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Sujet bac L 2018 - Français - Corrigé - Commentaire
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Corrigé bac

Commentaire
Madame de Staël, Delphine, extrait (1802)

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Astuce

Le devoir rédigé ci-dessous n’est qu’une suggestion de ce que l’on pouvait rédiger : il n’y a pas qu’un seul corrigé-type. Un commentaire composé est un exercice d’analyse : attention à la paraphrase.

Introduction :

L’extrait choisi est issu de la quatrième partie de Delphine, roman épistolaire de Madame de Staël, publié en 1802. L’héroïne éponyme aime Léonce d’un amour réciproque. Une fausse rumeur a poussé le jeune homme à épouser Matilde, bien qu’il n’éprouve pas de sentiments pour elle. Lorsque Léonce découvre la vérité, il décide de quitter sa femme. Enceinte, Matilde supplie alors Delphine de se départir de son mari. Delphine répond ici à la lettre de Matilde.
Nous pouvons nous demander comment le registre pathétique de cette lettre se met au service de l’éloge de l’héroïne romanesque.
Nous verrons tout d’abord en quoi ce texte est une lettre à tonalité lyrique. Puis nous analyserons la passion romanesque de Delphine. Enfin, nous étudierons l’aspect sacrificiel et tragique.

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Astuce

Vous devez annoncer votre plan. Ayez une formule tout prête, vous gagnerez du temps !
« Nous verrons tout d’abord… Puis nous analyserons… Enfin, nous étudierons… ».

Une lettre lyrique

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Attention

Afin que ce soit plus clair, les titres des parties sont ici apparents. Pensez toutefois à ne pas les indiquer dans votre copie le jour de l’examen !

Cet extrait est issu d’un roman épistolaire. Il est donc écrit sous la forme d’une lettre. Nous en retrouvons les caractéristiques d’énonciation : Delphine est l’expéditeur, Matilde en est le destinataire. « Paris » désigne le lieu d’où Delphine écrit, « ce 4 décembre » correspond à la date d’écriture de la lettre.
La focalisation est nécessairement interne dans une lettre.

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Astuce

La focalisation désigne le point de vue : interne, externe, omniscient ou zéro.

Delphine écrit à la première personne : « je ». La lettre lui permet de révéler ses sentiments et ses pensées ainsi que de légitimer des confidences qu’elle ne pourrait pas faire autrement : « J’ose vous le dire. » (l. 3).
Par ailleurs, le « vous », désignant ici Matilde, est plus utilisé par convenance aristocratique que par politesse respectueuse. En effet, Matilde était « la compagne de [son] enfance, l’amie de [sa] mère » (l. 27-28). Cela laisse supposer que Delphine est plus âgée que Matilde et Léonce. Et cela fait écho au dépit de Léonce : il a épousé Matilde par convenance, et Delphine a contribué à ce mariage : « celle qui vous a mariée » (l. 28).
Outre la présence de la première personne du singulier, plusieurs éléments permettent d’identifier le registre lyrique de cet extrait. Nous retrouvons en effet le champ lexical des émotions et sentiments, avec notamment « les sentiments dont je triomphe » (l. 8), « je l’aimais » (l. 10), « les affections du cœur » (l. 16 et l. 21), « des âmes passionnées » (l. 16) et « les caractères profondément sensibles » (l. 19).
De même, l’expression de ces sentiments est accompagnée d’une ponctuation forte : « si le sort ne leur avait pas fait un crime de l’amour ! » (l. 18), « et le dernier acte de ma vie ne mérite-t-il pas vos égards pour ma mémoire ! » (l. 25-26), et « jamais surtout il ne vous a été plus ordonné de ne pas être sévère envers elle ! » (l. 30-31).
Enfin, de nombreux verbes sont à l’impératif, tels que « écoutez-moi » (l. 14), « chargez-vous » (l. 23), et « ne cherchez point » (l. 23-24). Delphine se place en personne plus âgée et supérieure, conseillère de Matilde.

Tous ces éléments contribuent à exprimer les sentiments et émotions de Delphine face à la situation et font de cette lettre un écrit lyrique. Ce lyrisme se trouve ici au service de la passion romanesque.

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Astuce

N’oubliez pas de faire des transitions pour lier vos parties entre elles.

