans un pays membre.

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À retenir

Autre étape importante, la création de l’espace Schengen en 1995, qui marque la fin des contrôles aux frontières des pays européens.

  • L’espace Schengen permet la libre circulation des hommes en Europe. En 1987 le principe est acquis et sera appliqué moins de dix ans plus tard.
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Certains pays de la CEE n’ont pas signé les accords de Schengen, comme le Royaume-Uni par exemple.

Les bouleversements des années 1990, avec notamment la fin de la guerre froide, ont aussi modifié la marche de la CEE dans une mondialisation accélérée.

Les défis de l’Europe dans la mondialisation

La fin de la guerre froide et la réunification allemande confrontent l’Europe à de nouveaux défis.

En 1993, la CEE accélère l’approfondissement de l’Europe. La CEE est remplacée par l’Union européenne. Les accords de Maastricht de 1992 concrétisent la libre circulation des personnes, la citoyenneté européenne et multiplient des programmes de coopération. De 1993 au début des années 2000, de nombreux projets prennent forme :

  • une monnaie unique voit le jour en 2002 : l’euro. Avec elle, il n’y a plus de monnaie nationale dans 17 pays européens, chose impossible quelques années auparavant ;
  • la Banque centrale européenne (BCE) est fondée en 1998 : elle gère l’euro, elle est indépendante des pouvoirs politiques ;
  • on crée la PESC, la politique étrangère et de sécurité commune, qui reste cependant sans réel pouvoir ;
  • l’Eurocorps est aussi mis en place, c’est un embryon d’armée européenne.

L’élargissement se poursuit en 1995 avec les pays du nord de l’Europe comme la Suède et la Finlande mais aussi l’Autriche, tous anciens pays de l’AELE.

Malgré ces avancées, des critiques commencent à voir le jour sur cette construction. La perte de souveraineté des États est mal vécue, de même que la libre circulation fait parfois craindre une immigration massive. À cela s’ajoute l’opacité du fonctionnement des institutions européennes, perçues comme peu démocratiques par les citoyens européens.

Les années 2000 sont des années au cours desquelles l’UE doit faire face à des enjeux fondamentaux mais divergents.

  • D’un côté l’élargissement de l’UE, avec le souhait d’intégrer les anciens pays communistes de l’Est pour éviter l’anarchie et le chaos, et parce qu’il est perçu comme un légitime prolongement de l’Europe.

Carte des élargissements successifs de l’Europe Carte des élargissements successifs de l’Europe

De 15 pays, l’UE passe à 27 pays.

  • De l’autre, le chantier de l’approfondissement des institutions. Il s’agit enfin d’aller vers une Europe fédérale.

Le vote à la majorité qualifiée est instauré pour le Conseil de l’Union européenne, où siègent les ministres des États membres. Le vote à la majorité qualifiée donne un nombre de voix aux pays en proportion de leur population. Il faut une majorité à 73,9 % des voix pour adopter une mesure. Cette procédure évite les blocages de certains pays et accélère l’intégration.

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À retenir

Le coup d’arrêt majeur vient de la France et des Pays Bas qui disent « non » au référendum de 2005 sur la Constitution européenne à 54,9 %. Ces votes sont perçus comme des coups de tonnerre car ils rejettent une certaine vision de l’Europe, qui avait prévalu jusqu’alors.

Mais, en 2007, le traité de Lisbonne contourne le refus des citoyens puisqu’il reprend l’essentiel de la Constitution mais qu’il est désormais voté par les parlements et non par les peuples : plus de référendums dorénavant. Un président du Conseil européen est nommé en 2010, c’est le belge Herman Van Rompuy.

Cependant la progression de l’euroscepticisme continue.

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À retenir

Certains reprochent à l’UE ses frontières ouvertes à l’immigration. Mais surtout, les eurosceptiques pointent le manque de cohésion économique et sociale face aux différentes crises très mal vécues en Europe.

Le nombre de chômeurs est devenu impressionnant dans une majorité des pays membres et la crise grecque a fait voler en éclat la solidarité européenne. La montée du sentiment anti-européen et anti-allemand, le pays fort de l’Europe, est inquiétante. Angela Merkel, la chancelière allemande, représente aux yeux de certains les dangers des politiques d’austérité infligées à la Grèce.

Militairement, il n’y a pas de solidarité européenne dans les divers conflits, comme la guerre en ex-Yougoslavie, la guerre en Irak en 2003 ou plus récemment les interventions en Lybie en 2012. Enfin, l’élargissement vers d’autres pays, notamment la Turquie, divise les citoyens européens ; tandis que le Royaume-Uni a voté par référendum sa sortie de l’UE.

On le voit, le projet est en crise. Les principaux reproches formulés à l’encontre de l’UE sont :

  • pas d’armée européenne,
  • pas de diplomatie,
  • pas d’uniformisation sociale et fiscale,
  • pas assez de démocratie, de surcroît dans le cadre de la Commission européenne, qui a le monopole de l’initiative législative sans être issue du parlement européen.
  • et globalement, des institutions dont le fonctionnement n’est pas toujours compréhensible aux yeux des citoyens.

Conclusion :

L’UE est appelée à faire des choix, et notamment celui du modèle politique qu’elle souhaite incarner : une confédération d’États aux pouvoirs importants ou bien une véritable fédération, sur le modèle nord-américain. Dans le cadre des nouveaux rapports de force à l’échelle mondiale, ces choix seront cruciaux.