La passion romanesque

Cette lettre, par Matilde interposée, est une déclaration d’amour à Léonce. Elle révèle l’âme romantique de Delphine. Outre le champ lexical des sentiments que nous avons déjà abordé, nous retrouvons également le champ lexical de la bienveillance : « cœurs » (l. 5), « bonté » (l. 6 et 17), « générosité » (l. 17) ou encore « douceur » (l. 17). Delphine revendique un amour supérieur et se compare avec Matilde, qui est un choix de raison et non de passion : « vous croyez qu’il suffit du devoir pour commander » (l. 15). Elle s’oppose à elle : avec Léonce, ils sont « des âmes passionnées » (l. 16).
Cette opposition est soulignée par l’hyperbole « des âmes […] vertueuses en tout » (l. 16-17) et mise en valeur par la subordonnée circonstancielle de condition « si le sort ne leur avait pas fait un crime de l’amour ! » (l. 17-18), qui marque l’aspect hypothétique, renforcé par l’exclamation finale.
Delphine entre ainsi dans la catégorie des personnages romantiques au destin tragique, héros qui deviendront classiques du XIXe siècle. Cela fait également de Delphine un personnage solitaire et à part, que l’on peut prendre en pitié car elle agit pour cette raison : « au nom de la morale, au nom de la pitié même » (l. 11-12).
La passion amoureuse est alors idéalisée et presque légitimée. Delphine tente de se placer sous la protection divine : « Plaignez ces destinées malheureuses […] ils sont peut-être un objet de bienveillance pour l’Être suprême, pour la source éternelle de toutes les affections du cœur. » (l. 18-19).
La passion devient alors une valeur religieuse contre laquelle Delphine ne peut pas lutter. Ni Matilde, même si elle peut avoir « sur son cœur des droits » (l. 9). Delphine agit par « devoir » (l. 15), « au nom de la morale » (l. 12).
C’est enfin une manière pour Delphine de revendiquer sa condition de femme : elle est veuve, libre, capable de choisir son destin, même malheureux. Le futur, utilisé à plusieurs reprises, marque la détermination de l’héroïne : « je quitterai Paris » (l. 1), « Léonce ne saura point » (l. 2), « il ignorera » (l. 2) et « vous n’entendrez plus » (l. 27). Elle a un comportement digne, celui de l’héroïne du XIXe siècle.

Le comportement digne de Delphine fait d’elle une héroïne tragique dont le sacrifice est magnifié.

Le sacrifice et la tragédie

La détermination de Delphine, soulignée par l’emploi du futur, comme nous l’avons évoqué précédemment, est renforcée par l’éloignement géographique : Delphine quitte Paris, puis la France. De plus, Delphine est actrice de la décision : le « je » commande des verbes de la voix active, tel que « celui dont je me sépare » (l. 14).
En outre, nous pouvons noter le champ lexical du tourment : « sacrifice » (l. 4), « douleur » (l. 5), « effort » (l. 6), jusqu’au dernier mot qui clôt cette lettre : « souffrir » (l. 33).
Ce champ lexical est souvent mis en valeur par des figures de style. Par exemple, l’adjectif « malheureuse » est répété et accentué par la tournure au superlatif de supériorité : « la plus malheureuse de toutes » (l. 32). De même, le nom « sacrifice » (l. 4) est accompagné du verbe de la même famille « je sacrifie le mien » (l. 3).
Ce thème du sacrifice est poussé jusqu’à son paroxysme lorsque Delphine laisse sous-entendre qu’elle va mettre fin à ses jours : « quand il devrait m’en coûter la vie » (l. 12-13), « il faut déjà me compter parmi ceux qui ne sont plus » (l. 25), « Adieu, Matilde, vous n’entendrez plus parler de moi » (l. 27). L’héroïne est poussée au désespoir et n’a plus de raison de vivre. Elle souhaite seulement qu’on ne l’oublie pas et qu’on la plaigne : « et le dernier acte de ma vie ne mérite-t-il pas vos égards pour ma mémoire ! » (l. 25-26). Cette exclamation a tout autant une valeur d’interrogation rhétorique qui induit chez Matilde, et chez le lecteur, de la compassion dans la tragédie.
Enfin, la lettre se clôt sur une tournure cérémonieuse, telle qu’elle pourrait être formulée lors de l’oraison funèbre de Delphine, marquant ainsi sa supériorité sur celle qu’elle enjoint de prier pour elle : « priez pour une femme malheureuse […] qui consent à se déchirer le cœur, afin de vous épargner une faible partie de ce qu’elle se résigne à souffrir » (l. 31-33).

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Définition

L’oraison funèbre est un discours élogieux prononcé lors de l’enterrement d’une personne.

Elle impose ainsi à Matilde une promesse de réconciliation et de pardon : « jamais surtout il ne vous a été plus ordonné de ne pas être sévère » (l. 30-31). Delphine veut partir apaisée, délivrée de toute culpabilité : « coupable, jamais elle ne le fut moins » (l. 30). L’utilisation du pronom « elle », à la place du « je », lui permet ainsi une distanciation : elle agit comme si elle avait déjà disparu et se place en retrait. Cela la grandit et la glorifie davantage : elle devient l’héroïne sublime du drame.

Cet extrait présente une héroïne romantique dont la passion est exacerbée et valorisée par un comportement digne d’une tragédie. Le renoncement au bonheur et à l’amour sublime le personnage de Delphine dans cette lettre lyrique qui se meut en lettre d’adieu au fil des lignes.
Delphine pressent les héroïnes féminines puis féministes du XIXe siècle. Proche de la Princesse de Clèves de Madame de La Fayette dans son sacrifice presque religieux, elle préfigure pourtant déjà la Renée de Colette. Madame de Staël va d’ailleurs récidiver avec Corinne, roman publié cinq ans plus tard, dans lequel son héroïne revendique le droit d’exister et d’être indépendante en tant que femme et en tant qu’écrivain.